Une demande de brevet pour un médicament contre le sida contestée pour la première fois en Inde – Les brevets indiens compromettent l’accès mondial aux médicaments abordables et à la mise à niveau des traitements

Delhi/Genève- Aujourd’hui, les groupes Indian Network of People Living with HIV/AIDS (INP+), Manipur Network of Positive People (MNP+) et Lawyers’ Collective HIV/AIDS Unit ont déposé officiellement une opposition à une demande de brevet pour le Combivir présentée par le Glaxo Group Limited au bureau des brevets de Kolkata en Inde.

Le Combivir est un médicament à dose fixe alliant deux médicaments contre le sida (zidovudine/lamivudine ou AZT/3TC). L’opposition se fonde sur des arguments de nature technique et sanitaire. Selon les requérants, la délivrance d’un tel brevet par l’Inde créerait un précédent qui entravera l’accès aux thérapies abordables contre le sida partout dans le monde.

« La possibilité d’accéder à des médicaments génériques abordables est un élément fondamental qui nous permet de sauver des vies, y compris ici-même en Inde, où nous avons commencé à soigner des patients l’an dernier », affirme le Dr Pehrolov Pehrson du programme de traitement de MSF à Manipur, où tous les patients soignés aux antirétroviraux reçoivent des médicaments génériques fabriqués dans le pays même. « Sans source sûre garantissant un approvisionnement constant en produits à faible prix – ce qui était auparavant possible puisque pendant de nombreuses années, les médicaments n’étaient pas protégés par des brevets en Inde -, gouvernements nationaux et fournisseurs de traitements auront une dure lutte à mener. En effet, les patients risquent de voir leur traitement interrompu ou devenir hors de prix. »

Sur les 60 000 patients et plus que comptent les projets de MSF dans une trentaine de pays, 84 % prennent des médicaments génériques fabriqués en Inde. Dans les mêmes programmes, plus de 90 % de tous les patients soignés à l’AZT/3TC reçoivent une version générique du produit. En Inde, au Burkina Faso, en Mongolie, en République centrafricaine, au Malawi, au Pérou, au Kirghizistan, au Cambodge, en Ukraine et au Swaziland, les programmes nationaux de traitement du sida dépendent largement des versions génériques de l’AZT/3TC. Avec d’autres antirétroviraux, ces dernières ont permis aux pays en développement d’accroître le nombre de personnes qui sont soignées et, par le fait même, de prolonger leur vie.

Les groupes indiens qui s’opposent à l’octroi du brevet avancent que le Combivir (AZT/3TC) de Glaxo ne constitue pas une nouvelle invention, mais qu’il s’agit plutôt de l’association de deux médicaments existants. Ils affirment que délivrer un tel brevet ne ferait qu’accroître le prix des antirétroviraux, alourdissant ainsi le fardeau des pays en développement dans leur lutte contre la maladie.

« L’accès universel au traitement contre le sida restera un objectif inaccessible si nous ne disposons pas de source fiable de médicaments à prix abordable. Les décisions que prendra le bureau indien des brevets à cet égard sont une question de vie ou de mort pour les personnes vivant avec le VIH/sida dans le monde entier, puisqu’elles dépendent des produits fabriqués dans ce pays », fait valoir Ellen ‘t Hoen, directrice de la promotion des politiques pour la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF.

L’an dernier, l’Inde a modifié sa loi sur les brevets pour se plier aux règlements de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il y a trois semaines, le pays a délivré le tout premier brevet au fabricant Roche pour un traitement contre l’hépatite C.

La loi indienne admet toutefois les oppositions aux demandes de brevet qui sont déposées. Récemment, des patients atteints du cancer et des fabricants de médicaments génériques se sont opposés à une demande de brevet présentée par Novartis concernant le Gleevec (l’imatinib mesylate), un médicament contre le cancer, en faisant valoir que le produit est en fait la nouvelle version d’un ancien médicament. Le brevet a finalement été refusé par l’autorité compétente. Ce sont les mêmes motifs qu’ont invoqué les requérants dans le cas du Combivir dans la nouvelle procédure d’opposition.

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