Vous avez dit « aide au DEVELOPPEMENT »?…

Aline est volontaire psychologue au Rwanda, avec EIRENE SUISSE. Arrivée au terme de sa mission de deux ans, elle s’interroge sur le bien-fondé de la coopération au développement.
Vous avez dit, aide au DEVELOPPEMENT ?…
Ce dimanche, la pêche avait été bonne. Heureux de sa journée, son panier rempli de poissons et sa canne à pêche sous le bras, le pêcheur quitta le bord de la rivière et se glissa dans le sous-bois. Souriant. Léger. Encore une belle journée ! La luminosité était particulièrement douce en cette fin d’après-midi. Le soleil perçait à travers le feuillage des arbres et venait illuminer le chemin qui le mènerait jusqu’à sa chaumière.
Soudain, un scintillement. Curieux, le pêcheur s’approcha. Sur une branche, un rayon de soleil faisait briller quelque chose… Une chrysalide ! Si blanche. Si parfaite. La surprise n’était pas tant de trouver ce précieux objet, mais plutôt de constater que celui-ci se déformait… Incroyable! Quelque chose bougeait à l’intérieur ! Ebahi, le pêcheur observa un instant le petit habitacle se fissurer… Petit à petit, le craquellement se fit plus important et laissa entrevoir son hôte. Magnifique ! Un papillon…
L’effort est bien trop important pour une si petite bête ! Et tout à coup, le pêcheur se sentit investi d’une grande mission, aider cet insecte si fragile à venir à bout des murs qui l’emprisonnaient. Avec tendresse, il commença à détacher de minuscules morceaux de la chrysalide. Il ne fallut pas longtemps pour que le cocon ne se scinde en deux.
Etourdi par tant d’efforts et un peu craintif, le papillon sortit de son abri. Libre, enfin LIBRE!
Le pêcheur émerveillé et ému à la fois assistait à cette naissance. Quel spectacle ! Extraordinaire ! Mais quelque chose n’allait pas… Le papillon levait ses ailes et les laissait retomber aussitôt. Courage petit papillon, tu as fait le plus gros ! Envole-toi ! Bats de tes jolies ailes ! Va découvrir le monde !
Mais pourquoi ne bat-il pas des ailes ? Comment se fait-il qu’il ne s’envole pas ? Après plusieurs tentatives, le papillon découragé s’éloigna sur la branche, traînant ses ailes tel un fardeau.
Incrédule, le pêcheur commença à comprendre… Cet effort n’était pas vain. Le papillon avait besoin de presser ses ailes contre les parois de la chrysalide afin de les renforcer et de les rendre suffisamment fortes pour voler !…
(Source inconnue, si ce n’est dans mes souvenirs…)

Jour après jour, ce voyage au Rwanda soulève de nouvelles questions qui ne trouvent pas de réponses… Volontariat. Coopération. Aide au développement. Pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
De plus en plus je me demande où se situe la limite entre solidarité et assistance, entre autonomie et dépendance, entre aide et aliénation. Lorsqu’en février 2009 j’ai rejoint l’équipe d’Eirene, j’ai décidé d’adhérer à une cause… Une cause qui me semble juste et bonne, guidée par un principe qui me paraît indissociable au concept de développement : Travailler ensemble et non pour.
Je ne voulais en aucun cas être LA spécialiste blanche qui viendrait « faire la leçon en Afrique ». Or, l’image véhiculée par l’expatriée est qu’il sait et que le partenaire local non, mais surtout qu’il dit et que le partenaire local répète, ainsi cette ligne de conduite est parfois difficile à tenir. Je ne nie en aucun cas le fait que nous venons avec des compétences spécifiques. En effet, nous possédons des ressources spécifiques, propres à enrichir celles du partenaire local. Cependant, ce qui m’interpelle c’est la manière souvent erronée dont nous transmettons ces informations. Je pars du principe que notre savoir reste efficient dans notre contexte et qu’en dehors de celui-ci, non adapté, il perd de son efficacité et est parfois même contreproductif. Facile à dire, facile à comprendre, par contre pas si facile à réaliser… Comment mettre en place une collaboration, un système d’échange sain et équilibré ? Et surtout comment transmettre un savoir réellement utile pour le partenaire et qui perdurera après notre départ ?
Un exemple me vient à l’esprit : Une patiente de 30 ans arrive un matin pour sa consultation hebdomadaire. Son état est inquiétant. Exténuée. Amaigrie. Elle nous explique que l’ONG qui prenait en charge les frais de ses consultations médicales et de sa médication est partie. Le projet, qui a duré quelques années, est terminé. Du jour au lendemain, cette jeune femme se retrouve sans accès aux soins médicaux et aux médicaments, car beaucoup trop chers. Pour ajouter à sa misère, le secrétaire exécutif de sa cellule qui lui amenait chaque matin un litre de lait, afin de parer à sa digestion fragile, a été muté dans un autre secteur. DEMUNIE. PERDUE. Dans ses yeux, je vois la vie et la mort qui se bousculent.
Moi, je m’interroge… Je ne dis pas que ce programme n’aurait jamais dû exister. Il a certainement diminué la souffrance de bon nombre de personnes pendant sa durée. Je ne dis pas que ce litre de lait n’a pas sa place dans cette relation. Cet apport de nourriture a sans doute adouci la vie de notre patiente durant plusieurs mois. Par contre, ce que je constate à ce jour, c’est l’immense détresse de cette jeune femme et son incapacité de faire face à la situation. J’observe aussi l’oubli total de sa propre valeur, de ses propres capacités, de ses propres ressources. Alors je me demande, dans une situation comme celle-ci, aidons-nous réellement ou maintenons-nous un état ? A qui profite cette aide? Je vais être dure, mais finalement, n’est-ce pas plutôt nous donner bonne conscience et nous rassurer quant à notre bonté, notre sentiment altruiste ? Est-il possible qu’une aide devienne une « non-aide » et à quel moment cela bascule-t-il ?
La demande est forte, les résistances aussi. La population indigène, usée par tant de souffrance, fatiguée de se battre pour survivre, demande de l’assistance. Un soutien attendu rapide et salutaire.
Malheureusement, cette demande relève de la pensée magique… Et la baguette magique n’existe pas (du moins je ne l’ai pas trouvée !). Alors lorsque nous prétendons revêtir le rôle du magicien, les conséquences sont importantes et désastreuses sur le long terme. En effet, ceci élude complètement le principe de réciprocité, de coopération…
Je ne prétends nullement qu’il faille rester assis à regarder sans rien faire la misère du monde. Je prends juste conscience que la tâche n’est pas aisée. Même avec les meilleures intentions du monde, il est parfois difficile de trouver le chemin pour aider. Ainsi, je m’efforce de garder à l’esprit la parabole du papillon et de ne jamais perdre de vue que ces personnes que nous soutenons possèdent de grandes ressources, même si elles n’en sont pas ou peu ou plus conscientes… Et j’ai envie de leur dire, Même si tu ne te vois pas, moi je te vois!
SI CETTE CAUSE VOUS SEMBLE JUSTE, PAR VOS DONS, VOUS POUVEZ ENCOURAGER CE GENRE D’ELAN. ALORS SI LE CŒUR VOUS EN DIT : EIRENE SUISSE, BD DU PONT D’ARVE 16, CH- 1205 GENEVE / CCP 23-5046-2 / MENTION
« ALINE, RWANDA ».

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