2020 : Défi pandémique pour le nexus entre aide d’urgence, droits humains et coopération au développement

Avril 2020, la majorité de la planète s’apprête à entamer son deuxième mois de confinement pour endiguer la pandémie du COVID-19. Situation inédite pour la majorité de la population, elle agit comme une piqûre de rappel pour les plus anciens ayant vécu d’autres crises et privations comme lors de la deuxième guerre mondiale par exemple. Cette pandémie plonge le monde dans une situation d’urgence globale où personne n’est épargné à l’instar de la Chine, des Etats-Unis ou encore à titre d’anecdote la Suisse où Médecins sans Frontières a débuté en mars leurs actions. Tous les poids lourds de l’économie mondiale ne sont de loin pas épargnés.  Bien au contraire, le libre-échange de biens et de personnes entre pays est mis à mal et crée des conditions favorables à la propagation du virus d’un point de vue international.

La pandémie agit comme un rappel de notre lien aux autres, de la fragilité des économies les plus fortes. Jamais la solidarité n’a été aussi requise pour faire face, entre gens, peuples et nations. La pandémie nous rappelle que nous ne pouvons la vaincre seul ; elle s’impose comme un objectif commun à tou-te-s qu’on le veuille ou non.

A cette hauteur, il n’y a même plus de débat sur la nécessité du nexus entre aide d’urgence, droits humains et coopération au développement. Aujourd’hui, il ne peut y avoir de développement sans une réponse efficace à la pandémie. Tout comme il semble évident qu’il y aura moins besoin de moyens de réponses si toutes les mesures de prévention et de précaution sont prises pour endiguer l’épidémie. En ce sens les acteurs de la société civile et du développement sont fondamentaux. L’articulation entre la prévention et la réponse trouve déjà matière dans la gestion des risques.

La pandémie permet toutefois de s’imaginer ce que pourrait donner un plan d’action commun aux différents grands acteurs de ce monde dans le cadre de cette situation extraordinaire. Les domaines d’action traditionnels de l’urgence se doivent de penser leur action dans le « contiguum » (voir article en fin d’édito).

  • Santé, au cœur de la lutte contre la maladie,
  • Eau, Assainissement et Hygiène (EAH ou plus communément appelé Wash en anglais), au cœur des besoins pour promouvoir les gestes barrières,
  • Sécurité alimentaire, au cœur des besoins pour garantir le confinement des personnes survivant grâce au travail informel,
  • Migration, au cœur des préoccupations comme étant l’une des populations les plus exposées et vulnérables.

Sont dès lors des thèmes formant le noyau de l’action d’aide d’urgence, certes, mais ils se doivent aussi se combiner avec d’autres domaines, notamment :

  • Education en urgence et à distance, pour garantir le maintien et le retour dans le cursus scolaire normal de tous les enfants.
  • Protection des plus vulnérable contre les violences et l’exploitation étant donné une recrudescence des risques en période de confinement.
  • Logement, du camp temporaire, de l’abri au logement digne
  • Moyens de subsistance – (Livelihood) – la défense des droits économiques, sociaux et culturels afin de pouvoir envisager un retour à l’autonomie économique, un retour à des conditions de vie digne.

Le Grand Bargain du sommet humanitaire d’Istanbul avait tablé sur le renforcement du principe de participation de la société civile locale. Il n’est plus que jamais requis. Le sujet se doit d’être transversal afin que le nexus se fasse encore un peu plus. La santé et l’EAH doivent être pensé sur le moyen et long terme. Enfin la sécurité alimentaire ne peut que difficilement se penser sans corroborer la nécessité de maintenir à terme les circuits courts et une économie de proximité.

Autre nouveauté du Grand Bargain, le transfert de fonds en liquide en tant qu’aide est ici nécessaire pour garantir les mesures barrières et notamment le confinement des personnes les plus pauvres. Le défi est gigantesque, même si bon nombre de gouvernements nationaux ont déjà pris des mesures pour y remédier.

Tout cela ne peut être fait sans répondre aux besoins de mécanismes de coordination entre les différents acteurs.  Un organisme s’impose alors comme étant le seul à un niveau global  : l’UN’s Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) et son Inter-Agency Standing Committee (IASC). Les deux entités ont comme mission de mettre en oeuvre le plan humanitaire de réponse au COVID-19 de l’ONU qui se traduit en trois objectifs.

  • Contenir la propagation de la pandémie de COVID-19 et réduire la morbidité et la mortalité.
  • Diminuer la détérioration des biens et des droits humains, de la cohésion sociale et des moyens de subsistance.
  • Protéger, aider et défendre les réfugiés, les personnes déplacées, les migrants et les communautés d’accueil particulièrement vulnérables à la pandémie.

Dans ce plan, la coordination se fera principalement avec les agences UN, l’OMS, les consortiums d’ONG et le Mouvement de la Croix-Rouge. Etant donné la nature de la pandémie, la réponse humanitaire priorise – sans surprise – la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène, les abris, la sécurité alimentaire, la protection et la logistique. Les équipes locales peuvent mettre en place des lignes d’actions pour renforcer les mécanismes de coordination locale et ses capacités de réponse. L’idée est de lier les clusters des thématiques dédiés avec les dynamiques locales. Dans ce sens, les complémentarités avec les acteurs du développement seront « clés pour donner une réponse efficace et durable » selon ce même plan de réponse humanitaire.

Nul doute, 2020 constituera donc un moment clé pour éprouver un peu plus notre manière de construire et de concevoir le nexus entre aide d’urgence, droits humains et coopération au développement que ce soit au niveau des organisations de base de la société civile et au plus haut niveau des agences onusiennes, du terrain au global.

Olivier Grobet

Le « contiguum » expliqué par ACTED : http://humanitaire.ws/acted-global-acted-lapproche-nexus-et-le-contiguum-humanitaire-developpement/

Inter Agency standing committee de l’OCHA: https://interagencystandingcommittee.org/content/grand-bargain-hosted-iasc

Global Humanitarian response COVID-19 – télécharger le document

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