2021 : Panser la sortie de crise

Depuis 2020, les ONGs sont confrontées à de nombreux défis que ce soit pour maintenir leur programme de développement ou encore pour répondre à l’urgence que la pandémie covid-19 aura généré. Situation inédite, que vous soyez un acteur de l’urgence, des droits humains ou du développement, chacun-e a dû revoir ses approches et bon gré mal gré intégrer la notion de nexus urgence-droits humains-développement à son intervention. Ce qui était discuté depuis des années s’est fait par la force des choses comme un impératif généré auprès de chaque acteur-trice de la solidarité internationale

Chacun-e s’est vu confronté-e à l’incessante évolution de la pandémie où chaque vague a remis au goût du jour des mesures strictes de protection ou un bienvenu relâchement, avant-goût d’une liberté retrouvée. Le va et vient entre état d’urgence (ou de nécessité) et retour à une situation régulière a clairement mis en lumière la notion de contiguum où les mesures d’urgence se chevauchent à celles du retour à une vie hors crise. Le chemin entre urgence et développement ne se fait pas de manière linéaire. Cette pandémie en aura clairement fait la démonstration à l’instar des vagues d’infection au covid-19.

2021, l’année de sortie de la pandémie covid-19 ?

La sortie de la crise ne peut se faire que par l’adoption des gestes barrières, la mise en place de tests de masse, des quarantaines ciblées, des plans de contingence de la pandémie et enfin d’une vaccination à large échelle. Toujours reste-t-il à savoir si ces mesures seront suffisantes pour laisser la crise sanitaire derrière nous encore en 2021. Il est néanmoins fort à parier que les premiers pays ayant réussi à vacciner sa population bénéficiera d’une moindre pression sur son système hospitalier et donc sera plus apte à « vivre avec » renouant avec un sentiment de liberté retrouvée sans pour autant avoir éradiqué la maladie.

Situation post-covid et autres risques

Plus d’un an de crise sanitaire aura de fait complètement sinistré tout un pan de l’économie mondiale. En première ligne, les indépendants, l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, la culture, les petits commerces ou encore tout le marché du travail informel, catastrophe annoncée pour la majorité des pays en cours de développement ou encore pour les personnes travaillant de manière illégale dans les pays les plus riches. De fait, les inégalités se sont creusées générant tensions internes et dissidences. Le rapport au travail, au temps, à la nature, à sa famille, à ses priorités ont été au cœur du confinement de chacun d’entre nous, altérant les comportements de notre société. La démocratisation et l’accélération de la propagation de l’information, de toutes sortes, à travers les médias et réseaux sociaux révèlent encore tout un pan de la société souhaitant une sortie de crise rapide pour un monde différent, ou tout du moins libre. Sur ce terrain apparaît toutefois quelques écueils : théorie du complot, méfiance envers les institutions, défiance envers le secteur privé et en particulier celui du pharma, de nombreux éléments laissent présager une rupture entre la société et ses institutions, une crise sociopolitique qui est et sera interne à chaque pays.

Et puis, on semble à peine commencer à mesurer l’ampleur des dégâts psychologiques, notamment quant à l’explosion des cas de dépression et d’isolement que la crise aura générée…et cela particulièrement auprès des jeunes générations privées de leur liberté si propice à la construction de leurs identités.  Le futur de notre société saura-t-il intégrer cette crise de manière constructive ?

La résilience comme clé

Il est un mot bien connu des humanitaires, encore plus lorsqu’il s’agit de gestion des risques, de diminuer la vulnérabilité et d’augmenter les capacités. En physique, il s’agit de l’aptitude d’un corps à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. Force est de constater d’abord que face aux traumatismes, ceux et celles qui sont les plus résilients sont ceux qui arrivent le mieux à mettre des mots dessus, à ne pas s’enfermer dans l’isolement et à profiter pleinement d’une catharsis toute naturelle et spontanée. La résilience passe forcément par l’altérité, par le lien qui nous relie – qui nous permet de rester acteur-trice et d’envisager de transformer des blessures en actions et espoirs pour le futur. Dans le cadre de la crise actuelle, rien de plus naturel alors que de développer notre capacité à rebondir et faire de l’adversité une force pour construire quelque chose de nouveau, mieux qu’avant. Ce qui a été détruit doit être reconstruit, mieux ce qui a été détruit laisse un vide qui peut être rempli différemment. A nous de savoir avec quoi et comment.

L’énorme défi de l’Etat-Nation

Qu’allons-nous mettre en place pour tout un pan de notre société meurtrie ? Quelles aides pouvons-nous mettre en place pour permettre à ceux et celles qui ont périclité dans cette crise de se relancer et avec quels moyens ? L’idée d’augmenter les impôts sur le revenu constitue clairement une gageure. Ce serait réduire le pouvoir d’achat de la population pour le transformer en aide et donc faire tomber notre économie dans la récession, alors qu’une reprise rapide pourrait permettre aux Etats de maintenir le tissu économique tout en pouvant compter sur des recettes fiscales suffisantes dans les années à venir grâce, notamment, au même pouvoir d’achat et la reprise du commerce. La péréquation reste toutefois délicate. A la recherche de moyens, de nouvelles pistes de financement devraient être explorées.

Dans le cadre d’une résilience mondiale, un élément semble être intéressant aujourd’hui : une taxe mondiale sur les transactions financières. Déjà appliquée dans quelques pays, elle pourrait s’étendre et s’harmoniser. Souvent critiquée dans la mesure où ceux qui l’appliqueraient pourraient voir leur marché s’affaiblir ou tout du moins engendrer un déplacement des marchés vers des pays où cette taxe n’existe pas, elle présenterait en revanche l’avantage de stabiliser les marchés volatiles. Or, aujourd’hui, le monde cherche des fonds ; tout le monde aurait intérêt à appliquer cette même taxe partout et en même temps. Cela pourrait être une taxe dérisoire pour celui à qui on la retranche, mais qui pourrait faire une grande différence si elle était appliquée partout. Une taxe dite indolore. Et si on prélevait un centime par transaction, par exemple, c’est -à-dire à chaque fois que vous utilisez votre carte bancaire pour un débit, ou encore un pourcentage minime à chaque fois que vous opérez une transaction en bourse sur les marchés financiers. Des milliards pourraient être récoltés simultanément dans le monde entier. De quoi financer la reprise, garantir une aide conséquente aux plus démunis sans que cela soit sur le dos de qui que ce soit. Pour cela, il est souhaitable que les gouvernements se mobilisent afin de lancer les démarches nécessaires auprès du FMI, du Conseil de stabilité financière, de l’ONU et des autres organisations pertinentes afin qu’une taxe mondiale sur les transactions financières soit instaurée de manière coordonnée à l’échelle mondiale… et afin de trouver un sens commun à cette crise, probablement – sous le signe de la solidarité internationale.

Olivier Grobet

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