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Le 19e «Acampamento Terra Livre» – Campement Terre Libre
La 19e édition du « Campement Terre Libre – ATL» a rassemblé plus de cinq mille Indigènes à Brasilia entre le 24 et le 28 avril. À l’ordre du jour de nombreux débats sur les préoccupations majeures du moment : la démarcation de Terres Indigènes, les organes de représentation des Indigènes au sein de l’État, l’éducation scolaire indigène, le système de santé, la politique de gestion territoriale et l’urgence du changement climatique. Une session solennelle du Congrès, en hommage à cette édition de l’ATL, a eu lieu le 24 avril. Joênia Wapichana, la présidente de la Fondation Nationale des Peuples Indigènes – FUNAI était présente à cette célébration. Le lendemain, devant les participants de l’ATL, elle fait part de ses décisions en faveur de la démarcation de Terres Indigènes. Le 28 avril, Lula, le Président de la République, était présent à la cérémonie de clôture de l’ATL. À cette occasion il a signé une dizaine de décrets. Quatre concernent la politique indigéniste et six la démarcation de Terres Indigènes (TI). Ces derniers décrets marquent la reprise du processus de démarcation interrompu par Jair Bolsonaro. Celui-ci avait annoncé en 2017, avant même sa prise de pouvoir comme président, qu’il ne démarquerait pas un centimètre carré de TI… Mais le débat sur la démarcation de TI reste ouvert à la Chambre des Députés, au Sénat et au Tribunal Suprême Fédéral. Un débat crucial !
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La démarcation des Terres indigènes mise en cause par le « Repère Temporel »
Il s’agit d’un débat qui dure depuis plusieurs années. En résumé, le « Repère Temporel* » est une thèse juridique selon laquelle seuls les peuples indigènes ont droit à la protection – la démarcation – de leur territoire s’ils peuvent prouver qu’ils occupaient celui-ci au 5 octobre 1988 (date repère), soit le jour de l’adoption de l’actuelle Constitution Fédérale.
L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a produit un dossier à ce sujet. Pour l’Articulation cette thèse « …est un recul pour les droits des peuples indigènes et un affront à leur dignité et à leur survie. De plus, de nombreuses communautés autochtones ont été expulsées de leurs terres pendant la dictature militaire et n’ont réussi à revenir qu’après la date fixée par la thèse, ce qui pourrait entraîner de graves violations des droits humains de ces peuples. » Au terme de l’Acampamento Terra Livre elle a appelé les indigènes à revenir à Brasilia entre le 5 et le 7 juin pour être présents devant le Tribunal Suprême Fédéral – STF qui devait reprendre le jugement interrompu en 2021. Le 7 juin, un Ministre a voté contre le repère temporel, mais un autre juge a demandé un délai pour se prononcer. Le jugement devrait reprendre dans les trois mois.
Entre temps, le 24 mai, la Chambre des Députés a décidé de traiter en urgence le projet de loi consacrant le Repère Temporel (PL No 490/07). Le vote en plénière a eu lieu le 30 mai par 290 voix pour,142 contre et 1 abstention. Le texte (qui est devenu le PL2903/2023) a été envoyé Sénat. Comme à la Chambre des Députés, un groupe Sénateurs a demandé le traitement en urgence de ce texte. Pour l’heure, il est examiné par les Commissions.
Cette volonté de réduire les droits des peuples indigènes du Brésil préoccupe au niveau international. Le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les droits des peuples indigènes, José Francisco Cali Tzay exprime cette préoccupation dans une déclaration du 13 juin : « J’espère que la décision de la Cour suprême fédérale sera conforme aux normes internationales et qu’elle offrira la plus grande protection possible aux peuples autochtones du Brésil ». De son côté, le 29 juin, le chef de l’ONU Droits humains en Amérique du Sud, Jan Jarab, affirme que « l’approbation du projet serait un grave recul pour les droits des peuples indigènes du Brésil, cela en contradiction avec les normes internationales des droits humains. » Un dossier à suivre !
*Dans nos précédentes éditions, les deux bulletins « AYA Info » : No 118 du 31/08/2017 et No 138 du 31/08/2021, le terme “Marco Temporal » en portugais a été traduit par « Marque temporelle » en français.
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L’Institut Socio-environnemental publie « Peuples Indigènes au Brésil 2017/2022 »
Le 21 mars dernier, l’Institut Socio-environnemental (ISA) de São Paulo a publié le treizième ouvrage de sa collection « Peuples Indigènes au Brésil». Cet important document de plus de 800 pages, porte sur les années 2017 à 2022. A l’exception de l’avant dernière édition (Povos Indígenas no Brasil 2011-2016), les précédentes publications sont épuisées, mais elles ont été numérisées pour en permettre la lecture. Commencée en 1980 par le Centre Œcuménique de Documentation et d’Information – CEDI (auquel a succédé ISA), cette collection permet d’avoir une précieuse vision de l’histoire contemporaine des peuples indigènes brésiliens et de leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Pour ne prendre qu’un exemple, celui du peuple Yanomami, la lecture des différentes éditions montre que celui-ci est confronté depuis plus de quarante ans aux orpailleurs illégaux. Le lancement de l’ouvrage a eu lieu le 16 juin à Brasilia en présence de nombreux invités, représentants d’autorités publiques, de la société civile, de mouvements sociaux et de leaders indigènes.
La première de couverture est une photo de Watatakalu Yawalapiti, une leader du peuple du même nom*, une tribu de l’État du Mato Grosso. Watatakalu fait partie de cette génération de femmes qui ont particulièrement marqué le combat des peuples indigènes ces dernières années… Des treize ouvrages publiés depuis le début des années 80, c’est la première fois qu’un tel hommage est rendu à une femme indigène.
*Le document de ISA comporte plusieurs photos de l’ethnologue René Fuerst, ancien conservateur au Musée d’Ethnographie de Genève.
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Le Brésil a recensé sa population
Ce 28 juin, l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique – IBGE a publié les premiers résultats du recensement de la population 2022/2023*. Le Brésil compte maintenant 203’062’713 habitants. Une augmentation de 6,5% par rapport au précédent recensement de 2010 quand il avait dénombré 190’755’799 résidents.
Dans les neuf États de l’Amazonie légale** il a recensé 27’783’584 habitants, alors qu’ils étaient 25’474’365 en 2010. Une progression de 2’309’219 personnes, soit un supplément de 6,45 %, quasiment la même que celle constatée dans le pays.
Au début du mois d’avril, alors qu’il avait terminé l’opération dans la Terre Indigène Yanomami – où il avait dénombré 16’864 Indigènes dans la partie de l’État de Roraima et 10’280 dans celle de l’État d’Amazonas, (soit un total de 27’144 Indigènes) – l’Institut avait déjà enregistré 1’652’876 Indigènes dans tout le pays. Mais il faut encore attendre pour avoir confirmation de ces chiffres provisoires.
Le recensement de la population peut présenter des difficultés non négligeables dans certaines zones du pays. Il en va ainsi de l’accès à la moitié des communautés Yanomami. Un accès difficile par voie terrestre. Aussi l’IBGE a passé un accord avec la Force Aérienne Brésilienne (FAB) afin de s’assurer le service d’hélicoptères.
Pour rappel***, au dernier recensement de 2010, l’IBGE avait compté 817’963 Indigènes, soit 0,43% de la population du pays. Les Indigènes restent une minorité dans ce pays dont ils sont les premiers occupants…
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*Le recensement aurait dû être réalisé en 2020, mais en raison de la pandémie de la Covid 19 il a été renvoyé une première fois en 2021. Puis, faute d’inscription au budget 2021, il est à nouveau reporté en 2022. / **Soit les États d’Acre, Amapá, Amazonas, Maranhão, Mato Grosso, Pará, Rondônia, Roraima et Tocantins / ***Voir AYA Info No 61 du 29 mai 2011
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PS : L’activation des liens hypertextes (en brun) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais.
Bernard Comoli
AYA – Appui aux Indiens Yanomami d’Amazonie
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