Quels destins pour les enfants battus du Cameroun

Nous nous permettons d’attirer l’attention des responsables du forum humanitaire sur un problème capital tant en matière de protection et d’éducation des enfants que pour le développement des pays du sud et particulièrement de l’Afrique. L’observation des méthodes habituelles d’éducation dans le Sud révèle un fait banal et pourtant aux conséquences graves, l’usage systématique de la “bastonnade“ ou violence éducative dans l’éducation de l’enfant, aussi bien par les parents que par les enseignants. La réalité de cette violence est confirmée par l’enquête menée en 2000 par EMIDA et l’UNICEF dans 4 provinces, soit 47 % de la population du Cameroun, qui révèle que 90% des enfants sont battus à la maison et 97% à l’école primaire.
 
La psychologie et les connaissances en éducation de l’enfant montrent que la violence comme moyen d’éducation favorise chez l’enfant la soumission, lui enseigne la normalité de la violence, limite son sens des responsabilités, son esprit d’initiative, son imagination, sa créativité, sa volonté de se « battre » pour s’en sortir. De plus, les enfants subissent des châtiments corporels très violents dans leurs familles et à l’école tout au long de leur enfance et de leur adolescence, c’est-à-dire pendant les années où leur cerveau se forme.
Or, la neurobiologie ne laisse aucun doute là-dessus: le dressage par la violence laisse des traces profondes dans le réseau neuronal des adultes qu’ils deviennent, perturbant leur comportement tout au long de leur vie. Voici, tiré du livre récent publié par le Conseil de l’Europe pour l’abolition des châtiments corporels, les résultats de nombreuses études réalisées: une recherche sur 88 études analysant les effets de ces violences « prouve que ceux-ci entraînent de nombreuses conséquences négatives et aucun effet positif sur le long terme. Ils tendent à altérer la santé mentale de l’enfant (12 études sur 12), érodent les relations parents – enfant (13 études sur 13), fragilisent l’intériorisation des règles morales (13 études sur 15), accroissent l’agressivité infantile (27 études sur 27) et sont un facteur d’attitude asociale chez l’enfant (11 études sur 12). Qui plus est, ces effets perdurent à l’âge adulte. Les châtiments corporels se traduisent chez l’adulte par une plus grande fragilité de la santé mentale (8 études sur 8) et par une fréquence plus élevée des comportements asociaux et criminels (4 études sur 5 ». Il est évident qu’une méthode d’éducation qui produit de tels effets compromet les capacités de production des pays en difficulté et donc accroît à la fois directement, par les violences qu’ils subissent, et indirectement, par les conséquences de l’extrême pauvreté, le développement des enfants. Ces conséquences sont en grande partie la cause de plusieurs phénomènes qui compromettent le développement de la personnalité de l’enfant, de l’adulte qu’il devient et même de la société à laquelle il appartient.
 
– La violence qui déstabilise ces sociétés: les punitions corporelles génèrent chez les enfants, chez les jeunes et chez les adultes qu’ils deviennent, des comportements d’impulsivité, d’agressivité, de violence, voire de délinquance et de criminalité, qui contribuent à l’instabilité de ces pays où la moindre manifestation peut tourner à l’émeute, au vandalisme et au massacre. Ne dit – on pas que la violence est une école de la violence! La violence, du fait de l’habitude qui a été prise tout au long de l’enfance d’obéir à la violence, favorise la soumission des plus faibles aux individus les plus violents dont elle accroît ainsi les capacités de nuisance.
 
– L’illettrisme : Les capacités d’apprentissage, d’attention et de mémorisation des enfants sont fortement altérées par cette méthode d’éducation pratiquée dans les familles et dans les écoles. De plus, beaucoup d’enfants sont amenés à quitter l’école par peur des violences qu’ils y subissent. Au Kenya, par exemple, 42 % des enfants seulement terminent leurs études primaires, et cela en grande partie à cause de la violence à laquelle ils y sont soumis. Et un fort pourcentage d’enfants se retrouvent à la rue, moins par l’effet de la misère que par celui de la peur des coups qu’ils subiront s’ils rentrent chez eux.
 
– La corruption : Un des principaux effets de l’éducation par la violence est de développer l’hypocrisie, pour échapper aux coups. Ce conditionnement mène tout droit, plus tard, à la recherche de combines douteuses, à la dissimulation, plutôt qu’au respect des règles de la société. De plus, comment pourrait se développer le sens de l’initiative quand on a été habitué dès sa petite enfance et pendant toute la durée de la formation de son cerveau, à agir sous la pression de violences extérieures qui ont précisément réprimé toute initiative personnelle ?

 
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La réalité de la bastonnade, due principalement à l’ignorance de toute autre mode d’éducation,  a fait naître au Cameroun en 1999 “EMIDA, pour l’éducation dans la famille“, dont l’unique but est d’apprendre aux parents le rôle de parent, afin d’apporter une solution concrète au problème de la violence éducative. Il y a encore en Occident de la violence envers l’enfant, c’est vrai ! Mais en Afrique cette violence est le principal mode d’éducation connu et accepté par tous, alors que cette méthode représente une automutilation des valeurs et des richesses potentielles de l’enfant et de l’adulte qu’il devient.
 
EMIDA a publié le manuel de formation “Une Belle Aventure : Aimer et Elever son enfant“ et enseigne une relation parents/enfants fondée sur l’amour témoigné, le dialogue et le respect réciproque. 12000 parents sont déjà formés. Depuis 8 ans, EMIDA se consacre exclusivement, et avec succès, à ce projet, mais EMIDA a besoin aujourd’hui de l’aide de l’occident et d’un maximum de partenaires au développement pour étendre son action à l’ensemble du Cameroun et puis de répondre favorablement aux demandes d’extension venues déjà d’une trentaine de pays de l’hémisphère Sud. Après l’enquête menée avec l’UNICEF sur les violences éducatives dans la famille et à l’école primaire au Cameroun en 2000, une autre étude est en fin de réalisation avec l’appui d’ONUSIDA qui porte sur « l’impact des violences éducatives sur le développement de la personnalité de l’enfant et de l’adulte qu’il devient ». Un accent est mis sur l’origine des comportements sexuels irresponsables, comportements identifiés comme favorisant la forte propagation du SIDA en Afrique. EMIDA a bénéficié au cours des dernières années du soutien de : L’UNICEF, de AEN (Aide de l’Eglise de Norvège) de DED (Service Allemand de Développement), du Bureau d’Appui de la Coopération Canada Cameroun, de l’ambassade des USA au Cameroun. Au plan institutionnel, EMIDA a reçu des accords de collaboration avec plusieurs organismes et ministères techniques au Cameroun.
 
– Ministère de la Santé Publique, pour la prévention primaire de la violence.
– Ministère de l’Education de Base, pour la formation de tous les parents d’élèves dans le cadre d’une collaboration avec les Association des Parents d’Elèves.
– Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, pour la formation des femmes à travers le réseau des associations de femmes affilié à son ministère.
– Ministère des Affaires Sociales pour le renforcement des capacités des familles d’accueil des OEV, orphelins et enfants vulnérables en contexte du VIH–SIDA.
– Représentation de l’OMS au Cameroun.
 
A votre demande, nous pouvons vous adresser par poste les supports pédagogiques d’EMIDA notamment son manuel de formation : Une Belle Aventure : Aimer et Elever son Enfant. Les motifs de ce message sont multiples :
-Attirer l’attention de votre organisme sur l’importance du problème des châtiments corporels et leurs conséquences pour le développement en Afrique.
-Solliciter votre aide financière pour permettre à l’association EMIDA de poursuivre ses activités.
-De nous aider, autant que possible, à rencontrer d’autres organismes susceptibles d’aider EMIDA.
 
En vous remerciant d’avance pour l’intérêt que vous voudrez bien manifester à notre demande, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, les responsables du forum humanitaire, nos très sincères salutations.
 
Pour EMIDA:
Gabriel Henry NICOLE
Educateur et Secrétaire Général EMIDA
emidacam@emida-afrique.org 

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