Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 74 – Genève, le 25 août 2012

Rapport du CIMI sur la violence contre les peuples indigènes en 2011 / Droits de l\’homme : le Brésil en examen / L\’avocat général de l\’Union sème le vent… / Belo Monte : la justice suspend les travaux.

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Rapport du CIMI sur les violences contre les peuples indigènes en 2011
« Déjà ils m\’ont battu sur le bord de la route quand je suis venu la nuit. J\’ai peur, mais je ne vais pas arrêter (la lutte pour la terre), si je meurs, je serai de nouveau mélangé à la terre !« . C\’est ce qu\’avait déclaré à Agência Brasil en 2009, Nísio Gomes, cacique Guarani Kaiowá, assassiné en novembre 2011, victime d\’un conflit de la terre dans le Mato Grosso do Sul. C\’est à ce leader indigène qu\’est dédié le rapport annuel 2011 (4.1 Mo) du Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI consacré à la « Violence contre les peuples indigènes ». Il a été publié en juin dernier. Ce document se divise en deux parties. La première est composée d\’une préface de Dom Erwin Kräutler, le président du CIMI, d\’une présentation du Secrétaire exécutif de l\’entité, d\’une introduction par l\’anthropologue qui a conduit l\’enquête et de six articles sur des sujets spécifiques, par exemple les déficiences du service de santé dans la Vallée du Javari. La deuxième est consacrée à l\’énumération des différents cas relevés par les enquêteurs. Ils sont classés selon plusieurs types : « violence contre le patrimoine (invasions de terres indigènes, exploitation illégale de ressources…); contre la personne (menaces, tentatives d\’assassinat, assassinats…) et par omission des pouvoirs publics (manque d\’assistance, mortalité infantile…). Un chapitre est également consacré aux peuples isolés et de peu de contact. Les enquêteurs ont relevé 99 cas de violence contre le patrimoine (92 en 2010), 378 victimes de violence contre la personne dont 51 assassinats (60 en 2010). Dans la troisième catégorie (omission des pouvoirs publics), ils ont relevé 126 cas de mortalité infantile (92 en 2010). Rares sont les États de l\’Union qui ne sont pas mentionnés dans le rapport : cinq sur vingt-sept. Et ce sont des États où, selon le dernier recensement de 2010, le nombre d\’indigènes vivant en zone rurale est particulièrement réduit comme au Rio Grande do Norte, Piauí et Sergipe au Nordeste. Dans sa présentation, Cleber C. Buzzato, le Secrétaire exécutif du CIMI tire la sonnette d\’alarme : « Le discours idéologique, fondé sur une vision insoutenable de développement économique, est utilisé comme élément théorique absolu pour justifier la violation des droits et la pratique de violences contre les peuples indigènes au Brésil. Un tel discours montre que nous sommes dans un moment des plus complexes et dangereux de ces 40 dernières années pour les peuples indigènes.« 
Pour en savoir plus en français : Voir AYA Info No 63 /août 2011, et Nos 28, 35, 39, 52
Droits de l\’homme : le Brésil en examen
Le 25 mai dernier, c\’était au tour du Brésil de faire l\’objet de l\’Examen Périodique Universel – EPU au Conseil des droits de l\’homme. Il s\’agit d\’un mécanisme visant à améliorer la situation des droits de l\’homme sur le terrain. Cet examen, qui a lieu tous les quatre ans, est fondé sur les renseignements fournis par l\’État concerné, sur une compilation établie par le Haut-Commissariat aux droits de l\’homme et d\’autres informations crédibles et dignes de foi émanant d\’autres « parties prenantes » (des ONG). Une partie du rapport national brésilien a trait aux peuples autochtones. Il y est rappelé les droits constitutionnels de ces peuples et les 660 Terres indigènes – TI. Le gouvernement évoque la campagne pour l\’enregistrement des naissances d\’enfants autochtones; la réduction de l\’incidence de la tuberculose, du paludisme et de la mortalité infantile. Il rappelle l\’amélioration de la protection des TI tout en mentionnant les litiges, notamment dans le Mato Grosso do Sul. Concernant les grands projets d\’infrastructure: « Le Brésil a pris des mesures pour faire en sorte [qu\’ils] ne portent pas atteinte aux droits des peuples autochtones…« . Un paragraphe mentionne la création d\’un service chargé de promouvoir des politiques spécifiques au bénéfice des femmes autochtones. Il reconnaît la persistance de difficultés, notamment pour l\’adoption du projet de loi sur les peuples autochtones. La compilation établie par le Haut-Commissariat contient essentiellement un résumé des interventions des institutions spécialisées de l\’ONU (OIT, UNICEF, UNESCO, etc.) et des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies (droit à l\’alimentation, situation des droits de l\’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones…). Un chapitre est consacré aux « Minorités et peuples autochtones », mais il en est question dans sept autres : cadre constitutionnel et législatif, égalité et non-discrimination, droit au travail, à la sécurité sociale, à la santé, à l\’éducation et au développement. C\’est une feuille de route qui est proposée au gouvernement. Le document rappelle que le Rapporteur spécial sur les peuples autochtones « a conseillé aux organismes gouvernementaux compétents de faciliter, dans toute la mesure du possible, un accroissement du pouvoir décisionnel des populations autochtones en ce qui concerne la fourniture de services à leurs communautés, et de les aider à renforcer leur capacité à exercer effectivement ce pouvoir« . Un troisième document est le résumé de 48 communications envoyées par les organisations de la société civile. Un chapitre est consacré aux minorités et populations autochtones. Il y est notamment question de l\’impact des grands ouvrages comme la construction de l\’usine hydroélectrique de Belo Monte. Le gouvernement est appelé à donner son point de vue ultérieurement.
L\’avocat général de l\’Union sème le vent…
Luís Inácio Adams, Avocat général de l\’Union – AGU*, a soulevé une vague de protestations en signant, le 16 juillet, l\’arrêté No 303/2012 relatif à la démarcation des Terres Indigènes (TI). L\’arrêté reprend le texte du Tribunal Suprême Fédéral – STF de mars 2009 quand il a jugé légale la démarcation, en aire continue, de l\’emblématique TI Raposa Serra do Sol signée par Lula en avril 2005. Le STF avait assorti sa décision de 19 conditions devant guider l\’action des organes fédéraux pour la démarcation d\’autres TI. Le récent Arrêté de l\’AGU précise que les processus de démarcation en cours, et ceux déjà finalisés, doivent être adaptés ou revus, pour une mise en conformité avec le nouveau texte. En raison des réactions suscitées par l\’arrêté, l\’AGU l\’a suspendu jusqu\’au 24 septembre « pour permettre l\’audition des peuples indigènes« . Cette suspension n\’a pas calmé l\’opposition. Les organisations indigènes et leurs alliés ont multiplié les manifestations de protestation dans plusieurs villes et régions du pays pour demander l\’abrogation de l\’arrêté. Dans un manifeste, l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB explique que cet arrêté n\’est que le sommet d\’une suite d\’attaques contre les droits indigènes venant du gouvernement, de la Chambre des Députés et du Sénat : « Le gouvernement de Dilma promeut la plus grande croisade contre les droits indigènes avec des imbroglios juridiques, des mesures administratives et politiques jamais vues dans l\’histoire du Brésil démocratique. » Pour la Fédération de l\’Agriculture et de l\’élevage du Mato Grosso do Sul – FAMASUL, l\’un des membres du lobby de l\’agrobusiness favorable à l\’arrêté : « La publication de cet arrêté est le résultat d\’un effort conjoint de la fédération et de ses syndicats ruraux, du groupe parlementaire fédéral, de gouvernements, agents politiques et divers acteurs nationaux« . Le 14 août à Brasilia, les représentants des organisations indigènes ont rencontré le Ministre de la Justice, l\’Avocat Général de l\’Union et la présidente de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI. Parmi les intervenants, Sônia Guajajara, membre de la direction de la Coordination des Organisations Indigènes de l\’Amazonie Brésilienne – COIAB a demandé fermement l\’abrogation de l\’arrêté. Pour montrer la détermination des organisations indigènes, au terme de son intervention, elle a déchiré un exemplaire de l\’arrêté. Selon le ministre de la justice, l\’AGU devrait apporter des améliorations à son arrêté.
* Au Brésil, le service de l\’Avocat général est l\’organe de conseil le plus élevé du pouvoir exécutif, une institution prévue par la Constitution. L\’Avocat général est nommé par la Présidence de la République.
Belo Monte : la justice suspend les travaux
Les medias ont largement évoqué la décision du 13 août du Tribunal Fédéral Régional – 1 (TRF1) de suspendre les travaux de construction de l\’usine hydroélectrique de Belo Monte sur le rio Xingu. Le tribunal a répondu à une demande du Ministère Public Fédéral qui avait sollicité l\’annulation de l\’autorisation de l\’ouvrage. Le motif principal avancé par le TRF1 est l\’absence de consultation, par le Congrès, des peuples affectés par l\’ouvrage. Une consultation prévue par la Constitution brésilienne et la Convention 169 de l\’Organisation Internationale du Travail – OIT ratifiée par le Brésil. Parlant du Décret législatif de 2005 qui avait autorisé les travaux, le rapporteur du TRF1 écrit : « Nous ne pouvons admettre, dans un Etat de droit démocratique, un acte du Congrès qui soit un acte de dictature. » L\’Avocat général de l\’Union a déposé un recours contre ce jugement auprès du Tribunal Suprême Fédéral. Le 23 août, Norte Energia, l\’entreprise responsable des travaux a fait savoir que toutes les activités liées à la construction de l\’ouvrage ont été suspendues. Pour rappel, les peuples indigènes du Xingu s\’opposent à la construction de ce barrage depuis 1989. Cet ouvrage serait le troisième plus grand du monde après celui d\’Itaipú à la frontière du Brésil et du Paraguay et celui des Trois Gorges en Chine. À suivre…
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources ou aux documents originaux utilisés pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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