Haïti: la communauté de Jacmel enfin à l’abri

Haïti – Emma Le Beau, de l’équipe Medair, nous fait part de la réaction des familles qui vivent l’après séisme à Jacmel en Haïti.
Chaque jour, je parle avec des familles qui souffrent des conditions de vie dans le camp surpeuplé de Pinchinat à Jacmel. Ce camp a été construit sur un ancien terrain de sport où des milliers de Haïtiens occupent des abris de fortune. Un lieu où tant d’enfants, de pères, de mères ne peuvent oublier le souvenir terrifiant du séisme.

« J’ai lancé les bras en l’air en tremblant et j’ai crié : ‘Jésus, Jésus’ ! » m’explique Madame Letois Samedy, 65 ans. « J’ai entendu un grand bruit. Le mur tombait sur moi ! Je croyais que j’allais mourir. »
« Je ne savais pas ce qui se passait, » dit Madame Lapin, mère de huit enfants. « Je suis sortie de la maison en courant, entourée de mes enfants. Mais ma nièce, âgée de cinq ans, elle est morte sous la maison voisine. L’air était blanc de poussière. Partout, les gens couraient. »
Tant d’histoires similaires : de perte, de confusion, de désespoir. Aujourd’hui, le camp de Pinchinat est surpeuplé et ne peut plus accueillir les familles dans des conditions de sécurité et d’hygiène acceptables, du moins à long terme. Ces familles ont besoin d’abris plus sûrs.

Dans une rue dévastée de Jacmel, je m’arrête pour rencontrer Madame Greta Agela et sa famille. Ce sont les premiers à bénéficier de notre programme de déblaiement à Jacmel. Depuis, ils vivent sur leur lopin de terre déblayé, mais ils ont encore besoin d’un abri sûr qui résiste aux intempéries.
Chaque jour, notre équipe suit la progression du transport des abris d’urgence : par avion, par bateau et par camion. Nous mettons tout en œuvre pour que ces abris soient acheminés le plus rapidement possible pour venir en aide à ces familles.
« Toute la logistique d’importer des marchandises et les faire traverser un pays dévasté représente un vrai défi. », explique Roger Sandberg, directeur national de Medair Haïti. « Mais grâce à la générosité des nombreux donateurs privés, les abris temporaires sont enfin en train d’arriver. Nous avons beaucoup avancé sur le plan du déblaiement. Les habitants de Jacmel peuvent maintenant bénéficier d’un abri installé directement sur leur terrain dégagé. »
Premier abri

Peu après la livraison des nouveaux abris temporaires, nous avons rendu visite à Greta et sa famille. Nous lui expliquons que ces abris spéciaux sont constitués d’une grande structure en acier recouverte d’un revêtement en toile imperméable et résistant. La structure pourra ensuite servir d’ossature pour la construction d’une véritable maison. Leurs yeux s’animent lorsque nous leur montrons des photos des différentes étapes de transformation.

« C’est magnifique… C’est vraiment pour moi ? », demande Greta, radieuse. « Je suis très, très heureuse. Je suis tellement contente d’avoir une nouvelle maison. Est-ce qu’on pourrait l’installer sur un côté de ma parcelle pour que je puisse reconstruire ma boutique juste à côté ? Merci, merci, thank you, thank you ! »
Tout le voisinage est venu aider Greta pour installer sa nouvelle maison ce jour-là. L’ambiance est à l’espoir, car tous vivent dans l’attente de recevoir leur propre abri dans les prochains jours.
Nouvelle secousse !

Cette nuit-là, la pluie tombe à verse et les vents sont violents. Je ne peux m’empêcher de penser à toutes les familles qui dorment à ciel ouvert dans les camps. Puis à 4h30, une autre secousse se fait sentir, d’une intensité de 4,7 sur l’échelle de Richter. Les bâtiments encore debout depuis le dernier séisme sont une fois de plus secoués.
Au matin, il n’y a pas de dégâts visibles, mais les dommages invisibles dans le cœur et l’esprit des habitants sont inévitables. La population a sûrement eu l’impression que les choses allaient de mal en pire, alors que les camps ont été inondés et Haïti secoué une nouvelle fois.
Je retourne voir Greta le matin même et lui demande comment elle a dormi. « J’ai très bien dormi et j’étais bien au sec. », dit-elle.
Lorsque je lui parle des secousses de cette nuit, elle me répond : « Quelles secousses ? Je n’ai rien senti. »
Je suis abasourdie ! Mes coéquipiers et moi étions tous sortis en courant au beau milieu de la nuit vu la violence des secousses. Greta, pourtant, s’était sentie tellement en sécurité qu’elle avait dormi sur ses deux oreilles et n’avait rien remarqué !
Des changements incroyables
Chaque jour, nous installons de nouveaux abris. Nombre de Haïtiens quittent la rue ou le camp de Pinchinat pour vivre, avec leur famille, dans des endroits plus sûrs.
« Je suis tellement heureuse de ne plus être dehors sous la pluie, dit Madame Lapin. Nous avons tous dormi ici la nuit dernière – tous les douze ! Nous sommes beaucoup plus en sécurité ici… Nous avons très bien dormi ! »
« C’est mieux de dormir ici. Le camp empeste et il n’y a plus de place », dit Madame Letois Samedy. Ici nous ne sommes pas à l’étroit et lorsque la pluie tombe, au moins elle n’entre pas. »
« Je n’aurais jamais pu me permettre un tel abri », ajoute Evince âgé de 35 ans, père de deux enfants et fils de Madame Letois. « Je suis tellement heureux. Cet abri m’aurait coûté entre 5 et 10 ans de salaire. Ce qui importe pour nous, c’est d’avoir un endroit propre et sûr où dormir. Maintenant que Medair nous a donné cet abri, nous pouvons nous mettre à la recherche de nourriture et d’autres produits de première nécessité. »
Je croise ensuite la tante d’Evince alors qu’elle quitte le camp, un panier en équilibre sur la tête, rempli de biens et d’ustensiles qu’elle a récupérés dans les décombres. « Je retourne chez moi. », me dit-elle avec un grand sourire.
C’est vraiment encourageant de voir des familles recevoir leur nouvelle maison. Après avoir perdu le fruit de toute une vie de travail, c’était au-delà de leurs rêves qu’une bonne solution, pour le long terme, puisse être mise ne place aussi rapidement.
Aujourd’hui, lorsque je regarde la rue où nous avons commencé les travaux il y a quelques semaines, le changement est incroyable. L’engagement de Medair a redonné l’espoir aux familles de ce quartier. Elles sont aujourd’hui prêtes à travailler ensemble et à s’entraider pour construire un avenir meilleur.
 
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, le séisme du 12 janvier 2010 a fait en Haïti 222 570 victimes, l’une des catastrophes naturelles les plus meurtrières de l’histoire. Près de 1,3 million de personnes déplacées vivent encore dans des conditions extrêmement précaires et ont un besoin urgent d’un abri avant la saison des pluies et des ouragans.
Medair est une organisation humanitaire fondée et basée en Suisse qui s’efforce de sauver des vies humaines en apportant une aide d’urgence et de réhabilitation lors de catastrophes naturelles, dans des régions en guerre, dans d’autres situations de crise, et en travaillant auprès des personnes les plus vulnérables.
http://www.medair.org/fr

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