Deuxième partie de l’interview de Sergio Bulcão, coordinateur de projet à l’UMP BA, il décrit ce que la notion de sans-toit signifie au Brésil et quels sont les bénéficiaires du programme de l’UNIÃO. Il revient aussi sur les difficultés rencontrées par le siège et par les futurs habitants de quartier construit grâce à l’aide mutuelle.
Quels sont les bénéficiaires du programme ?
Nous avons deux niveaux de bénéficiaires. Dans un premier temps, ceux qui jouissent directement des projets. Aujourd’hui, nous avons quatre projets en cours (Paripe, Estrada Velha, Lauro Freitas et Feiras de Santana) qui concernent 620 familles qui n’ont pas de maison, considérées comme sans-toit.
A relever, le mot sans-toit pose un problème sémantique au niveau de la langue. Pour mieux comprendre, la société brésilienne pense que les sans-toit vivent dans la rue ou dans les occupations (N.d.l.r : squats). En fait, les sans-toit peuvent vivre dans un logement loué ou selon le bon-vouloir de leurs proches. Les sans-toit sont des personnes qui ne sont pas propriétaires de leur propre maison et qui vivent avec un salaire à bas revenu (N.d.l.r. : Les personnes touchant un bas revenu se situe entre 1 et 5 salaires minimum ; à noter, le salaire minimum est fixé à 350 reais par mois, soit moins de 200.- CHF). Cette population vient discuter avec nous pour envisager de collaborer dans le cadre de notre projet de construction d’habitat grâce à l’aide mutuelle.
Dans un deuxième temps, les bénéficiaires indirects profitent de tout le travail politique fait par l’UNIÃO, notamment au niveau de la réforme urbaine. Nous faisons en sorte que les droits relatifs à l’habitat s’appliquent à l’ensemble de la société et qu’il ne profite pas qu’à une minorité. Nous nous efforçons à ce que la population puisse jouir des parcs, des espaces publics et des biens communs de la société. Notre action ne s’arrête donc pas à la construction de quartiers, mais comporte l’implication de la société civile dans les choix de la réforme urbaine afin que les quartiers populaires qui se trouvent en périphérie puissent améliorer leur cadre de vie.
Si nous comprenons bien, les sans-toit sont ceux qui ne sont pas propriétaires de leur maison ?
Oui, exactement. Pour mieux comprendre, il existe depuis des décennies une lutte historique pour la terre prônée principalement par le MST (Movimento Sem Terra), qui défend une vision de la réforme agraire qui n’est toujours pas appliquée au Brésil. La réforme urbaine est quant à elle une lutte plus récente. Elle s’est intensifiée dans les années 80. La nécessité de démocratiser la terre urbaine afin qu’elle se démocratise et que les personnes indépendamment de leur revenu puissent avoir accès à la ville, constitue un nouveau débat. Le forum de la réforme urbaine au Brésil réunit différentes associations, ONGs, Mouvements sociaux, Universités. L’UNIÃO s’engage dans le cadre de cette lutte.
Jusqu’au années 90, les occupations (N.d.l.r : squats) ont pris un essor important. Salvador a d’ailleurs été formé par de nombreuses occupations désorganisées (favelas), notamment dans la périphérie de la ville où les gens construisaient sans autre leurs maisons. Aujourd’hui, on constate qu’il ne s’agit pas seulement d’occuper des espaces urbains car cela ne produit pas une qualité de vie adéquate. Les occupations actuelles servent plus à mettre la pression sur les instances politiques afin de résoudre les problèmes urbains.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les bénéficiaires pour obtenir une habitation digne ?
La difficulté principale est d’accéder aux biens économiques car la majorité de notre société vit en marge du marché. Ils n’ont de ce fait pas accès aux droits fondamentaux tels que la scolarisation, la santé…voire à une série de droits produits par la société et qui profitent à une minorité. L’habitat en est un. Les personnes touchant jusqu’ à trois salaires minimum, voire qui n’ont pas d’emploi, ne s’intègrent pas dans le marché économique qui ne répond pas à leurs attentes. Il n’existe pas de logements construits expressément pour cette catégorie de citoyens. En vérité, il y en a peu. C’est seulement maintenant que des programmes d’aide commencent à surgir avec ces préoccupations. Mais ce qui s’est fait auparavant constituent des programmes que nous considérons comme timides et élaborés avec des erreurs fondamentales de conception. En effet, la population recevait souvent une maison toute faite, de basse qualité. Ces programmes s’apparentaient plus à une forme d’assistantialisme avec laquelle la politique a pu manipuler la population, qui ne bénéficiait pas d’un réel droit au logement digne ; la qualité de l’œuvre et les conditions n’étaient donc pas adéquates (N.d.l.r. : Ces maisons sont souvent constituées d’une chambre, d’une toilette et d’un petit salon et cela pour une famille entière. L’espace se résume à pas plus de 20m carré). Notre mission est de changer cela, les personnes ont des droits. Les Brésiliens savent du reste que pour les exercer, ils doivent beaucoup lutter. Nous profitons du travail de mutirão pour sensibiliser notre public à leur citoyenneté car c’est un moment propice pour le faire.
Quelles sont les difficultés que le mouvement UNIÃO affronte ?
En étant un mouvement populaire, l’UNIÃO rencontre de gros problèmes pour se financer. Par exemple, l’UMP BA a évolué durant plusieurs années sans avoir de siège. La direction a su conquérir la possibilité d’obtenir un espace de travail propre. Dans ce sens, le centre de coopération suédois aide énormément à ce qu’on s’équilibre d’un point de vue financier. Il nous accompagne aussi dans les difficultés d’organisation, de structuration de notre organisme.
Il faut comprendre que les personnes faisant partie de l’UNIÃO ont déjà de la peine à subvenir à leurs propres besoins. Cotiser pour un mouvement n’est que rarement une priorité pour ces gens. Cela relève aussi d’un problème culturel. Cette population a été habituée à une politique d’assistantialisme et n’a donc pas le réflexe de s’auto-gérer. Avec les projets actuels, nous espérons trouver des personnes sensibles à cette problématique et qui grâce à leur compréhension nous aiderons à auto-financer le mouvement.
Afin de renforcer le mouvement, il nous faut chercher et mettre en place de nombreux partenariats. Cette union permet d’envisager une conjoncture institutionnelle plus stable. Dans le cas d’E-CHANGER, même si ce partenariat ne relève pas du financement, votre présence (2 volontaires) nous appuie professionnellement.
Propos recueillis par Claire Rinaldi et Olivier Grobet
Fragments de parole
Sergio Bulcão : « Nous promouvons un habitat digne »
Sergio Bulcão : « Les sans-toit sont des personnes qui ne sont pas propriétaires de leur propre maison et qui vivent avec un salaire à bas revenu »
Sergio Bulcão : » L’UNIÃO a la responsabilité de faire valoir la voix des différents mouvements de l’état de Bahia au niveau municipal, étatique et fédéral «
2 réflexions sur « Sergio Bulcão : « Les sans-toit sont des personnes qui ne sont pas propriétaires de leur propre maison et qui vivent avec un salaire à bas revenu » »