En 2009, le bilan du projet Dias Mehores 7344 BR à Pau da Lima (Salvador – Brésil) était jugé satisfaisant par la propre Banque Mondiale, mais il manquait sur le terrain des résultats palpables aux yeux de la société civile. L’UNIÃO pour l’habitat populaire Bahia, mouvement social, engagé en tant qu’Opératrice Sociale par le Gouvernement de l’Etat de la Bahia avait toutefois rempli toutes ses prérogatives en formant des agents sociaux, en effectuant un Diagnostic Rapide Urbain et Participatif (DRUP) et en ayant initié les rencontres thématiques dans l’optique d’élaborer le Plan Local de Développement Communautaire (PLDC) avec les différents protagonistes et leaderships des quartiers faisant partie du projet, soit Jardim Cajazeira, Pau da Lima, São Marcos, São Rafael, Vila Nova de Pituaçu et Sussuarana, tous situés à Salvador de Bahia.
En 2010, l’équipe technique de l’UNIÃO a terminé les dites rencontres thématiques qui ont débouchées sur un document de base reprenant tous les problèmes rencontrés dans le quotidien de ces communautés, que ce soit au niveau de l’infrastructure urbaine, de l’éducation, de la culture, des loisirs, de la sécurité, de la santé, des transports et des activités rémunératrices des locaux. Ce document propose à chaque problème une solution détaillée, justifiée et priorisée en fonction de toutes les autres demandes que la communauté sollicite auprès du Gouvernement de l’Etat de la Bahia. En 2011, pour donner suite à ces rencontres thématiques, l’UNIÃO organisera avec le Gouvernement un Forum Local de Développement Communautaire qui officialisera un Plan Local de Développement Communautaire approuvé tant par le Gouvernement de l’Etat de la Bahia que par la société civile. Cette démarche co-participative entre le Gouvernement et les communautés constitue une rupture du paradigme prônant une gouvernance du haut vers le bas et représente un réel pas en avant vers des mécanismes de démocratie directe à partir d’une méthodologie pensée conjointement par les mouvements sociaux et leurs interlocuteurs gouvernementaux et adaptée au contexte brésilien. Le Département de Développement Urbain en charge de ce projet se retrouve toutefois devant un énorme défi : prendre en compte les demandes formulées par les communautés en sachant se coordonner avec les autres Départements de l’Etat de la Bahia responsables d’autres secteurs comme l’éducation, la santé, etc. Cela signifie concrètement que les différentes sectorielles du Gouvernement vont devoir s’articuler entre elles pour pouvoir amener de nouveaux projets d’intervention sociale et urbaine en fonction des demandes formulées par la société civile dans le cadre du Plan Local de Développement Communautaire. 2011 est évidemment considérée par toutes et tous comme étant une année charnière pouvant valider ou non cette nouvelle manière de procéder dans la mesure où le PLDC et la méthodologie mise en place donnent des résultats concrets, soit de nouveaux bénéfices pour ces quartiers jugés précaires.
Au bilan de cette année écoulée, les interventions qui avaient été prévues au préalable dans le cadre du projet ont d’ores et déjà commencé à porter des fruits.
Chantiers en cours et prévision d’intervention urbaine
Les premiers quartiers bénéficiant d’interventions urbaines sont Sussuarana III et Baixa da Paz. Les chantiers ont débuté dans le courant du second semestre de 2010 et prévoient le réaménagement de zones urbaines s’apparentant jusqu’à présent à des no man’s land. Inondations de logements en cas de pluie, éboulements de terrain, effondrements de maisons, système d’égout précaire, souvent à ciel ouvert, qui dans la majorité du temps faisaient déborder les toilettes de déjections humaines dans les propres foyers situés dans les contrebas du quartier, aucune illumination ni équipement publique permettaient réellement à cette communauté d’entrevoir un semblant de sérénité dans leur quotidien. Ce projet d’intervention amène de sérieux changements. Plus de 450 familles vont être relogées dans des appartements au standing de classe moyenne. Un système d’égout aux normes va être mise en place. Un centre communautaire va être construit et géré par les habitants. Des accès routiers vont être créés afin de désenclaver ce que certains appellent le Pinicão, le grand « petit pot » (petit pot pour faire ses besoins).
Un autre chantier est prévu d’ici à 2011 à Jardim Cajazeira avec le financement du programme du Gouvernement Fédéral PAC II (Programme d’Accélération de la Croissance II). Les conditions y sont tout aussi précaires et ce ne sont pas moins de 2000 familles qui vont être relogées dans des conditions d’urbanisation décente.
Enfin dans l’optique de la Coupe du Monde de football 2014, il est prévu différentes interventions structurantes telles que l’élargissement de la route nommée Gal Costa qui fait la jonction entre le stade de Pituaçu et celui du Barradão, artère routière qui traverse toute la zone bénéficiaire du projet. La Coupe du Monde 2014 fait d’ailleurs l’objet de nombreux débats dans les mouvements sociaux qui s’organisent afin d’amener les pouvoirs publics à investir plus dans les communautés pauvres de Salvador en prévision de cet événement. L’UNIÃO et la société civile cherchent donc à inciter le Gouvernement à engranger de nouvelles interventions, notamment dans le quartier de Pau da Lima qui, initialement, devait bénéficier d’autres chantiers de réforme urbaine.
Commissions de quartier
Pour accompagner les chantiers en cours, l’UNIÃO a appuyé la formation de commissions de quartier composées par des habitants qui sont bénéficiaires. Il s’agit de former un groupe de personnes pouvant représenter les intérêts de la communauté et qui va contrôler le bon fonctionnement du chantier, ainsi que gérer au nom de la communauté les futurs équipements publiques. Pour ce faire, cette commission s’est d’ores et déjà dotée de statuts officiels la légitimant et la régulant.
Travail social pour renforcer les activités rémunératrices des communautés
Bien souvent les bénéficiaires habitent des occupations et ne disposent que rarement d’un travail rémunéré en tant qu’employé. L’électricité et l’eau qu’ils utilisent proviennent souvent de raccords illégaux, ce qui les soustrait de payer des factures. Le fait d’être bénéficiaire suppose que ces mêmes personnes vont devoir payer toutes leurs factures inhérentes à la mise aux normes de leurs habitations. Ces personnes reçoivent donc l’appui d’un travail d’assistance sociale au niveau de leur activités rémunératrices autonomes afin qu’ils puissent mieux gérer leurs activités lucratives et se maintenir financièrement dans le futur. Trois agents sociaux qui ont fait partie du cours donné par l’UNIÃO ont été engagés à cette fin.
De plus, 6 cours de formation professionnelle et continue sont prévus afin de réorienter certaines personnes dans le besoin pour s’intégrer dans le marché de l’emploi.
Enfin quatre coopératives sélectionnées à travers un concours public reçoivent les conseils de spécialistes afin d’optimiser leur structure associative. Ces coopératives peuvent aussi obtenir des fonds pour acquérir du matériel selon les projets qu’ils ont soumis au concours.
Renforcement institutionnel
Lors de son travail d’articulation communautaire, l’UNIÃO travaille avec pas moins de 70 associations, crèches communautaires ou organisations religieuses qui développent un travail social sur le terrain. Dans l’optique de les renforcer, le projet a proposé trois concours publics, objets de financements différents.
Le premier comme cité au-dessus concernait les coopératives. Le second a permis le financement de projet d’activités sociales tenues par les entités de la société civile. Cinq associations ont divisé la manne de 250 000 reais. Le troisième et dernier a proposé aux institutions l’obtention de conseils techniques, l’acquisition de biens durables à hauteur de 10 000 reais et le financement de réforme de leur siège associatif à hauteur de 60 000 reais.
Enfin une entreprise sociale, l’AVANTE, a été engagée pour donner un cours de gestion pour les associations auquel participent de nombreux leaders de quartiers. Ils y revoient comment créer des statuts légaux, rédiger des procès-verbaux conformes au code civil brésilien, rédiger des projets, tenir leurs comptes, etc.
Travail de réseau
Dès le début du projet « Dias Melhores », les deux Opératrices Sociales de deux premières zones d’intégration, soit l’UNIÃO et la CAMMPI, se sont retrouvées dans des réunions de réseau afin de définir des positions communes face aux instances de décisions du projet. Les deux secondes opératrices Sociales respectivement des zones nommées Mangabeira à Feira de Santana et Cobre à Salvador ont rejoint ce réseau qui s’est de fait fortifié. Cette articulation des différentes Opératrices Sociales trouve tout son sens lorsqu’il s’agit de défendre une position commune à propos des lignes stratégiques du projet. Avant toute chose, ce réseau cherche à contribuer au bon fonctionnement du projet en proposant des idées ou en priorisant des actions en adéquation avec la réalité du terrain. Dans le cas où il peine à se faire entendre, le réseau des Opératrices Sociales exercent sans autre un lobbying dans le but de défendre les intérêts de la société civile.
A Pau da Lima, avec les connaissances acquises et les relations entretenues avec les différents leaderships des quartiers après plus de deux ans de travail sur le terrain, l’UNIÃO a initié la formation d’un nouveau réseau regroupant les associations, organisations religieuses, groupes culturels, crèches et écoles communautaires toujours dans l’optique de renforcer la société civile. Quelques 50 entités participent actuellement à la fondation de ce réseau en définissant sa mission, ses objectifs, ses principes, son règlement interne et d’une manière générale son fonctionnement qui devrait débuter effectivement en 2011. Sa création renforce directement les entités de la société civile dans sa capacité à s’organiser, à créer des synergies et à dialoguer avec le Gouvernement en gagnant en légitimité et en empouvoirement (empowerment).
La continuité
En décembre 2010, lors de la dernière évaluation de la Banque Mondiale, il a été décidé de prolonger d’une année les contrats liant les Opératrices Sociales au projet « Dias Melhores » tenu par le Gouvernement. Ce renouvellement signifie d’une certaine manière l’intérêt porté à cette nouvelle méthodologie tant par le Gouvernement, la Banque Mondiale que par la société civile. Le défi majeur de 2011 pour les Opératrices Sociales réside dans la finalisation du Plan Local de Développement Communautaire et l’accompagnement de la mise en place d’une coordination intersectorielle au sein même du Gouvernement de l’Etat de la Bahia afin de prendre en compte les demandes et propositions des communautés faisant partie des zones urbaines bénéficiaires. « Nous sommes curieux de savoir dans quelle mesure le PLDC va engendrer de nouveaux projets avec d’autres départements de l’Etat de la Bahia », a appuyé le gérant de la Banque Mondiale. Si l’expérience se montre positive en 2011, il se pourrait que certains fonctionnaires de l’Etat défendent cette nouvelle méthodologie afin qu’elle devienne une nouvelle politique publique qui gagnerait à être reproduite ailleurs.
Olivier Grobet