Brésil, un coup d’Etat pour le Capital

Quatre mois après l’éloignement de la présidente Dilma Rousseff, les conséquences du coup d’Etat sont déjà nettes. Les grandes entreprises se frottent les mains, pendant que les programmes sociaux et le service public sont attaqués.

Les manifestations en faveur de la destitution de la présidente s’abritaient derrière des mots d’ordre parfois populaires, comme le combat contre la corruption. Mais, dans la pratique, les quatre premiers mois du gouvernement Temer (Michel Temer, ancien vice-président issu du PMDB, est aujourd’hui président par intérim, Ndlr.) en exercice montrent clairement à qui a profité le coup d’Etat.

Depuis 2008, l’économie mondiale affronte une grave crise générée par l’action incontrôlée du capital spéculatif. La recette permettant aux entreprises transnationales de sortir de cette crise a été appliquée de manière uniforme: il s’agit d’intensifier l’exploitation des ressources naturelles, notamment énergétiques, et de réduire au maximum les droits des travailleurs. Le capital espère ainsi rétablir le niveau de son taux de profit. La conséquence de ce modèle sera bien sûr l’aggravation de la crise environnementale et sociale. Pour effacer les doutes sur le fait que le gouvernement issu du coup d’Etat est au service de ce projet, il suffit de faire la liste des principales mesures qu’il a prises au cours des quatre derniers mois.

CONTRE L’AGRICULTURE FAMILIALE. Comme plusieurs autres ministères dédiés aux questions sociales, celui du développement agraire (MDA, responsable de la réforme agraire, Ndlr.) a été supprimé. Preuve que cette mesure atteint directement l’agriculture familiale: la coupe de 160 millions de reais qui a touché le Programme d’acquisition d’aliments, dont la fonction était d’acheter des produits aux petits agriculteurs à destination des écoles, des crèches, des services sociaux, etc. 40 000 agriculteurs et 2 000 coopératives ont été exclus par cette décision. Le gouvernement a aussi privé d’assistance technique 188 000 familles paysannes.

En matière de logement, la première mesure prise par le nouveau Ministre des villes, Bruno Araújo, a été d’abandonner l’objectif, fixé par le gouvernement Dilma, de construire deux millions de logements dans le cadre du programme Minha Casa Minha Vida («Ma Maison, Ma vie») au cours des deux prochaines années. Avec cette décision, le gouvernement Temer porte préjudice à 6,1 millions de personnes frappées par la pénurie de logement, et renonce à créer 1,3 millions de places de travail.

SANTÉ ET ÉDUCATION MENACÉES. Avant d’être Ministre de la santé, Ricardo Barros a été élu député fédéral grâce aux pulpeuses contributions versées par les entreprises et les assureurs actifs dans la santé. Le ministre a maintenant la possibilité de remercier ceux qui l’ont financé. M. Barros a déjà annoncé qu’il est en train de discuter avec les acteurs du «marché » les modifications à venir dans le Système Unique de Santé (SUS, le système de santé, public et universel, Ndlr.). Son ministère a créé un groupe de travail visant à créer des «Plans de santé (assurances privées, Ndlr.) populaires». Le nom est trompeur, car dans la pratique il exclut le principe constitutionnel de la gratuité de la santé et soumet les travailleurs à des plans d’assurance les protégeant peu, et de mauvaise qualité.
Dans le domaine de l’éducation, quatre grands programmes ont été biffés au cours des derniers mois. La mesure atteint plus de 2 millions d’étudiants.

Le vrai enjeu du coup d’Etat est la question de savoir qui va exploiter les réserves du Pré-sal, le pétrole situé au large des côtes brésiliennes, en eaux profondes. Selon des documents livrés par Wikileaks, le sénateur José Serra, actuel ministre des relations extérieures, s’est engagé envers la transnationale pétrolière américaine Chevron à modifier les règles d’exploitation du Pré-sal. La proposition est en train d’être traitée, à toute vitesse, par le Congrès.

CORROMPUS AU POUVOIR. Certains sont descendus dans la rue en pensant que l’impeachment avait pour objectif de lutter contre la corruption. Ils sont certainement satisfaits des ministres nommés par le président Temer: six d’entre eux ont été mis sous enquête par le Suprême Tribunal Fédéral; sept autres ont été cités dans le cadre de l’opération Lava Jato (méga-affaire de corruption, Ndlr.); et douze d’entre eux ont reçu des dons de la part d’entreprises impliquées dans le Lava Jato. Si le coup d’Etat a entraîné des reculs sociaux d’une telle portée en à peine quatre mois, on imagine son coût social et économique, au cas où il se maintient

Par Miguel Stédile, de la Coordination Nationale du MST

Publié Jornalsul21, 11 août 2016
Traduction: Services Publics

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