Burkina Faso: « Nous sommes la solution. Célébrons l’agriculture familiale africaine »

La Fédération Nationale des Organisations Paysannes (FENOP) œuvre depuis 1996 pour la défense et la promotion de l’agriculture familiale au Burkina Faso. C’est ainsi qu’elle a immédiatement adhéré aux idées de l’ONG FAHAMU (« entendement » en kiswahili) et a accepté de prendre une part active à la campagne sous-régionale « Nous sommes la solution. Célébrons l’agriculture familiale africaine », menée conjointement au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali, en Guinée et au Ghana par des femmes rurales leaders et leurs associations.
Quels sont les objectifs de cette campagne ? Améliorer et promouvoir les bonnes pratiques et les savoirs locaux qui sont mis en oeuvre depuis des générations en Afrique et particulièrement dans le domaine de l’agro-écologie. Celle-ci consiste en une agriculture qui prône le respect des écosystèmes et intègre les dimensions économiques, sociales et politiques de la vie humaine. Elle vise à renforcer l’agriculture qualitative face aux nouvelles pratiques agricoles capitalistes, quantitatives et orientées vers le marché. Les méthodes agro-écologiques permettent en effet de respecter les sols et l’environnement, en minimisant l’introduction de substances nocives et destructrices, en utilisant des engrais verts, du compost. Elles usent de méthodes naturelles pour lutter contre les agressions et les maladies dont les plantes sont l’objet, en utilisant des variétés locales et reproductibles naturellement. Ou encore en optimisant l’utilisation de l’eau et de l’irrigation, en luttant contre l’érosion des sols et en favorisant la régénération des sols pauvres, en réhabilitant des savoir-faire traditionnels en matière de conservation et de transformation des aliments. Cela dans le but de préserver la souveraineté alimentaire du continent africain.
Quelles sont les activités déployées durant cette campagne panafricaine ? Informer et former les paysannes pour les sensibiliser aux enjeux et aux bénéfices de l’agro-écologie, les doter de techniques et d’outils afin de permettre sa mise en pratique. Il s’agit également de renforcer la prise de conscience et la capacité de ces femmes à s’engager dans les processus de prise de décision au niveau local, régional et national. De permettre aussi que leur voix soit entendue et prise en compte dans les politiques nationales, de renforcer les capacités organisationnelles des Associations Féminines Rurales, celles, individuelles, de leurs leaders, et enfin permettre un partage d’expériences en réseau au niveau sous-régional.
 
L’impact visé est donc que les Associations Féminines Rurales disposent des techniques pour améliorer, promouvoir et partager leurs connaissances agricoles traditionnelles, en s’assurant que ce riche savoir ne soit pas perdu et soit vraiment promu comme une alternative aux méthodes de la Révolution Verte.
C’est justement cette Révolution Verte qui a occasionné l’introduction des OGM, dans le but d’accroître les volumes de production et d’améliorer la qualité. Mais la Révolution Verte pronée par l’AGRA (Alliance for a Green Revolution in Africa) est une menace pour la richesse de l’agriculture traditionnelle africaine. La volonté d’introduire des semences améliorées pour lutter contre la pauvreté et le manque de disponibilités alimentaires cache en fait la volonté de contrôler cet élément clé du secteur agricole. En remplaçant les semences obtenues de manière naturelle par des semences hybrides stériles, l’AGRA prive les peuples du droit de définir leurs propres systèmes agro-alimentaires. Si l’on enlève aux producteurs leur autonomie dans la production des semences, pourra-t-on encore parler de souveraineté alimentaire ?
 
C’est pour cela que FAHAMU et la FENOP se battent pour la promotion de l’agriculture familiale et pour l’agro-écologie. Les OGM sont une fausse solution aux problèmes de malnutrition et de famine. Des solutions existent ! Et elles sont à la portée de tous. L’AGRA dispose de beaucoup de moyens financiers et de ressources pour promouvoir et répandre son approche et investit de fortes sommes dans la communication. C’est en quelque sorte le combat de David contre Goliath, aussi l’enjeu est-il de parvenir à transmettre l’information à la base, afin qu’ensuite les agricultrices prennent le relais en disposant des bonnes informations pour choisir en toute connaissance de cause. De bonnes pratiques existent, mais elles sont peu connues et peu répandues. La campagne vise donc à permettre cet échange d’expériences, à diffuser ces bonnes pratiques et à créer un mouvement sous-régional pour repousser l’avancée d’AGRA et de toutes les autres solutions capitalistes aux problèmes de l’alimentation mondiale.
 
Au-delà de la souveraineté alimentaire, sont également en jeu la préservation du patrimoine culturel et de la biodiversité de tout le continent. Cette campagne vise donc aussi à promouvoir le « consommons local », meilleur moyen pour se protéger de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur et limiter l’invasion du marché intérieur par des produits importés. La protection des pratiques culinaires traditionnelles constitue à cet effet un moyen utile, permettant de lutter contre une standardisation des modes de consommation qui effacerait toute la richesse que comporte cette diversité culturelle.
Aujourd’hui, après une année d’activité, le principal mérite de la campagne est d’avoir suscité un discours contradictoire. Au Burkina Faso, les actions de la FENOP lui ont valu d’être invitée dans diverses plates-formes et réseaux afin de lutter ensemble pour la souveraineté alimentaire. Dans le monde paysan, les exploitants sont de plus en plus enclins à poser la question des effets des produits (semences, intrants…) que les agents de développement (services agricoles, ONG, etc.) leur proposent : dans un passé récent, le souci de préserver le patrimoine génétique se limitait aux intellectuels et aux militants des mouvements sociaux. Aujourd’hui une graine de ce souci a germé chez le paysan !
 
Alexandra Melle, coopér-actrice E-CHANGER au Burkina Faso
 

Laisser un commentaire