Chiapas: mission d’observation – Trois mois d’accompagnement des communautés indigènes du Chiapas

Après avoir participé au séminaire de préparation de Peacewatch à Zürich, me voilà donc arrivé au Mexique, plus précisément au Chiapas, terre des peuples de maïs et frijoles. En ce début février 2009, je me dirige à San Cristobal où siège l’ONG Frayba (Fray Bartolome de las Casas), organisation partenaire de Peacewatch Switzerland, afin de participer à la réunion de tous les volontaires observateurs des droits de l’homme. Après une petite information, nous formons des groupes de 2 à 4 personnes afin d’être envoyés dans les communautés indigènes mayas en résistance.
Nombreuses sont ces communautés Tzeltales, tztziles, Tojolables, Zoques, Mames, Choles, luttant contre la discrimination, l’injustice et les agressions physiques et psychologiques. Une lutte commencée il y a plus de 500 ans et exprimée plus précisément le 1er janvier 1994 lors du soulèvement zapatiste. Une lutte pour la paix, la justice, le respect des cultures, la liberté et la dignité des peuples en souffrance. Tous ces termes concordent avec mes valeurs et celles de la société civile mexicaine et internationale. Ils refusent les oppressions, les discriminations, la corruptions et le mensonge.
Me voilà donc engagé par ma présence à participer pacifiquement à cette lutte pour le respect des droits de l’homme.

Première mission:
Municipio Che Guevara
Communauté Moises Gandhi
06-18.02.2009

Pour ma première période en tant qu’observateur des droits de l’homme, la Frayba nous demanda de nous diriger dans une petite communauté dans les environs d’Ocosingo. Avant d’y aller, il est obligatoire de se rendre au Caracol* de Morelia afin d’obtenir l’aval de la junta* de bon gouvernement. Après 2 entretiens avec la junta et 2 jours passés au Caracol, 2 comp@s arrivèrent au Caracole pour nous accompagner jusqu`à leur communauté Moise Gandhi Che Guevara.

Petites explications : –  Caracol et Junta de buen gobierno
Les communautés autonomes indigènes zapatistes sont liées à l`un des 5 caracoles suivant la région: La Realidad, Morelia, Oventik, Roberto Barrios et La Garrucha. Cette structure a été mise en place en 2003.
Chaque caracole est la base pour toutes les communautés zapatistes et incarne un grand effort d`organisation des communautés en vue de faire face aux problèmes posés par l`autonomie mais aussi pour construire un pont entre elles et le monde.
Chaque caracole possède sa Junta de buen Gobierno (conseil du bon gouvernement) qui fonctionne à l`image d`une vraie démocratie directe. (Un exemple pour tous les Mal Gobierno).
La junta a comme objectif d`intervenir dans les conflits dans les communes autonomes et municipalités, de répondre aux plaintes déposées pour les violations des droits humains, de la réalisation des projets dans les communautés, du respect des lois et répondre au besoin de la société civile et de l`orienter lors des séjours dans les communautés. En résumé pour veiller à ce que, sur le territoire zapatiste, quiconque commande, commande en obéissant.

Cette communauté se situe à mi-chemin entre San Cristobal et Ocosingo. Elle comporte 80 familles zapatistes. Le campement civil pour la paix n étant plus en état, les comp@s nous placèrent à la clinique sur les hauteurs du village.

L’eau était à portée de main et nous pouvions dormir à l intérieur de la bâtisse. Des conditions plus qu`agréables. Les promoteurs de la commission de santé nous expliquèrent les problèmes et tensions que subit la communauté. La problématique se concentre sur les terres récupérées par les zapatistes en 94. Les ORCAISTES (ORCAO-Organisation campesino d‘Ocosingo)  font pression sur les familles de la communauté afin d’exploiter les terres. Les zapatistes adoptent comme à leur habitude une attitude pacifique sans répondre aux diverses provocations. Début janvier, les Orcaistes coupèrent les clôtures entourant le bétail et blessèrent une vache par un coup de machette. Cela a donné un énorme travail aux comp@s afin de récupérer toutes les bêtes puis une altercation entre les compas et les Orcaistes a eu lieu (un blessé) et finalement les Orcaistes se sont retirés.

Jusqu’à aujourd’hui le calme est revenu. Pendant notre engagement, notre tâche fut d’accompagner les comp@s aux champs et contrôler que les clôtures ne soient pas sabotées. Notre présence a permis aux comp@s de travailler plus sereinement. Aucun problème ne fut signalé durant nos 2 semaines.

Ce village est très bien organisé et nous avons pu participer à la vie de la communauté et passer du bon temps avec les enfants et comp@s qui nous consacrèrent leur temps pour nous expliquer l’histoire et les problématiques de la lutte. Des moments forts intéressants.
Au centre du village se trouve l’école primaire et secondaire puis comme une petite faculté ou des spécialisations peuvent être suivies. (Agronomie, santé, éducation). Toute l’éducation est 100% autonome et ne dépend pas du Mal Gobierno. Des intervenants extérieurs (mexicains, européens) viennent y donner des cours afin d’améliorer les connaissances des compas et afin que ces derniers puissent transmettre leur savoir aux générations suivantes. Tout le fonctionnement est régulé par un tournus des tâches. (Promoteur d’éducation, de santé, d’écologie, d’agronomie) Il y a une personne responsable pour chaque commission de promoteurs.

Le 14 février, pendant notre séjour, la communauté fête la mémoire des 2 comp@s (Moises et Gandhi – du nom de la communauté) tombés lors du soulèvement en 94. Tout le village se rassemble à l’aube afin de lever le drapeau mexicain et le drapeau zapatiste. Les 2 hymnes sont entonnés par tout le village. Ce jour marque aussi le commencement de la lutte autonome pour l’éducation. Toute la journée fut dédiée aux enfants et en soirée un spectacle de l’école fut présenté. La simplicité et l’unité créent des choses remarquables.

Cette première expérience fut très enrichissante, de pouvoir partager la vie d`une communauté, connaitre leurs coutumes, écouter leurs peurs, leur inquiétude mais surtout leur dignité à lutter pour leurs droits avec unité et respect. Des valeurs à la base de leur autonomie. Ce fut donc un grand bonheur d’avoir pu partager ces moments en tant qu’observateur des droits de l’homme et de pouvoir par notre présence, montrer notre solidarité et participer pacifiquement à la lutte pour la justice.

L’accompagnement est un appui considérable pour les communautés. Ce sentiment de solidarité apaise les multiples tensions et permet de dénoncer tout abus sur les populations indigènes. Le processus de Paix en est grandement favorisé.
 

Laisser un commentaire