Denervaud : «Il existe une tendance à renvoyer la solidarité (ici et ailleurs) au privé »

Premier volet d’une interview triptyque, la Fédération Genevoise de Coopération est revisitée. La FGC fêtera ses 40 ans en 2006. Son président, Jean-Marc Denervaud, et son chargé de communication, Yanik Marguerat, ont bien voulu resituer le rôle de la Fédération Genevoise de Coopération  dans le contexte suisse et international. En plus de son rôle de financement d’ONGs genevoises, la FGC s’efforce de faire perdurer les élans de solidarité du Nord.

Qu’est-ce que la FGC dans le contexte genevois et international ?

En 1966, un petit nombre d’associations se sont regroupées créant une fédération. La Fédération genevoise de coopération va donc fêter ses 40 ans l’année prochaine. Aujourd’hui la FGC est constituée de 45 associations actives dans le domaine de la coopération au développement et, en Suisse, dans le domaine de l’information Nord-Sud. Ce réseau a une fonction interne : de permettre des échanges, des débats, de la réflexion autour de la notion de coopération. La Fédération développe aussi une fonction externe : se constituer comme groupe de pression. La FGC est le canal qui permet d’obtenir des collectivités publiques des financements. Même si cette  fonction est ancienne et utile, nous ne voulons pas être réduits uniquement à cela.

Il est extrêmement important que les collectivités publiques s’engagent étant donné qu’aujourd’hui,  il existe une tendance à renvoyer  la solidarité (ici et ailleurs) au privé. Le concept à la mode se nomme le marché du don. Nous serions censés démultiplier les actions pour récolter des fonds. Certes, les associations le font, mais ce n’est qu’un volet de la solidarité. L’autre relève de la responsabilité publique. La FGC sert à cela puisqu’elle ne récolte pas de fonds privés, mais de l’argent de la confédération, des cantons, de la ville de Genève et d’une vingtaine de communes genevoises. Nous avons aussi une fonction politique, un rapport de proximité avec la population.  Tout cela permet un réel partenariat avec les collectivités publiques qui nous attribuent  des « contributions de programme » parce qu’elles reconnaissent l’utilité et la qualité de notre action.

Avec cet argent, la FGC finance les projets  de ses associations membres. Les projets sont toujours menés en partenariat avec des ONGs du Sud. C’est ce qui a fait la crédibilité de la FGC : les projets émanent d’associations du Sud qui sont pris en compte par des ONGs du Nord et, finalement, financés par la FGC. Nous identifions et évaluons donc la qualité des projets. La FGC octroie un label de qualité, ce qui constitue un gros progrès par rapport aux dernières années. Avant les bailleurs de fonds voulaient voir à qui allait leur argent. Maintenant ils nous délèguent la compétence de l’identification et du suivi des projets à financer. A noter que ce système de délégation  est encore à instaurer avec les communes.

En somme, la FGC représente un réseau d’acteurs de la coopération, des partenariats avec les collectivités publiques et aussi une entité qui s’emploie  à créer un contexte favorable dans la population, une sensibilisation à la solidarité internationale. Nous travaillons beaucoup sur le thème des inégalités et  nous nous efforçons de générer un élan de solidarité pour y remédier.

Enregistrez-vous beaucoup  de demandes émanant d’associations qui souhaitent rentrer à la FGC ?

On constate qu’il y a beaucoup de demandes d’informations, plus de 35 par année. Nous avons des critères assez précis pour accepter une candidature : l’association doit être active depuis plus de 2 ans, mener des projets au Sud,  être parrainée par deux associations membres de la FGC et avoir une réelle vie associative à Genève.

Mais toutes les demandes d’information n’aboutissent pas à des adhésions. Notamment parce qu’il existe aussi une confusion entre l’humanitaire et la coopération au développement. Nous travaillons au niveau de la coopération dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la démocratie locale, etc. Sachant cela, certaines associations ne sont pas toujours prêtes à rentrer au sein de la fédération.

Dans le cadre de la coopération au développement, Genève vit une tradition assez forte pour toute sorte de raison. Je dirais pour l’essentiel que la forte immigration favorise une culture internationale où toutes sortes d’associations se créent en fonction des affinités. Ce contexte influence le nombre de demandes de renseignements.

Financez-vous des projets directement tenus par des ONGs du Sud ?

La FGC ne finance pas directement des projets d’ONGs du Sud, même si cela commence à être une tendance de la coopération. Personnellement, j’y suis assez opposé car on occulte tout le travail de sensibilisation qui est fait par les ONGs du Nord. La tendance qui porterait à croire que les ONGs du Nord sont devenues inutiles et que les ONGs du Sud sont suffisamment compétentes pour se débrouiller sans nous n’est qu’une vision réductionniste de notre véritable action. On perdrait l’implantation de la solidarité au Nord. Il ne faudrait pas très longtemps pour qu’elle soit complètement remise en question. On avait fait le décompte avec les associations membres : la FGC, cela représente  quelques 11 000 membres à Genève, quelques 35 000 sympathisants et 65 000 personnes touchées par les diverses publications de nos associations membres. Il existe donc un fourmillement de gens qui font le tissu associatif de la région et donc la trame de la solidarité au Nord.

Propos recueillis par Olivier Grobet

Fragments de paroles

Denervaud : «Il existe une tendance à renvoyer la solidarité (ici et ailleurs) au privé »
Denervaud : « Aujourd’hui, on ne peut plus parler du Nord et du Sud, mais plutôt des Nord et des Sud. »
Denervaud :  » Le combat contre les inégalités, nous ne pourrons pas le mener seul. « 

Une réflexion sur « Denervaud : «Il existe une tendance à renvoyer la solidarité (ici et ailleurs) au privé » »

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