La fille de Taib, Jamilah Taib, possède à Ottawa, la capitale du Canada, des biens immobiliers pour une valeur dépassant 100 millions de dollars canadiens. Le Bruno Manser Fonds alerte le Premier ministre Stephen Harper
(BÂLE / OTTAWA) Il y a quelques jours, le Ministère allemand des finances faisait savoir qu’une enquête pour suspicion de blanchiment d’argent avait été ouverte sur les affaires de la Deutsche Bank réalisées avec la famille malaise Taib. Les autorités canadiennes viennent à leur tour de prendre le magnat du bois tropical Abdul Taib Mahmud («Taib») dans leur collimateur.
En juin dernier, le Bruno Manser Fonds alertait le gouvernement canadien en raison de l’énorme fortune en biens immobiliers possédée par la fille de Taib – Jamilah Taib – au Canada et demandait l’ouverture d’une enquête officielle sur l’origine de ces capitaux. Le Bruno Manser Fonds présume qu’il s’agit de blanchiment d’argent provenant de corruption perpétrée dans l’État malais du Sarawak. Le père de Jamilah – Taib Abdul Mahmud – gouverne le Sarawak depuis 1981 d’une main de fer et a amassé des millions, sinon des milliards, grâce au défrichage des forêts pluviales.
Jamilah Taib et son époux canadien Sean Murray dirigent l’entreprise immobilière Sakto, laquelle possède dans la capitale du Canada des biens immobiliers pour une valeur dépassant largement 100 millions de dollars canadiens. L’entreprise a ainsi édifié plusieurs tours administratives sur la Preston Street, dans le district «Little Italy» d’Ottawa. Au nombre des locataires de Sakto on compte notamment le gouvernement fédéral du Canada ainsi que le gouvernement de la province d’Ontario.
Le couple malais-canadien, qui réside dans une des villas les plus chères d’Ottawa, contrôle en outre des sociétés immobilières en Angleterre, aux USA et en Australie. La société britannique Ridgeford Properties Ltd, dirigée par la fille de Taib et son époux, détient des bâtiments de luxe au centre de Londres pour une valeur atteignant plusieurs douzaines de millions de livres sterling.
La missive du Bruno Manser Fonds adressée au Premier ministre Stephen Harper a rencontré un grand intérêt auprès du gouvernement canadien et a été soumise à plusieurs membres du cabinet, dont le ministre des finances James Flaherty, responsable en chef des questions de blanchiment d’argent.
Ministère de la Justice: les escrocs financiers sont poursuivis pénalement et emprisonnés
Le Ministère de la Justice du Canada a répondu au Bruno Manser Fonds qu’un groupe de spécialistes de la police fédérale canadienne GRC se concentrait sur la recherche de responsables d’escroqueries financières graves, leur poursuite pénale et leur emprisonnement. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a cependant refusé de confirmer qu’elle enquêtait à l’encontre Sakto et de la fille de Taib: «Nous ne nous prononçons généralement pas si une enquête pénale est en cours ou non», a fait savoir Seger Thierrault, surintendant en chef de la police montée du Canada au Bruno Manser Fonds. «Ce type d’enquêtes est mené de manière confidentielle, afin de préserver les preuves, les partenariats internationaux et les réputations. Nous ne faisons aucune affirmation quant aux personnes soupçonnées jusqu’à ce que l’affaire soit rendue publique.»
L’officier de police de haut rang a en outre ajouté que la police fédérale canadienne appréciait «les efforts du Bruno Manser Fonds pour protéger les forêts tropicales et les peuples autochtones.»
La corruption pour modèle d’affaires
Sakto a été fondée en 1983 par Onn Mahmud, le frère du gouvernement du Sarawak Taib Mahmud, ainsi que deux enfants de celui-ci. La structure actionnaire n’est pas connue, étant donné que la possession d’actions par des entreprises est considérée être une information confidentielle au Canada. De l’avis du Bruno Manser Fonds, il est plus que probable que Sakto soit détenu intégralement par la famille Taib.
Ce même frère de Taib, Onn Mahmud, était aussi le maître d’œuvre d’un système de corruption également mis en place en 1983, par lequel les entreprises de fret maritime japonaises qui acheminaient du bois tropical du Sarawak vers le Japon étaient contraintes de verser des pots-de-vin à la famille Taib. En échange, elles obtenaient les autorisations d’exporter le bois tropical nécessaires. L’affaire a éclaté au grand jour en 2007, suite à une enquête menée par les autorités fiscales de Tokyo.
La fille de Taib et directrice de Sakto, Jamilah Taib, est par ailleurs l’une des principales actionnaires de l’entreprise familiale de Taib Cahya Mata Sarawak (CMS) active dans la construction. CMS vit de mandats de construction publics remis par le gouvernement de Taib et a bénéficié notamment de mandats à hauteur de millions dans la construction du barrage controversé de Bakun. Des dépêches confidentielles de l’ambassade US à Kuala Lumpur révélées par Wikileaks ont en outre récemment confirmé l’extrême corruption de la famille Taib.
Enquêtes officielles en Suisse, en Allemagne et en Malaisie
Depuis le début de la campagne Stop-Timber-Corruption lancée en février 2011 par le Bruno Manser Fonds, les autorités de Suisse, d’Allemagne et de Malaisie ont ouvert des enquêtes pour suspicion de corruption et de blanchiment d’argent à l’encontre de la famille Taib.
En Suisse, à l’instigation de la Présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) enquête sur d’éventuels avoirs de Taib dans les banques suisses. En Allemagne, l’autorité allemande en matière de surveillance des marchés financiers (BaFin) enquête pour sa part sur les affaires de la Deutsche Bank avec Taib sous l’angle du blanchiment d’argent. Enfin, en juin 2011, l’autorité malaise anti-corruption (MACC) confirmait qu’une procédure était en cours contre Taib pour corruption.
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