Echange Sud-Nord : une rencontre – un voyage vers la compréhension mutuelle

Coordinateur de projets, Sérgio Bulcão fait partie des figures clés de la lutte des sans-toits de la Bahia. Parmi les fondateurs de l’UNIÃO Bahia, mouvement social urbain affilié à l’UNIÃO nationale UNMP, il s’efforce de construire conjointement un modèle de quartier, dit d’habitat digne, afin de promouvoir des alternatives sociales et faire avancer la réforme urbaine brésilienne. Attaché au « mutirão », travaux fonctionnant grâce à l’aide mutuelle de la communauté, Sérgio Bulcão défend un modèle politique aux antipodes de l’assistentialisme. Engagé et militant, il incarne aussi un homme politique en occupant le poste de secrétaire exécutif du PT de Salvador de Bahia.

Pour la première fois hors de l’Amérique Latine, il revient sur les 10 jours passés en Suisse : « Le fait d’avoir vécu un séjour relativement long avec Claire et Olivier a permis de mieux nous connaître d’un point de vue personnel, de nous rapprocher, car le quotidien du travail ne nous le permettait pas ou peu. De plus, ce voyage m’a offert une fenêtre ouverte sur la Suisse, de mieux comprendre la vie et l’attitude de citoyens vivants dans le premier monde où la qualité de vie est bien plus visible et établie que chez nous, ce qui constitue le point fort de ce pays. Toutefois, je ressens l’introspection des Suisses comme une forme d’être qui ne laisse pas transparaître une joie de vivre débordante. De manière générale, les différences culturelles sont telles que même si le Brésil bénéficiait d’une économie similaire, notre comportement serait bien différent du fait de nos racines. Comment pouvons-nous atteindre au standard de vie proche sans perdre notre spontanéité, notre joie de vivre et de nous exprimer de forme extravertie ? En fin de compte, quel est le prix à payer pour atteindre le niveau d’organisation et de vie des Helvètes ? Et surtout ce voyage a renforcé le partenariat avec E-CHANGER du fait que nous nous reconnaissons dans les mêmes valeurs et la même vision du monde. Nos objectifs sont convergents. Le fait d’avoir rencontré des permanents en Suisse a rendu l’échange plus palpable tant avec l’ONG qu’avec les volontaires. »
Posé et profitant de la distanciation que ce séjour lui a procuré, il ajoute ensuite en guise de commentaire : « il est plus facile de gérer un partenariat se basant sur un financement que sur un échange humain. »
Malgré de nombreuses entrevues avec la coordination d’E-CHANGER Brésil et une approche de longue date, Sérgio remarque que son voyage lui a donné de nouvelles clés pour mieux saisir les possibilités d’une telle coopération. « Si l’UNIÃO Bahia avait eu une meilleure compréhension de ce type de partenariat, nous aurions pu optimiser la première partie du mandat du couple. Le fait de gagner la sympathie et la confiance des gens ne fait pas tout. Quel est le sens politique de ce partenariat ? Quelle est la vision du monde que le couple avait en venant travailler avec nous ? Ce sont des aspects importants que nous n’avons pas assez eu le loisir d’approfondir en discussions sur place. Nous aurions dû établir ces espaces de dialogues et de réflexions. Claire et Olivier ne constituent pas un couple venant simplement donner un coup de main au Brésil en offrant uniquement des compétences professionnelles. », affirme-t-il.
« Si E-CHANGER avait l’opportunité d’organiser systématiquement ce genre d’échange Sud-Nord avant l’insertion de volontaires, cela faciliterait beaucoup les premiers pas des cooper-acteurs sur le terrain. Le fait de mieux comprendre les objectifs d’E-CHANGER, la nature du partenariat et le contexte suisse permettrait de mieux orienter les activités et défis de chacun. Dans notre cas, quand Claire et Olivier sont arrivés, l’UMP-BA était encore dans une phase relativement initiale de son organisation. Cela aurait pu engendrer de gros problèmes entre nous », commente-t-il dans un esprit constructif.
« Dans un premier temps, l’inculturation a été le défi majeur à surpasser. Ensuite sont venus les difficultés de l’UNIÃO, notamment au niveau de la planification et de l’organisation. Un mouvement populaire ne fonctionne pas de la même manière qu’une ONG traditionnelle. Nous dépendons beaucoup des initiatives de nos membres. Il n’y a personne pour vous dire ce que vous devez faire. Dans un certain sens, cela complique le type de partenariat qu’il peut y avoir avec des volontaires E-CHANGER qui souhaitent appuyer des acteurs locaux en ne prenant pas le rôle de leader qui, lui, est à même de prendre des initiatives majeures sur les lignes directrices du mouvement. Ce sont des difficultés déjà vécues par l’équipe opérative, alors je peux m’imaginer que cela est encore accentué dans le cas de deux coopérants.  Notre quotidien professionnel nous empêche souvent de tenir le monitoring que nous nous fixons. Nous avons besoin d’établir des moments d’évaluation. Dans ce sens, ils pourraient encore nous apporter beaucoup », glisse-t-il.
Finalement, Sérgio tire un bilan positif de son séjour et évalue la continuité du partenariat comme étant très prometteuse. « Mon regard sur le monde a changé avec ce voyage. La société civile brésilienne a tendance à idéaliser les sociétés du premier monde et cherche à atteindre le même niveau de vie que la Suisse par exemple. Or les changements rapides que le monde vit actuellement transforment cette réalité. Ne devrons-nous pas revoir à la baisse ce niveau ? La globalisation permettra-t-elle au premier monde de se maintenir tel qu’actuellement ? Et si non, quelle sera la nouvelle donne pour que ces sociétés se maintiennent et avec quelles incidences sur le Sud ? », s’interroge-t-il sur le chemin retour qui le mène au  Brésil accompagné de Claire, Tiago et Olivier.
Propos recueillis par Tiago, Claire et Olivier

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