Le développement du secteur judiciaire encore trop improvisé en Afghanistan révèle la nécessité d’une professionnalisation, sans quoi la justice demeurera inefficace.
Les injustices restent légions en Afghanistan. Lorsqu’elles sont amenées devant les tribunaux, la plupart des affaires sont en effet traitées d’une manière difficilement associable à l’idée que l’on se fait d’une justice moderne, toujours absente en Afghanistan. La province de Faryab, la 7ème province la plus peuplée d’Afghanistan, comptait, avant l’intervention d’ACTED, en tout et pour tout seulement deux tribunaux. A ce chiffre, ACTED a déjà ajouté trois tribunaux de plus et deux supplémentaires devraient être construits dans le cadre d’un projet à venir. Malgré ces avancées, on ne dénombre encore que sept tribunaux dans cette province qui compte pourtant 14 districts.
La majorité des juges, qui n’a pas la chance d’exercer dans un bâtiment spécialement dédié à la justice, n’a pas d’autre choix que de traiter les affaires dans un bureau prêté par un chef de district, voire dans une mosquée. Compte tenu du manque de connaissances du rôle et des limites du secteur judiciaire, la promiscuité physique entre les acteurs civils, judiciaires et religieux ajoute à la confusion entre chacune de ces fonctions. D’où l’importance des nouveaux tribunaux, qui sont souvent les bâtiments les plus impressionnants dans les centres des districts ruraux, contribuant à accroître la visibilité et le prestige du système judiciaire, et évitent à leurs utilisateurs d’être manipulés.
Bien que cela représente un signe encourageant, rendre le secteur judiciaire plus visible n’est pas une fin en soi. Dans un pays où l’utilisation du droit demeure ambigüe, les populations restent très préoccupées par la manière dont il est utilisé. Lors de leurs discussions relatives aux tribunaux, les gens ordinaires s’intéressent particulièrement à l’influence qu’y exercent les puissants propriétaires terriens et les chefs de guerre. Ce sont les juges et les procureurs de Faryab eux-mêmes qui ont soulevé, durant les sessions de formation du projet, la question de la peur générée par ces influents propriétaires terriens et ces religieux, dont le pouvoir s’étend jusqu’aux plus hautes institutions à Kaboul.
Compte tenu de ces circonstances particulières, seules une professionnalisation et une sensibilisation accrues pourront permettre aux employés du secteur judiciaire de sauvegarder leur institution et de la préserver pour les générations futures. ACTED est ainsi intervenue dans la province de Faryab dans le nord-est de l’Afghanistan avec un projet de « Soutien au secteur judiciaire », soutenu de manière conjointe par la Commission européenne, avec l’Organisation mondiale pour les migrations, et le Ministère letton des affaires étrangères. Le partenariat avec l’Institut international d’études supérieures en criminologie et la coordination avec la Cour suprême de la province permettra de construire trois nouveaux tribunaux et de former 29 juges locaux et 28 procureurs.
De manière transversale, ACTED en Afghanistan estime que c’est par l’amélioration des qualifications et des connaissances en matière juridique que les juges et procureurs assureront l’application de la loi, notamment envers ceux qui la défient. Ceci n’est donc que la première étape dans le développement de la justice au niveau provincial, la situation actuelle de la justice afghane nécessitant bien d’autres projets similaires.