Entre deux mondes: l’Esprit Paléo

L’édition 2019 du Paléo festival de musique s’inscrit encore et toujours plus dans les lignes de son engagement. Le plus grand festival suisse open air, parmi les plus grands d’Europe, s’évertue à développer par la pratique son esprit. « Sa philosophie d’entreprise, qui privilégie avant tout le respect de tous les acteurs impliqués dans l’organisation du Festival, se base sur les principes mêmes du développement durable. Par conséquent, son mode de gestion responsable accorde le même poids aux facteurs économiques, écologiques et sociaux », peut-on lire sur sa charte. Cette philosophie est aujourd’hui illustrée par quelques chiffres évocateurs.

  • 230’000 festivaliers par année
  • 5’000 bénévoles et pas de subsides publics
  • 2’065’000 gobelets lavables produits par Paléo depuis 2009
  • 44% des festivaliers ont utilisé les transports en commun ou la mobilité douce en 2018.
  • 59% des déchets ont été triés en 2018 (contre 15% en 2000).
  • Le Festival consomme 100% d’énergie verte.

Le Paléo se veut pionnier en la matière même s’il est conscient que d’autres festivals se sont aussi engagés dans les enjeux mondiaux actuels, et vont même plus loin. A titre d’exemple, le we love green de Paris s’inscrit aussi dans ces événements européens majeurs « dont l’objectif est de sensibiliser l’opinion, influencer les publics, modifier les comportements et participer à un mouvement de fond auquel tout citoyen peut collaborer. Le festival assume un rôle éducatif et de médiation culturelle auprès des publics comme des professionnels et artistes dont il s’entoure, pour porter à travers la musique des valeurs sociales, économiques, solidaires et éveiller les consciences. »

Le Paléo a su depuis 1976 développer son identité : folk, enjouée, populaire, festive, responsable et empreinte de solidarité. L’esprit Paléo a su s’ériger en bastion culturel suisse, tout en faisant la part belle à quelques acteurs clés des droits humains et de la solidarité internationale. Dès ses débuts, Amnesty International a ouvert les portes du festival à d’autres ONGs. Rien de bien étonnant donc de les retrouver aujourd’hui comme invité d’honneur des partenaires caritatifs.(https://yeah.paleo.ch/fr/2019/07/11/amnesty-international-partenaire-caritatif)  

« Depuis 1977, Amnesty International a un stand au Paléo. Cette année, nous avons décidé de faire campagne contre les violences sexuelles. Le Paléo était vraiment intéressé par cette thématique. Ils nous ont donc désigné comme invité d’honneur. Du coup, on nous a placé notre container de campagne un petit peu en dehors du village du monde où sont placés les autres ONG. Dimanche prochain (Ndlr 28 juillet 2019), nous allons accueillir ici un apéritif offert par le Paléo avec des invités de marque comme Nuria Gorrite, Ruth Dreifuss et Daniel Rosselat. », explique Corinne Deluz, membre d’Amnesty de la Côte.

Caroline Jankech, juriste de la campagne contre les violences sexuelles d’Amnesty explique encore à ce propos que « c’est une campagne basée sur la notion de consentement et qui vise à ce que tout rapport sexuel non consenti soit érigé en effraction pénale. Pour cela, il nous faut changer les mentalités et la loi. En effet, aujourd’hui, dans les deux articles de loi suisse, il faut qu’il y ait contrainte physique ou psychique pour que cela soit punissable. Or la convention d’Istanbul qui a été ratifié par la Suisse en 2018 exige que tout acte sexuel non consenti soit érigé en effraction pénale. Notre campagne demande à ce que l’on supprime la contrainte physique ou psychique et que l’on laisse juste la notion de consentement. Le public du Paléo réagit du reste bien. Tout le monde trouve logique qu’il faille dire oui pour passer à l’acte. C’est vraiment un bon environnement pour ce genre de campagne. L’esprit Paléo s’y prête bien. »

Autre habitué du lieu, Terre des Hommes Suisse corrobore pleinement l’idée d’une sensibilisation propice à changer les comportements. « On crée un lien entre nos projets au Sud et la jeunesse d’ici. On peut tou-te-s être des acteurs de changements. Notre campagne les incite à agir tant au niveau du Sud qu’ici pour construire un monde meilleur. Les jeunes d’ici sont vraiment intéressés à savoir comment les autres jeunes du monde vivent. On leur montre à quel point l’accès à l’éducation est important. Quand les jeunes du paléo viennent ici, cela leur donne des idées et ils veulent se mobiliser. La plupart des jeunes demandent ce qu’ils peuvent faire ici. Ils se demandent encore s’ils doivent partir au Sud. On leur explique qu’ils peuvent déjà agir au niveau de leur école, de leur famille. Je trouve que le public du paléo est vraiment réceptif. La mentalité est festive et ouverte à ce qu’il se passe ailleurs sur tous les sujets d’actualités », explique Christophe Roduit, secrétaire général de Terre des Hommes Suisse.

Autre ONG de l’enfance Togo to children située sur le stand juste à côté, sensibilise le public à son action avec son partenaire local. « On soutient la scolarisation de la petite enfance au Togo et d’enfants orphelins. On a construit deux écoles. Nous sommes convaincus que le changement va venir de la génération actuelle et qu’ils doivent avoir accès à l’éducation pour engranger de réels changements dans leur réalité. Notre partenaire, PASYD qui a gagné le prix de l’excellence des organisations de la société civile africaine, va dans les villages, recense et priorise les besoins en fonction de l’opinion des comités villageois. Cela peut être un puit, une école maternelle, etc. Togo to children cible ensuite les besoins vis-à-vis des enfants et finance des projets locaux. Le samedi et le dimanche sont très propices à notre sensibilisation car beaucoup de familles viennent ici et profitent des animations du village du monde. L’esprit Paléo est ouvert à l’esprit solidaire, oui », confirme Jean Gachet, membre du comité de Togo to children.

 Un peu plus loin, les ONG œuvrant dans le domaine de la santé. « Médecins du Monde sensibilise le public sur les violences basées sur le genre qui constitue une thématique que l’on priorise au sein de notre ONG. Que ce soit en Suisse, au Bénin, on développe des projets pour y remédier. Ici, notre stand propose des informations tout en privilégiant l’aspect ludique. Après avoir lu nos panneaux, ils doivent répondre à trois questions clés sur les violences basées sur le genre qui leur octroient en cas de trois bonnes réponses, trois lancés de balles. Ils repartent ensuite avec un prix. Cela fait plusieurs années que je viens et je remarque que l’aspect ludique est fondamental. Le stand purement informatif marche moins que celui qui privilégie le côté festif du Paléo. Beaucoup de personnes nous disent que c’est bien ce que l’on fait. Ce type de stand s’intègre vraiment bien ici parce l’esprit du paléo est vraiment solidaire », témoigne Thierry Tschoumy, responsable de la mission Palestine et ancien membre du comité de Médecins du Monde

« Cette année, on présente l’exposition que nous avons créée pour le festival de bande dessinée du Fumetto à Lucerne. C’est un festival auquel on participe chaque année. Pour ce faire, on envoie un artiste sur un lieu d’intervention. En 2019, Carole Isler s’est rendue à Chios et à Athènes en Grèce. Les deux centres qui l’ont accueilli s’occupent de réfugiés. Elle y a dessiné les migrants, mais aussi le staff MSF. Cela donne les affiches de notre exposition, des portraits en noir et blanc où le visiteur essaie de deviner qui fait partie du staff et qui est migrant. Le fait de ne pas arriver à les distinguer nous ramène à notre humanité et que le reste n’est finalement pas important. La migration reste un thème clé pour MSF, ce d’autant plus que notre nouveau bateau vient de reprendre le large avec SOS méditerranée. On ne parle pas assez de ce qui se passe en Lybie. La politique en Europe n’est pas très propice aux migrants ; elle correspond plutôt à une mentalité qui a tendance à se refermer. En étant dans le village du monde, je pense que nous sommes à un bon endroit pour sensibiliser le public à la migration. Lorsque nous organisons nos propres événements, on touche notre propre public. L’avantage d’être ici provient du fait que l’on va à la rencontre de nouvelles personnes. », conclut Camille Gomes, membre de la cellule média et événements de Médecins Sans Frontières à Genève.

L’esprit du paléo vit et il se vit avec tout le respect qu’il se doit.

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Olivier Grobet

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