Il ne suffit pas de vouloir faire le bien pour bien faire

Un débat sur l'humanitaire, l'Homme et son monde- discussion ouverte à tous

Modérateurs : Siyanie92, GO

BoriBana

Il ne suffit pas de vouloir faire le bien pour bien faire

Message non lupar BoriBana » jeu. oct. 06, 2005 11:37 am

"Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi" Gandhi. -

A travers ce message je voudrais avant tout provoquer la discussion et le débat sur un sujet qui me parait fondamental pour tous ceux qui veulent partir « faire de l’humanitaire et du développement ».


La première chose qu’il parait important de comprendre c’est que le fait de VOULOIR FAIRE LE BIEN NE SUFFIT PAS POUR BIEN FAIRE. Beaucoup de projets humanitaires, de projets dits « de développement » se révèlent sur le long terme inutiles, voir contre-productifs.

Il ne s’agit pas d’incriminer ceux qui veulent partir « aider » les autres mais de les mettre en garde contre le fait que chaque action que l’on pose aura des conséquences et donc qu’il faut bien réfléchir avant d’agir. Vouloir travailler dans le monde de l’Humanitaire c’est avant tout une lourde RESPONSABILITE.

Il est important de se rendre compte de l’espérance que les personnes concernées par les projets sur lesquels nous sommes amenés à travailler placent en nous. Nous sommes donc responsable vis à vis d’eux. Nous ne pouvons pas aller nous former à l’étranger au détriment des populations locales, « sur le dos des autres ». En effet, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud ne peuvent pas être perçus comme de formidables « cours de récréation » où nous pourrions aller nous confronter au réel grâce à nos échecs,... Car le problème est que ce réel, ce sont des êtres humains !

Pour imager mon propos je vais vous retranscrire un exemple de projet qui avait semblé au première bord très intéressant mais qui s’est avéré nuisible au final.

Problème repéré par une ONG française dans un petit village au Burkina : les enfants du village doivent marcher pendant 1h30 pour aller à l’école.

Solution proposée : l’ONG a décidé d’offrir un vélo à chaque enfant du village pour qu’il puisse aller à l’école plus rapidement. En plus cette solution rentre dans la mode du « développement durable » puisqu’elle est à la fois simple et écologique.

Résultat à court terme : Les enfants ne mettent plus que 30 minutes pour aller à l’école !

Résultat à moyen terme : Les vélos commencent petit à petit à s’abîmer. Les villageois ne disposant pas de pièces de rechange ils sont dans l’impossibilité de réparer les vélos.


Le constat pourrait s’arrêter là et il serait très classique dans le monde des projets de développement : « un coup d’épée dans l’eau ». Une ONG a voulu bien faire, mais elle n’a pas été au bout de son projet. Tant pis, ce projet n’aura servi à rien…

Mais le problème c’est qu’il n’a pas servi à rien, il a servi, mais pour faire du « mal ».

Résultat à long terme : Non seulement les villageois se sont retrouvés sans vélo mais en plus ils ont été humiliés. En effet certains des villageois se sont dit après coup : « On doit vraiment être cons, puisque des gens sont venus de loin pour nous aider et que nous n’avons même pas été capables d’entretenir le matériel qu’ils nous ont donné... on est des moins que rien… ».

En effet le fait d’être obligé de recevoir l’aide de quelqu’un est toujours un peu humiliant, mais le fait de ne pas réussir à se servir de cette aide l’est encore plus.

Quand on cherche à creuser plus profond on s’aperçoit donc de la possible perversité « inconsciente » de ce genre de projet.

En effet la prochaine association qui va venir faire un projet dans ce village va se trouver face à des personnes très réticentes, voir ouvertement hostiles, car elles n’auront pas envie de « se faire avoir » une nouvelle fois. Pendant ce temps dans un processus d’inversement de la réalité devenu classique dans les relations Nord-Sud, les membres de l’association risquent de se dire, « putain mais ces gens ne veulent même pas qu’on les aide ! »


Parfois il vaut mieux ne rien faire que de mal faire… C’est difficile de se l’avouer mais c’est la réalité…


Bien sûr pour ceux qui veulent partir, c’est dur de se remettre aussi fortement en cause… Dur mais au combien salvateur ! Car cette réflexion, ce travail de remise en question, n’est-il pas un pré-requis nécessaire pour tous nos projets à venir ?!?…

Sur ces quelques idées, je vous laisse.

Ignace


p.s. Pour plus de réflexion sur ce sujet je vous conseil d’aller faire un tour sur un blog qu’on a créer avec des amis justement pour réfléchir ensemble à toutes ces problématiques liés à l’humanitaire et au développement : http://boribana.over-blog.com

BORI BANA signifie en langue malinké : « La course est terminée, la fuite est finie ». Parce que nous pensons qu'il est important de préserver notre capacité d'étonnement, de réflexion, de prise de distance et de révolte, nous avons voulu initier cet espace d’échange et de dialogue. L’important n’est pas de chercher à avoir le dernier mot, mais plutôt le juste premier, c’est-à-dire celui qui nous pousse à s’interroger et à réagir.

Alors allons y échangeons.

Quelques articles à lire en priorité :

- Synthèse des travaux de réflexion sur le concept de « Développement »
http://boribana.over-blog.com/article-92702.html

- Les projets de développement, qu'en sais tu ?
http://boribana.over-blog.com/article-185101.html

- Allons plus loin sur la question du Développement…
http://boribana.over-blog.com/article-91270.html

- Réponse à "Allons plus loin sur la question du Développement…"
http://boribana.over-blog.com/article-91545.html

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Re: Il ne suffit pas de vouloir faire le bien pour bien fair

Message non lupar GO » jeu. oct. 06, 2005 4:28 pm

BoriBana a écrit :"Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi" Gandhi. -

A travers ce message je voudrais avant tout provoquer la discussion et le débat sur un sujet qui me parait fondamental pour tous ceux qui veulent partir « faire de l’humanitaire et du développement ».


La première chose qu’il parait important de comprendre c’est que le fait de VOULOIR FAIRE LE BIEN NE SUFFIT PAS POUR BIEN FAIRE. Beaucoup de projets humanitaires, de projets dits « de développement » se révèlent sur le long terme inutiles, voir contre-productifs.

Il ne s’agit pas d’incriminer ceux qui veulent partir « aider » les autres mais de les mettre en garde contre le fait que chaque action que l’on pose aura des conséquences et donc qu’il faut bien réfléchir avant d’agir. Vouloir travailler dans le monde de l’Humanitaire c’est avant tout une lourde RESPONSABILITE.

Il est important de se rendre compte de l’espérance que les personnes concernées par les projets sur lesquels nous sommes amenés à travailler placent en nous. Nous sommes donc responsable vis à vis d’eux. Nous ne pouvons pas aller nous former à l’étranger au détriment des populations locales, « sur le dos des autres ». En effet, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud ne peuvent pas être perçus comme de formidables « cours de récréation » où nous pourrions aller nous confronter au réel grâce à nos échecs,... Car le problème est que ce réel, ce sont des êtres humains !

Pour imager mon propos je vais vous retranscrire un exemple de projet qui avait semblé au première bord très intéressant mais qui s’est avéré nuisible au final.

Problème repéré par une ONG française dans un petit village au Burkina : les enfants du village doivent marcher pendant 1h30 pour aller à l’école.

Solution proposée : l’ONG a décidé d’offrir un vélo à chaque enfant du village pour qu’il puisse aller à l’école plus rapidement. En plus cette solution rentre dans la mode du « développement durable » puisqu’elle est à la fois simple et écologique.

Résultat à court terme : Les enfants ne mettent plus que 30 minutes pour aller à l’école !

Résultat à moyen terme : Les vélos commencent petit à petit à s’abîmer. Les villageois ne disposant pas de pièces de rechange ils sont dans l’impossibilité de réparer les vélos.


Le constat pourrait s’arrêter là et il serait très classique dans le monde des projets de développement : « un coup d’épée dans l’eau ». Une ONG a voulu bien faire, mais elle n’a pas été au bout de son projet. Tant pis, ce projet n’aura servi à rien…

Mais le problème c’est qu’il n’a pas servi à rien, il a servi, mais pour faire du « mal ».

Résultat à long terme : Non seulement les villageois se sont retrouvés sans vélo mais en plus ils ont été humiliés. En effet certains des villageois se sont dit après coup : « On doit vraiment être cons, puisque des gens sont venus de loin pour nous aider et que nous n’avons même pas été capables d’entretenir le matériel qu’ils nous ont donné... on est des moins que rien… ».

En effet le fait d’être obligé de recevoir l’aide de quelqu’un est toujours un peu humiliant, mais le fait de ne pas réussir à se servir de cette aide l’est encore plus.

Quand on cherche à creuser plus profond on s’aperçoit donc de la possible perversité « inconsciente » de ce genre de projet.

En effet la prochaine association qui va venir faire un projet dans ce village va se trouver face à des personnes très réticentes, voir ouvertement hostiles, car elles n’auront pas envie de « se faire avoir » une nouvelle fois. Pendant ce temps dans un processus d’inversement de la réalité devenu classique dans les relations Nord-Sud, les membres de l’association risquent de se dire, « putain mais ces gens ne veulent même pas qu’on les aide ! »


Parfois il vaut mieux ne rien faire que de mal faire… C’est difficile de se l’avouer mais c’est la réalité…


Bien sûr pour ceux qui veulent partir, c’est dur de se remettre aussi fortement en cause… Dur mais au combien salvateur ! Car cette réflexion, ce travail de remise en question, n’est-il pas un pré-requis nécessaire pour tous nos projets à venir ?!?…

Sur ces quelques idées, je vous laisse.

Ignace


p.s. Pour plus de réflexion sur ce sujet je vous conseil d’aller faire un tour sur un blog qu’on a créer avec des amis justement pour réfléchir ensemble à toutes ces problématiques liés à l’humanitaire et au développement : http://boribana.over-blog.com

BORI BANA signifie en langue malinké : « La course est terminée, la fuite est finie ». Parce que nous pensons qu'il est important de préserver notre capacité d'étonnement, de réflexion, de prise de distance et de révolte, nous avons voulu initier cet espace d’échange et de dialogue. L’important n’est pas de chercher à avoir le dernier mot, mais plutôt le juste premier, c’est-à-dire celui qui nous pousse à s’interroger et à réagir.

Alors allons y échangeons.

Quelques articles à lire en priorité :

- Synthèse des travaux de réflexion sur le concept de « Développement »
http://boribana.over-blog.com/article-92702.html

- Les projets de développement, qu'en sais tu ?
http://boribana.over-blog.com/article-185101.html

- Allons plus loin sur la question du Développement…
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Excellente piste de réflexion...il faudrait alors peut-être repenser l'aide que l'on veut apporter. La sagesse suggèrerait peut-être que nous devons accompagner ses personnes dans leurs propres démarches. Ils sortiraient du rôle d'assistés....
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Message non lupar GO » ven. oct. 07, 2005 1:07 pm

J'ai été voir votre blog. Il est fort intéressant. Si cela vous intéresse de tenir une rubrique en tant que freelance sur le portail humanitaire.ws- libre à vous de joindre à l'équipe rédactionnelle déjà existante. Il suffit d'accepter le charte du site lisible sur cette page:

http://www.humanitaire.ws/faq/index.php

et de prendre contact sur cette page en mentionnant que vous l'acceptez:

http://www.humanitaire.ws/contact.php

Cordialement

Olivier
Diffusez le réseau autour de vous!!!!

BoriBana

Ok, nous allons regarder ça.

Message non lupar BoriBana » sam. oct. 08, 2005 10:46 am

Ok, nous allons lire tout ça et revenir vers vous, mais cela peut en effet être très intéressant. Merci.


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