Fuir le Nil Bleu

En 2012, plus de 110 000 personnes ont fui l’Etat soudanais du Nil Bleu pour échapper aux bombardements et aux violences. Voici leur histoire, telle qu’elles nous la racontent…
 
Bahita (mère de famille, promotrice Santé et hygiène) : La guerre a commencé pendant le ramadan. Elle s’est propagée lentement, jusqu’aux montagnes. Nous étions toujours dans notre village. Ce que nous avions planté – des arachides et du sésame –, était prêt à être récolté, mais nous n’avons pas eu le temps de moissonner.
 
Shawish Turuk (grand-père, gardien de bétail) : Il pleuvait ce jour-là. Et les bombes ont commencé à pleuvoir aussi. J’ai vu des villageois tués. Nous avons dû abandonner notre bétail et partir en courant.
Bahita : Nous n’avons pas eu le temps de rassembler nos affaires. Nous avons seulement pris quelques vêtements avant de fuir avec les enfants.
 
Alawiya (mère de famille, promotrice Santé et hygiène) : Bajita et moi venons du même endroit. J’ai fui avec mon mari, les enfants et les autres habitants du village. Nous marchions la nuit, car il faisait trop chaud pendant la journée, surtout pour les enfants qui étaient pieds nus. Nous nous arrêtions près des points d’eau, parce que nous n’en avions pas avec nous. Comme nous n’avions pas beaucoup de nourriture, nous n’en donnions qu’aux plus jeunes enfants. Nous avons marché pendant six semaines.
 
Hadir Musa (mère de six enfants) : Nous ne pouvions pas passer une seule journée au même endroit. Même pendant la nuit, nous devions changer d’abri. On dormait un peu, puis on repartait. Nous nous sommes déplacés comme cela pendant deux mois.
 
Bahita : C’était horrible d’entendre les avions de combat arriver. Il fallait courir, se cacher – souvent dans le lit de la rivière. Ils passaient à n’importe quel moment, la nuit comme le jour. Je gardais toujours ma fille près de moi et, quand elle pleurait, je lui disais de ne pas faire de bruit.
 
Shawish : Nous avons marché, marché… – en mangeant seulement quelques fruits cueillis en chemin. Des personnes sont mortes de faim sur la route.
 
Epuisés et affamés, les réfugiés se sont installés dans des camps provisoires de l’autre côté de la frontière, dans le comté de Mabaan au Sud-Soudan.

Stella Chetham (Chargée de communication sur le terrain pour Medair): En quelques mois, le comté de Mabaan a été submergé par l’arrivée de 110 000 réfugiés, fuyant les bombardements dans l’Etat soudanais du Nil Bleu, situé à quelque 20 kilomètres, de l’autre côté de la frontière. Mabaan est une région magnifique, avec une végétation luxuriante à la fin de la saison des pluies. Il y a peu de temps, c’était encore une petite ville très calme, avec des huttes de boue au milieu de la brousse. Aujourd’hui, il y a des tentes et des personnes à perte de vue.
 
Bahita : Nous avons tout laissé derrière nous, mais cela ne fait rien. Les biens matériels ne sont pas importants – nous pouvons les remplacer. Ce qui est important, c’est d’avoir échappé à la guerre et d’être encore en vie.
L’équipe de réponse d’urgence de Medair a mis sur pied un centre de santé pour offrir des soins de santé gratuits aux réfugiés.  
 
Hadir : Au centre de santé de Medair, nous avons reçu des médicaments et nous avons été soignés. Avant que la clinique ne soit installée, de nombreuses personnes étaient très malades. Depuis, elles ont été soignées et sont heureuses d’avoir reçu de l’aide.
 
Bahita : J’ai toussé pendant deux semaines, et une bonne partie de ma famille aussi. Nous avons tous été soignés à la clinique de Medair. Merci pour tout ce que vous faites. Nous sommes heureux d’avoir une clinique à proximité.
L’équipe de Medair a également fourni des latrines, amélioré l’approvisionnement en eau de l’hôpital local, et formé des réfugiés pour qu’ils puissent promouvoir la santé et l’hygiène dans les camps.
 
Alawiya : Je travaille maintenant avec Medair pour promouvoir la santé et l’hygiène. J’explique aux personnes qu’il est important de se laver les mains avec du savon et d’utiliser les latrines pour se protéger des épidémies. Avant, nous ne le savions pas. Désormais, je l’apprends aux autres. Medair nous a fourni des latrines. Nous n’en avions pas avant. Nous en sommes très contents et en prenons soin.
 
Bahita : Je suis fière de promouvoir la santé et l’hygiène ; ainsi, je peux dire aux autres personnes de boire de l’eau potable, d’utiliser les latrines et de se laver – ce qu’ils n’avaient jamais fait. De plus, je suis heureuse de gagner un peu d’argent avec ce travail.
 
Hadir : Les promoteurs d’hygiène nous ont dit de nous laver les mains avec du savon ou de la cendre, d’utiliser les latrines ou d’enterrer nos excréments. C’est ce que nous faisons maintenant. Cela évite que des mouches contaminent notre nourriture.
 
Il y a seulement quelques semaines, ces personnes fuyaient pour rester en vie. Aujourd’hui, elles sont confrontées à un autre type de crise : réfugiées, elles n’ont ni champ ni source de revenu. De plus, une épidémie mortelle d’hépatite E s’est propagée dans les camps. Mais pour l’instant, les réfugiés sont en sécurité à Maaban et, miraculeusement, ils ont encore de l’espoir.
 
Bahita : Entre femmes, nous en parlons souvent. Un jour, nous buvions du café, assises à l’ombre d’un arbre. Nous nous sommes rappelé les bombardements. L’une de nous a dit en plaisantant : « On y retourne ! » Les autres lui ont répondu : « Tu veux qu’on y retourne ? Maintenant que nous avons échappé à tout ça ? » Nous avons toutes éclaté de rire.  

Hadir : Je ne vais pas mal. J’ai de l’espoir pour l’avenir. Mais je me rappelle ma maison, et c’est le problème. Mon mari était agriculteur. Notre vie d’avant nous manque. J’ai perdu mes sœurs et mes frères, car ils se sont tous réfugiés à d’autres endroits.

Bahita : Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais tout ce que je souhaite, c’est de rester en bonne santé.
Vous désirez faire quelque chose de spécial pour aider les réfugiés de l’Etat du Nil Bleu ? Ecrivez un message d’encouragement à Alawiya, à Bahita ou à d’autres réfugiés avec lesquels nous travaillons. Nous le traduirons et le leur transmettrons. Ce sont parfois de petits gestes qui font toute la différence ! Envoyez un message via Facebook. Aujourd’hui.

Notre réponse d’urgence se poursuit. Des milliers de réfugiés continueront probablement d’arriver à Mabaan dans les prochains mois. Grâce à votre soutien, nous pourrons les épauler, sauver des vies, et éviter que des épidémies ne dévastent les camps surpeuplés. L’équipe de réponse d’urgence (ERU) de Medair au Sud-Soudan est soutenue par la C.E. Direction générale de l’Aide humanitaire et de la Protection civile, le Fonds humanitaire commun et des donateurs privés.

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