24 septembre 2006 – le peuple suisse s’est prononcé sur deux lois iniques envers les immigrés et les réfugiés d’asile politique. La campagne du oui à ce nouveau durcissement de la loi n’a eu cesse de parler d’abus, d’un retour à des valeurs suisses et donc à un cadre « helvetico-contrôlé ». Ces lois ont malheureusement été acceptées sous le couvert de la peur.
A titre d’exemple, aujourd’hui, tous les étrangers qui arrivent à la douane sans papier bénéficient d’une non entrée en matière. Bien évidemment, l’exilé qui quitte son pays parce qu’il y est menacé de mort devrait obtenir auprès de son administration les papiers nécessaires à sa fuite pour des raisons politiques. Une aubaine pour les autorités locales voyant ses détracteurs asservis encore un peu plus à leur pouvoir. Objectivement : une aberration.
La solution pour ces immigrés : devenir clandestin, ne pas avoir le droit à un travail, ni à une sécurité sociale, ni à une quelconque dignité humaine. Bref, une autoroute pour s’engager dans de petits trafics en tout genre. La droite suisse s’est donnée raison. En luttant contre les abus, elle crée une conjoncture renforçant l’étranger dans des prédispositions sociales propices à ce que l’immigré devienne délinquant. Comme quoi nos représentations du monde construisent notre monde.
La droite bien pensante et l’extrême droite ont tout de même réussi à accorder leurs voix pour tirer la sonnette d’alarme. « Si ça continue, la Suisse va devoir faire face à un flux d’immigration incontrôlable et néfaste», clamaient-t-ils comme si le Tiers-Monde s’était donné rendez-vous en Suisse et que tous les étrangers abusaient de notre hospitalité, voire de notre chaleur humaine si réputée.
Comble du dégoût, la Suisse a décidé malgré tout d’ouvrir ses frontières aux étrangers sélectionnés et conformes aux intérêts nationaux car aujourd’hui l’immigré se doit d’être qualifié et compétitif. Voilà ce que nos politiciens prônent comme passe-droit pour une meilleure intégration. Quelle gageure bien suisse ! Notre petite Helvétie confond business et intégration sociale. Pas étonnant dès lors de constater que la Suisse soit devenue numéro 1 de la compétitivité. « La Suisse a détrôné les Etats-Unis à la première place du classement de la compétitivité de 125 pays publié chaque année par le Forum économique mondial (WEF). Il souligne notamment son engagement dans la recherche scientifique », peut-on lire dans les médias traditionnels.
Qu’auraient voté les Suisses si on leur avait dit qu’ils devaient choisir entre deux valeurs : la solidarité ou la compétitivité ? L’UDC (N.d.l.r. : extrême-droite suisse) a, elle, décidé de tabler sur la peur des gens, sur la peur de l’Autre. Les lois n’étaient dès lors pas suffisantes face aux abus ; il en fallait une plus proche de la pensée xénophobe. Blocher et cie n’allaient d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin. Aujourd’hui notre conseiller fédéral UDC s’attaque à la loi antiraciste votée par le peuple car il la juge contraire à sa liberté d’expression.
La position du Conseil fédéral reste heureusement la même et s’oppose à toute intention de revoir l’article 261bis du Code pénal sur la discrimination raciale. Il a eu l’occasion de le réaffirmer en déclinant les motions de l’UDC ou des Démocrates suisses qui réclamaient l’abrogation de cette disposition à la suite d’un jugement du Tribunal fédéral considérant que les propos racistes tenus lors de manifestations privées réunissant de nombreuses personnes ne se connaissant pas tombaient sous le coup de la loi.
Alors que les Suisses obligent leurs chiens à mettre des muselières, Blocher et cie l’ont grande ouverte. Les Suisses auraient-ils perdu leur raison ? Qu’attend-on pour démettre Christoph Blocher de ses fonctions, lui qui parle au nom de la Suisse à l’encontre du vote des Helvètes pour une Suisse antiraciste ?
La Suisse qui m’a bercé est, elle, faite de valeurs universelles et d’ouverture à l’Autre. Consensus politique, tradition démocratique, œcuménisme religieux, laïcité, centre d’échange international, pluriculturalisme, cette Helvétie qui m’est proche où est-elle passée ?
Au final, j’espère simplement qu’à l’étranger, ils auront l’intelligence de ne pas généraliser car, personnellement, je n’ai pas envie d’être victime d’amalgames et d’être assimilé à ceux qui ont voté oui ce 24 septembre 2006. A vrai dire, j’ai honte d’eux.
Olivier Grobet
Fondateur d’Humanitaire.ws