Journée mondiale de l’environnement : RSF et plusieurs organisations pour la liberté de la presse et la protection de l’environnement appellent les États à protéger le journalisme

À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement du 5 juin, Reporters sans frontières (RSF) et cinq organisations de défense de la liberté de la presse et de la protection de l’environnement appellent les États à se saisir de la question de l’intégrité de l’information en tant que pilier de la lutte contre le réchauffement climatique, et, en ce sens, à protéger les journalistes environnementaux et à soutenir les médias traitant de ces questions.

L’appel pour la protection du journalisme environnemental a été signé par Climate action against desinformation, le Forum sur l’information et la démocratie, Greenpeace France, le Pulitzer Center, Reporters sans frontières et l’UNESCO.

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En cette journée internationale de l’environnement, également date anniversaire tragique de l’assassinat du journaliste spécialiste de ce domaine, Dom Phillips, tué en 2022 lors d’un reportage sur les communautés brésiliennes indigènes d’Amazonie, RSF, Climate action against desinformation, le Forum sur l’information et la démocratie, Greenpeace, le Pulitzer Center et l’UNESCO interpelle les États et les gouvernants : pour répondre aux défis du changement climatique, la protection de l’intégrité de l’information et des journalistes est primordiale.

Elles appellent à  la mise en place de cadres internationaux de coopération renforcée entre États, afin de répondre de manière claire, rapide et coordonnée aux attaques graves visant les journalistes qui couvrent les questions environnementales. Elles demandent la reconnaissance du droit à une information fiable et indépendante comme un élément constitutif de la protection de l’environnement et à une régulation appropriée de l’espace numérique afin de contrer la désinformation, conformément aux normes internationales en matière de droits humains. 

“En révélant des scandales écologiques, en enquêtant sur les conséquences de l’exploitation des ressources ou en exposant les impacts sociaux, économiques et politiques des pollutions visibles ou dissimulées, les journalistes rendent accessible une information fiable essentielle et d’intérêt général. Protéger leur travail, c’est protéger l’environnement. C’est aussi lutter contre le dérèglement climatique en permettant aux citoyens d’agir en connaissance de cause. C’est enfin un rempart contre la désinformation climatique, fléau majeur qui fragilise notre capacité à agir et réagir. En cette journée mondiale de l’environnement, RSF, aux côtés d’organisations de défense de la liberté de la presse et de protection de l’environnement en appelle à la responsabilité des États de mettre en œuvre concrètement les conditions pour un droit à l’information fiable sur ces sujets.« 

Anne Bocandé, Directrice éditoriale RSF

Plus de 200 journalistes couvrant des sujets environnementaux ont été victimes de violences ces dix dernières années, selon les données de RSF. Parmi eux, au moins 25 reporters ont été tués en raison de leur travail, dont 16 en Asie et cinq en Amazonie. Plus spécifiquement en Inde, sur les 28 journalistes assassinés depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, près de la moitié enquêtait sur des questions environnementales, notamment les expropriations de terres et les projets miniers industriels. Au Cambodge, le journaliste britannique Gerald Flynn s’est vu interdire l’entrée dans le pays, malgré un visa valide, après avoir révélé un scandale de déforestation, tandis que le reporter spécialisé sur les sujets environnementaux Uk Mao fait l’objet d’un véritable harcèlement judiciaire de la part des autorités. En Afrique, ces derniers mois, plusieurs journalistes ont été agressés au Ghana lors d’un reportage sur une exploitation minière illégale, tandis que le reporter Patrick Adonis Numbi a été tué en janvier 2025 à Lubumbashi (RDC), alors qu’il revenait d’un tournage sur l’accaparement illégal d’une rivière près du lac Kipopo. Enfin, plus de deux tiers des ressources naturelles mondiales sont extraites dans des pays où la liberté de la presse est gravement menacée, entravant la couverture médiatique des enjeux environnementaux et sociaux.

Recommandations supplémentaires de RSF

En plus d’avoir initié cet appel collectif, RSF appelle les États à suivre ses recommandations pour protéger les professionnels des médias couvrant les questions environnementales, ainsi que le droit à une information fiable sur le changement climatique :

1. Reconnaître le droit à l’information fiable comme constitutif de la protection de l’environnement

La protection de l’environnement et la protection de l’information fiable sont les deux enjeux majeurs du XXIe siècle. À ce titre, les États devraient inscrire dans les déclarations internationales la protection du droit à l’information fiable comme constitutive de la protection de l’environnement et des plans d’actions de lutte contre le changement climatique.

2. Mettre en place des plans d’actions nationaux pour la sécurité des journalistes

Les États devraient mettre en place des plans d’actions nationaux incluant notamment des mécanismes de protection adaptés pour réaliser leur triple objectif de prévention, protection et poursuite (par exemple, en s’inspirant de ceux adoptés dans le cadre de la Campagne pour la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe). À ce titre, la sécurité des journalistes environnementaux devrait faire l’objet d’une attention particulière.

3. Coopérer activement avec les procédures spéciales de l’ONU

Afin d’apporter une réponse rapide aux attaques les plus graves, les États devraient coopérer pleinement et activement avec les experts indépendants, les rapporteurs spéciaux et autres mécanismes liés au Conseil des droits de l’homme investis sur les cas de journalistes environnementaux, ainsi qu’avec tout autre mandat directement concerné, comme le Rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement dans le cadre de la convention d’Aarhus.

4. Réformer le cadre légal en faveur du droit à l’information

Afin de réduire les risques qui pèsent sur les journalistes environnementaux, RSF préconise de réformer le cadre légal des États afin qu’il protège  davantage le droit d’informer, en réduisant, pour ce faire, la portée du “secret industriel”, trop souvent utilisé de manière abusive par les groupes industriels pour faire taire la presse sur des sujets environnementaux d’intérêt général. À cette fin, RSF encourage les États membres à plus de transparence sur les données publiques liées à l’environnement

5. Renforcer le soutien économique aux médias et projets journalistiques environnementaux

Face aux coûts très élevés des enquêtes journalistiques environnementales, RSF appelle les États à accroître leurs financements en faveur de projets journalistiques environnementaux et de collectifs de reporters environnementaux, dans le respect de l’indépendance éditoriale de ces derniers.

6. Encadrer l’espace informationnel pour renforcer l’accès à l’information fiable

Face à la désinformation coordonnée et favorisée par les modèles économiques des Big Tech, RSF appelle les Etats à mettre en place des règles démocratiques pour l’espace informationnel se basant sur la déclaration du Partenariat pour l’information et la démocratie. Cela comprend les principes de transparence, redevabilité et neutralité de ces espaces.

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