Le Forum Social mondial (FSM) 2013 s’est tenu, du 26 au 30 mars, dans la capitale tunisienne, berceau du Printemps arabe et d’un nouvel âge de mobilisations sociales, qui a notamment inspiré *Los Indignados* (indignés) espagnols, les *Occupy* étasuniens, ainsi que plusieurs autres mouvements protestataires, et suscité des mobilisations dans différentes régions du monde.
Cinquante mille représentant-e-s de plus de 4500 organisations de 130 pays s’y étaient donné rendez-vous, en soutien à la lutte des Tunisiens démocrates pour leurs droits et contre le risque de confiscation de leur révolution par les forces de la droite islamiste conservative.
Avec un millier d’ateliers et activités autogérées et une organisation générale de grande qualité, cette édition 2013 du Forum Social Mondial a été une totale réussite.
Le FSM s’affirme une fois de plus comme le principal espace de la société civile mondiale. Et comme une plate-forme de recherche d’alternatives au modèle économico-financier, écologique et culturel, qu’imposent les élites locales, les gouvernements du Nord, et les institutions financières internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI ou l’OMC.
La tenue en Tunisie de cette édition du FSM est significative car la « Révolution de jasmin », essentiellement non violente mais insurrectionnelle, jeune et populaire, a généré de grands espoirs pour les Tunisiens et pour les peuples du Maghreb/Machreck.
Ce fut aussi un Forum social de toute la région, avec des délégations importantes du Maroc, d’Algérie, d’Égypte, de Palestine, du Liban notamment. C’était souvent, pour eux, une première occasion de se rencontrer et de créer un véritable réseau social « non virtuel » pour potentialiser leurs luttes respectives. Le FSM a permis la rencontre sans précédent d’un millier d’associations et de mouvements sociaux locaux et de la région, qui ont pu se nourrir des expériences d’autres luttes ailleurs, en Europe et en Amérique latine en particulier.
C’est dire combien les discussions autour de l’annulation de la dette publique et les alternatives macro-économiques aux politiques néolibérales, comme la Banque du Sud et l’ALBA, promues en Amérique Latine, étaient d’actualité en Tunisie. De même que le modèle de l’audit réalisé en Equateur et qui pourrait être valable pour le pays hôte du Forum.
Sans parler des questions soulevées par l’exploitation du gaz de schiste, dont des gisements ont été découverts dans le Sud de la Tunisie (un pays qui n’a pas de pétrole). Ou encore des désastres écologiques dûs à une politique extractive intensive : le bassin minier de Gafsa, au centre du pays, n’apporte que misère aux populations locales alors qu’il représente pour l’Etat une de ses principales sources de devises. Une réalité qu’on retrouve, sous d’autres aspects, dans presque toutes les nations du Sud.
Il fut question également de promouvoir la solidarité entre les peuples, à l’heure où l’Union Européenne et la Suisse, comme le Nord en général, défendent leurs propres entreprises qui délocalisent leur production. Notamment dans des pays « off shore », comme la Tunisie, n’y payant pas d’impôt tout en employant de la main d’œuvre locale bon marché et corvéable à merci. Ces mêmes pays imposent leurs propres modalités à des accords bilatéraux qui pénalisent les intérêts du Sud, au bénéfice des grandes multinationales établies en Europe ou en Amérique du Nord.
Il faut enfin souligner une présence suisse importante. La délégation co-organisée par E-CHANGER et Alliance Sud a rassemblé plus de 60 personnes, dont une dizaine de représentant-e-s du monde politique – au nombre desquels-les Maya Graf, présidente du Conseil National – ainsi que de nombreux-ses syndicalistes d’UNIA, de Syndicom et du SSP ; étaient également du voyage des dizaines de représentant-e-s d’ONG de coopération et des droits humains, ainsi que des journalistes. Au moins une demi-douzaine d’ateliers on été proposés ou co-gérés par des organisations helvétiques.
Sans oublier les autres acteurs sociopolitiques suisses présents à Tunis, notamment la délégation menée par Solidarités, qui a assuré la présence au FSM de militants politiques et syndicaux, avec à leur tête Rémy Pagani, maire de Genève.
Pour conclure, ce sont la solidarité active, exprimée dans les manifestations de masse d’ouverture, le 26 de mars, ou de clôture, le samedi 30, en faveur de la Palestine, l’échange actif entre des représentante-e-s de mouvements sociaux, d’ONG, d’associations et de réseaux internationaux, les partages de savoirs et d’expériences, qui ont nourri le rassemblement de Tunis.
Ce Forum Social Mondial a montré que, loin de toute résignation, les acteurs sociaux, la société civile internationale, continuent à se mobiliser, à chercher des alternatives et à rêver (oui, l’importance de rêver !) à un « autre monde possible ».
Bernard Borel et Sergio Ferrari de retour de Tunis