L’accord de paix enfin signé en Colombie

On le pressentait depuis quelques mois: le gouvernement colombien et les FARC sont parvenus à sceller mercredi à La Havane un accord de paix historique. Après environ quatre ans de pourparlers, cette annonce doit mettre fin à la plus ancienne insurrection d’Amérique latine, à condition que les citoyens colombiens approuvent l’accord lors d’un référendum. Le passage des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) dans la vie civile ne mettrait toutefois pas fin au conflit qui ensanglante le pays depuis l’assassinat du leader de la gauche Jorge Eliecer Gaitán, le 9 avril 1948, puisque l’Armée de libération nationale (ELN) et des groupes d’extrême droite demeurent en armes.

«Nous sommes parvenus à un accord final, intégral et définitif sur la totalité des points à l’agenda» des pourparlers menés officiellement depuis novembre 2012 à Cuba, indique un texte signé par les deux parties et lu par le diplomate cubain Rodolfo Benitez, dont le pays a accompagné depuis 2012 les négociations. L’accord a ensuite été signé par les négociateurs en chef du gouvernement et des rebelles.

«On peut maintenant proclamer que le combat des armes a pris fin et que celui des idées commence.» Cet accord est un «point de départ, pas une fin», a réagi le chef négociateur des FARC, Ivan Marquez, évoquant la future transformation de la guérilla en mouvement politique.

Référendum délicat

À Bogota, le président colombien, Juan Manuel Santos, s’est félicité avec «une profonde émotion, une grande joie» de la conclusion de l’accord de paix. Il a salué la fin de «la tragédie de la guerre». Il a immédiatement reçu un appel de son homologue étasunien, Barack Obama, qui l’a félicité.

Avant de pouvoir déclarer la fin du conflit avec les FARC, son gouvernement devra toutefois soumettre le texte au peuple colombien. Le référendum est prévu le 2 octobre prochain, a annoncé M. Santos. Les derniers sondages indiquent que la population penche en faveur du «oui», mais une forte opposition se fait entendre, dans le sillage de l’ex-président (2002-2010) Álvaro Uribe. À l’annonce de l’accord, un peu partout dans le pays, de nombreux Colombiens sont sortis dans les rues jusque tard dans la nuit, brandissant le drapeau national bleu, rouge et jaune, ou des ballons ornés du simple mot «Oui» pour manifester leur soutien à la paix. «Difficile de croire que l’on peut vivre assez pour voir de telles choses, historiques pour le pays», s’est émue Marcela Cardenas, une employée de 24 ans. Elle n’a connu son pays qu’en guerre et ne cache pas ses doutes quant à la «transformation» à venir, craignant «quelque chose de plus difficile que ce que nous avons déjà vécu».

Désarmement

Cette nouvelle étape était attendue depuis le 23 juin dernier, lorsque la guérilla communiste et le gouvernement, en lutte depuis 1964 (lire ci-dessous), ont conclu un accord sur les modalités d’un cessez-le-feu bilatéral et définitif et sur le désarmement des FARC. Au cours des mois ayant précédé cet accord, les affrontements avaient été contenus à un niveau jamais atteint depuis des décennies, notamment à la faveur d’un cessez-le-feu unilatéral observé par les insurgés depuis juillet 2015. Depuis lors, les discussions se sont concentrées sur les modalités de la participation des rebelles à la politique, la réintégration des combattants dans la vie civile et les modalités de supervision des accords par la communauté internationale.

Justice transitionnelle

Une fois l’accord de paix final validé, la rébellion doit commencer à réunir ses troupes pour les désarmer. Le cessez-le-feu devra être contrôlé par un mécanisme tripartite comprenant le gouvernement, les FARC et une mission de l’ONU.

Selon le protocole établi, le désarmement des rebelles devra être bouclé en cent quatre-vingts jours. La guérilla entamera alors sa mue pour se transformer en mouvement politique.

Les deux parties se sont déjà mises d’accord sur la façon de juger les militaires et rebelles accusés des crimes les plus graves pendant un conflit qui a officiellement fait quelque 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Une amnistie est prévue pour ceux ayant commis des actes moins graves, comme la rébellion ou le port illégal d’armes. Les auteurs des crimes les plus graves seront soumis à une «justice transitionnelle» visant davantage à faire éclore la vérité de ce qui s’est passé qu’à des sanctions administratives sévères.

La paix avec les FARC ne garantira pas forcément la fin des violences en Colombie. Les discussions séparées entre les rebelles de l’autre groupe de guérilla marxiste, l’Armée de libération nationale (ELN), et le gouvernement colombien ont tendance à s’enliser. De nombreuses bandes criminelles, dont des gangs issus des groupes paramilitaires d’extrême droite, continuent par ailleurs de sévir.

Benito Perez, Le Courrier

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