Alors qu’environ 13% de la population suisse est prise en charge en raison d’un handicap psychique, physique ou mental, la situation est nettement plus complexe dans les pays du Sud. En Bolivie, le handicap est un tabou.
Entre la malédiction et la punition
« Ici, le handicap est considéré comme une malédiction ou une punition », explique le coopér-acteur Brunot Kaboré, qui travaille pour l’association Handicap Solidaire Burkina (HSB).
Les personnes handicapées, mentales ou physiques, font face aussi à d’autres barrières : nombreux sont en effet les lieux publics, de loisirs, et les services publics dépourvus de rampes d’accès. Accéder au monde du travail est également impossible : « Personne ne pense qu’une personne handicapée peut travailler, précise Brunot Kaboré. Quand en on voit une travailler, on s’émerveille comme lorsqu’un enfant fait ses premiers pas ».
La situation précaire des personnes handicapées s’aggrave encore dans les milieux ruraux et pour les femmes. « Les femmes handicapées ont souvent des comportements à risques, note Brunot Kaboré. Le taux de prévalence du SIDA est, chez elles, supérieur à la moyenne nationale ». Le monde du handicap au Burkina Faso se trouve à un moment charnière: une nouvelle législation en faveur des personnes handicapées est en train de se mettre en place. L’association de Brunot Kaboré souhaite appuyer l’application de la nouvelle loi, notamment dans le domaine du droit au travail.
Au Nicaragua, le Ministère de l’éducation souhaite dorénavant l’intégration complète des enfants et des jeunes handicapés dans l’école publique. Dans la réalité cependant, les enfants victimes d’un handicap ne reçoivent ni le soutien, ni l’attention nécessaire. Ils risquent donc de quitter l’école avec peu de connaissances et de réelles compétences.
En Bolivie, malgré une nouvelle constitution exigeant l’insertion des personnes handicapées et reconnaissant leur droit à l’éducation et à la santé gratuites, elles restent particulièrement marginalisées. « En théorie, tout est parfait, jugent Sandrine et Jérémy Maes. Mais la loi n’est pas respectée en pratique. On est franchement loin du compte en matière de connaissances, de prévention, de formation professionnelle dans ce domaine, d’intérêt et de moyens financiers ». Fait révélateur de l’écart entre la constitution et la réalité, il n’existait, avant 2010, pas de personnel formé en éducation spécialisée. « Les enseignants travaillent donc un peu au « feeling » et certains sont très bien dans ce rôle, notent Sandrine et Jérémy Maes».
Sensibilisation à tous les niveaux
Face à cet état des lieux n’incitant pas vraiment à l’optimisme, quelles pistes suivre pour améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées ? Les coopér-acteurs de E-CHANGER en Bolivie, au Nicaragua et au Burkina Faso souhaitent notamment améliorer la sensibilisation.
Au Nicaragua, Anne Streit Schädelin s’appuie sur le théâtre. Elle attire l’attention des écoliers et du public sur la problématique de l’intégration des personnes avec un handicap. « Après la représentation, les écolières et les écoliers doivent jouer les mêmes rôles que nous », explique la coopér-actrice, qui cherche également à améliorer les compétences du personnel travaillant avec des personnes handicapées.
Économiste de formation, Brunot Kaboré souhaite réduire, en trois ans, la dépendance financière de HSB vis-à-vis des ONG internationales et des agences de coopération. « C’est difficile mais pas impossible, reconnaît-il. Le mécénat est très peu connu et il n’existe aucune incitation du gouvernement pour favoriser le financement des associations par les entreprises ». Une solide assise financière permettra à l’association de poursuivre un lobbying percutant tout en maintenant son catalogue de prestations.
Enfin, Sandrine et Jérémy Maes, outre leur travail auprès des éducateurs, réalisent une émission de télévision bilingue (quechua/espagnol) d’une demi-heure sur une chaîne locale. Depuis janvier, à raison d’une émission par mois, les thèmes de la prévention et des formes de handicap sont ainsi abordés.
Les Etats du Sud font néanmoins des pas de géants pour assurer une place aux personnes en difficulté. Des lois, inexistantes encore il y a 10 ans, sont apparues. Mais de nombreux efforts restent encore à faire dans ces sociétés fragiles. Les projets des volontaires de E-CHANGER se termineront ces prochaines années, avec l’espoir d’avoir amélioré durablement, grâce au travail admirable des partenaires locaux, la vie quotidienne des personnes handicapées.
Yoan Veya, service de presse E-CHANGER
_______________________________________
Les trois projets de E-CHANGER dans le secteur
Sandrine et Jeremy Maes travaillent depuis décembre 2008 à Cochabamba en Bolivie pour le Centre de réhabilitation CREVA. Les deux Valaisans ont pour mandat d’améliorer l’intégration des enfants et jeunes handicapés au sein de la société bolivienne et de renforcer la méthodologie de travail des éducateurs. Sandrine et Jeremy Maes conseillent également les familles des handicapés afin qu’elles puissent davantage veiller au bien-être de l’invalide. Les deux coopér-acteurs suisses se sont également penchés sur la mise en réseau des différentes organisations boliviennes travaillant avec les personnes souffrant d’un handicap.
Brunot Kaboré vise l’autonomisation financière de l’association locale Handicap Solidaire Burkina, dirigée par des handicapés physiques. Le défi est de mettre sur pied une entreprise locale, à caractère commercial, qui générera des revenus. Créé en 2002, HSB est une organisation de référence sur le terrain. Elle propose notamment un service social conduit par des avocats handicapés, des cours d’alphabétisation, des entraînements sportifs et une importante action de plaidoyer pour les nouvelles lois d’insertion et d’égalité des personnes handicapés. Lors de récentes négociations avec le gouvernement, HSB a joué un rôle moteur au sein de la structure faîtière de la Fédération burkinabé pour la promotion des personnes handicapées.
Annette Streit Schädelin travaille depuis octobre 2009 au Nicaragua, dans le département de Carazo. La volontaire bernoise s’occupe de l’intégration des enfants et des jeunes handicapés. Ancienne enseignante d’école secondaire, elle met sur pied des ateliers de théâtre avec les jeunes afin de sensibiliser le public et les écoliers. Elle assure également, à l’attention des enseignants, une formation continue dont l’intégration des jeunes handicapés dans l’école régulière est un des thèmes principaux.
E-CHANGER appuie les personnes avec un handicap
Burkina Faso : insertion et travail, Brunot Kabore
Nicaragua : éducation scolaire, Sandrine et Jérémy Maes
Bolivie : enfants handicapés des villages isolés, Annette Streit Schädelin
Plus sous www.e-changer.ch
En Suisse aussi:
Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées
Cet organe de la Confédération a pour but de favoriser l’égalité entre les personnes handicapées et non handicapées www.edi.admin.ch/ebgb/
INSOS
La faîtière suisse des institutions pour personnes handicapées regroupe les entreprises sociales, les lieux de vie et les centres de formation.
Services de mailings, informatique, conditionnement dans toute la Suisse. Contact: www.insos.ch