Le lien entre l’aide d’urgence et coopération au développement à travers la localisation

Plus de 20 ans qu’on en parle, le lien entre aide d’urgence et coopération au développement en adoptant une approche par les droits humains s’est concrétisé pour beaucoup lors de la pandémie de la COVID 19 et grâce à des bailleurs de plus en plus enclin à décloisonner leur financement tout en évitant le risque de voir l’urgence engloutir les fonds destinés initialement au développement. Il s’agit ici sans aucun doute de savoir répartir les fonds selon les nécessités et la pertinence d’un vrai impact positif sur le long terme. Le caucus du Grand Bargain sur la qualité des financements octroyés a bien entendu retenu la nécessité d’opérer avec des projets ou programmes combinant les deux aspects sur plusieurs années avec une simplification de la redevabilité tout en préservant la transparence requise.

Toujours est-il que le nexus, pour s’opérationnaliser, a besoin des acteurs locaux, de la société civile. Aussi la localisation de l’aide constitue et reste un sujet clé dans le cadre du Grand Bargain mené par les agences multilatérales de concert avec les agences nationales de coopérations et les plus grosses ONG.

Sans localisation de l’aide, il n’y a pas de développement et donc pas de nexus. Toutefois les acteurs locaux n’ont pas les mêmes capacités d’absorption des fonds et de mise en œuvre, tout comme ils n’ont pas forcément les mêmes capacités de reporting ou la même culture de travail que les ONGs internationales. Une vérité ce d’autant plus flagrante lorsqu’on se rapproche des organisations de base, organisations proposant un travail organique avec les populations les plus vulnérables. Ce sont elles qui sont issus et donc qui ont accès aux plus démunis et ce sont elles pourtant qui peinent le plus à obtenir des fonds. Un paradoxe de l’aide qui peine parfois à atterrir sur le terrain et à avoir les impacts escomptés. Du côté des bailleurs, financer directement la société civile locale signifie une prise de risques parfois inacceptables.

Aussi le rôle des intermédiaires constitue encore un enjeu de taille, notamment pour toutes les ONGs habituées à travailler en partenariat avec la société civile locale. A bien y réfléchir pourtant, dans une perspective de financement direct de la société civile locale, les ONGs intermédiaires seraient amenées à termes à disparaître. Or sans elles, le nexus aujourd’hui, n’existe que peu. Ce sont elles qui intermédient les fonds à travers des propositions venant du terrain et des appels à projet, ce sont elles qui appuient les capacités locales afin d’atteindre les critères de qualité requis, ce sont encore elles qui peuvent justifier d’une capacité d’absorption suffisante pour rentrer dans la constellation des acteurs pertinents pour des fonds se comptant en millions de dollars. Or, les petites ou moyennes ONG de coopération au développement sont encore peu ou pas sollicitées. Elles peinent à rentrer dans les espaces d’échanges et d’information sur les possibilités de financements ou encore à être éligibles pour les plus gros fonds. Les bailleurs n’appliquent pas de stratégies privilégiant ce type d’acteurs comme des agents pouvant garantir le retour au développement grâce à leur portfolio de partenaires tout en se constituant comme des agents d’appui de la société civile. Aussi, un équilibre est à trouver afin de garantir l’accès des fonds auprès des locaux, acteurs sans aucun conteste des impacts les plus durables.

Le Grand Bargain se doit de continuer à trouver des solutions sur le financement des organisations locales tout en considérant aussi le rôle non négligeable des ONGs internationales travaillant de concert avec la société civile locale. La révolution de la localisation de l’aide est en cours et elle bousculera les habitudes de travail des agences bilatérales et multilatérales, tout comme les petites et moyennes ONG. Certaines à défaut de se réinventer disparaîtront.

Retrouvez l’agenda for humanity définit à l’origine du Grand Bargain avec ses 5 responsabilités et 24 transformations : https://agendaforhumanity.org/

Olivier Grobet

Connectez-vous pour laisser un commentaire