Le « programme d’accès » au tenofovir de Gilead : fausses promesses pour les pays en développement ?

Denver, COLORADO/GENÈVE – Alors que les experts SIDA sont rassemblés cette semaine à Denver lors de la 13ème Conférence sur les Antirétroviraux et les Infections Opportunistes (CRIO) pour discuter des progrès en matière de traitement, Médecins Sans Frontières s’insurge contre le fait que les innovations apportées ces dernières années ne profitent pas encore aux patients vivant dans les pays en développement. Plus de trois ans après l’annonce, par Gilead Sciences, de son " Programme d’Accès " pour le tenofovir, ce médicament antirétroviral clé reste largement indisponible dans les pays en développement.

Vendu sous le nom de Viread® (tenofovir disoproxil fumarate) aux Etats-Unis, le tenofovir représente aujourd’hui un médicament de choix dans le traitement des patients SIDA qui commencent leur thérapie comme pour ceux qui on besoin d’un nouveau médicament en cours de traitement, notamment parce qu’il a moins d’effets secondaires que d’autres antirétroviraux.

Gilead étant l’unique producteur du tenofovir (aucune version générique n’a été validée au niveau international), MSF ainsi que d’autres organisations dépendent de la bonne volonté de l’entreprise quant à la mise à disposition à large échelle de ce médicament absolument nécessaire. En décembre 2002, Gilead a annoncé que le tenofovir serait disponible à un prix réduit dans 68 puis 97 pays en développement, grâce à son Programme d’Accès au Viread. Mais au cours des trois dernières années, le tenofovir n’a été enregistré pour utilisation que dans 6 pays. L’entreprise n’a pas demandé les autorisations de commercialisation ni entrepris d’autres démarches pour rendre ce médicament accessible aux pays en voie de développement.

"Gilead est fier de démontrer l’efficacité du tenofovir dans le traitement du SIDA aux médecins et autres protagonistes, mais à part diffuser des communiqués de presse et de fausses promesses, l’entreprise n’a pas fait grand chose pour garantir la mise à disposition de ce médicament à ceux qui en ont le plus besoin dans les pays en voie de développement", a affirmé Dr. Alexandra Calmy, spécialiste SIDA auprès de la Campagne pour l’Accès aux Médicaments Essentiels de MSF, alors qu’elle participait à la CRIO à Denver cette semaine.

En Afrique du Sud, Gilead n’a terminé la procédure d’enregistrement qu’en novembre 2005, trois ans après l’annonce d’une réduction du prix pour certains pays en développement. Prenant en considération le délai habituel entre la soumission et l’approbation d’un dossier d’enregistrement pour un nouveau médicament en Afrique du Sud, cela signifie que le traitement a peu de chance d’être disponible pour les patients avant 2007. Cela représente un délai de 7 ans entre l’annonce de Gilead et la mise à disposition effective.

Pour fournir le médicament à leurs patients en Afrique du Sud, les médecins SIDA de MSF ont obtenu une autorisation spéciale dans le cadre de la législation sud-africaine. Néanmoins, pour importer le tenofovir directement de Gilead en Californie, ils sont obligés d’entreprendre toute une série de démarches compliquées, comme par exemple fournir des listes détaillées contenant les noms de chaque patient ayant besoin du traitement.

MSF exige que Gilead concrétise ses promesses, et transforme les voeux exprimés sur papier en véritables médicaments pour les patients.

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