Les Droits de l’Homme contre la logique individualiste du capitalisme

Lorsque la société civile désapprouve la logique mercantile du monde dans lequel elle évolue, une communication et une nouvelle volonté politique émergent d’horizontalités ouvertes à tous. Une forme de globalisation alternative s’instaure comme un moyen de lutter contre le caractère individualiste du capitalisme. La notion de bien commun revient alors au goût du jour à l’instar du Fond de solidarité Numérique et du Forum Alternatif  Mondial de l’Eau.
 
Alors que les disparités sociales s’agrandissent à l’image d’un modèle économique néo-libéral enclin à favoriser les plus nantis, quelques initiatives intéressantes ont malgré tout abouti en ce début d’année 2005. Le 14 mars, à Genève, le Fond de Solidarité Numérique se concrétisait  sous l’inspiration de dirigeants politiques, notamment grâce au  Président sénégalais Abdoulaye Wade, initiateur de ce fond destiné à démocratiser l’accès aux ICTs. L’information comme bien public ne semble plus être une utopie. Reste à combler concrètement des inégalités flagrantes d’accès aux ressources matérielles permettant de se connecter au monde de l’information. Voilà de quoi réjouir les protagonistes du Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI)- événement prévu cet automne à Tunis.
 
Toujours à Genève, le 19 mars,  le Forum Alternatif Mondial de l’Eau (FAME) s’est clôturé par une déclaration promouvant l’eau comme un bien public et comme un droit fondamental de l’Homme. Alarmé par les perspectives de privatisation de cette denrée vitale par plusieurs multinationales, un mouvement alternatif s’est donc consolidé lors du 2e FAME 2005. Il n’est pas question de laisser l’eau en mains privées. Au contraire, plusieurs mesures ont été discutées lors d’ateliers publics dans l’optique de garantir l’accès à l’eau pour tous. Ainsi chaque individu devrait pouvoir bénéficier gratuitement des 50 premiers litres d’eau nécessaire à la vie de tous les jours- objectif fixé pour 2020.
 
Qui dit biens publics, dit aussi financement de ce bien par la collectivité. Des mesures de taxations se sont donc imposées comme une évidence nécessaire à l’accomplissement de mesures pour le bien de tous. En ce qui concerne le fond de solidarité numérique, 1% du marché des ICTs devrait être reversé au fond : « le « principe de Genève » selon lequel les pouvoirs publics, voire des entreprises privées, s’engagent à inclure dans tout appel d’offres relatif à l’achat de matériels et de services informatiques une clause de solidarité numérique prévoyant que l’entreprise qui obtient le marché doit verser au Fonds de Solidarité Numérique un pour cent (1%) du montant de la transaction, prélevé sur sa marge bénéficiaire ». Quant à l’Agence Internationale pour la Solidarité Numérique, elle  prendra apparemment ses quartiers en 2006 à Lyon. De son côté, le FAME s’atèle à créer un fond de coopération mondial concernant les nombreuses problématiques de l’eau.
 
Le rapprochement entre les genres, les continents, les peuples et les classes sociales semblent donc avoir un prix. Assurer l’accès au savoir comme étant garant d’un monde plus égalitaire, l’inclure comme une droit humain au même titre que l’accès à l’eau ne fait que répondre à une volonté : résister à une logique mondiale dénuée d’humanité. Il s’agit aujourd’hui de placer l’Humain au centre des débats et de resituer l’argent comme un moyen.
 
Toutes ses mesures impliquent une concrétisation d’une volonté commune. A-t-on vraiment les moyens d’assurer l’application de ces décisions ? Le FAME 2005 a constitué à Genève un comité international afin de coordonner la lutte et d’en garantir le suivi. Lors du forum, certains groupes étaient tentés de créer un tribunal international susceptible de juger les entreprises s’accaparant l’eau, bien vital à l’humain, au détriment de populations locales démunies. L’image de David et Goliath apparaît alors comme un euphémisme dans cette lutte inégale. On se cherche un pragmatisme. Constituer un tribunal aurait pu devenir à terme un aveu d’impuissance car, sans sanction applicable, la crédibilité d’une telle institution aurait été en mise cause.
 
Les raisons du cœur et de principes auront-elles le dessus sur la rationalité de moyens et de finalités économiques? Le fait de décréter l’eau, le savoir et l’information comme des biens publics suffira-t-il à consolider les droits de l’Homme, à nous rapprocher et à rendre notre monde plus égalitaire ? Alors que le contexte mondial se prête aux changements, de nombreuses problématiques resurgissent.
 
Dans le fond, soustraire les biens fondamentaux  de l’Homme (eau, connaissance, nourriture …) de la logique du système financier d’aujourd’hui constitue un désaveu de la logique économique du monde capitaliste. Une partie de la société civile ne fait plus confiance et se détache inexorablement de cette praxis. A moyen terme, intégrer tous les besoins fondamentaux comme étant des droits humains représente une alternative envisageable. Dans un monde à plusieurs paliers, il serait alors  aisé de se représenter à long terme notre planète avec quelques richissimes d’un côté et, de l’autre, une majorité régie, voire soutenue par les Droits de l’Homme. Et vous, avez-vous le droit de vivre ?
 
Olivier Grobet
 

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