L’Europe sans réponse devant la pauvreté

«La raison est que les bénéfices n’ont pas été distribués de manière équitable. C’est une défaite pour les droits sociaux», souligne le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté.

Le juriste belge – professeur de droit international dans plusieurs universités – a présenté vendredi 29 janvier aux autorités européennes un rapport préliminaire sur sa mission, qui l’a notamment mené en Espagne, en France, en l’Italie et en Roumanie. Sa version finale sera exposée et débattue en juin au Conseil des droits de l’homme.

Quelques-unes des conclusions présentées par l’expert sont éloquentes. Dans l’UE, plus de 92 millions de personnes, soit 21,1% de la population, étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2019. Quelque 19,4 millions d’enfants – 23,1% – vivent dans la pauvreté et 20,4 millions de personnes en emploi sont confrontées au risque de pauvreté. Parmi la population appauvrie, les femmes occupent une place significative: 85% des familles monoparentales du continent sont dirigées par des femmes et 40,3% d’entre elles risquent d’être victimes de ce fléau socio-économique.

Débâcle de l’Etat social

Constat établi, Olivier De Schutter s’attaque aux causes et souligne l’incapacité de l’UE à freiner le dumping interne. «Les Etats membres se livrent à une concurrence dommageable, déplore-t-il. Ils réduisent les impôts, les salaires et les mesures de protection des travailleurs en espérant attirer les investisseurs et améliorer leur compétitivité externe.» Chaque année, ils subissent une perte de 160 à 190 milliards d’euros en raison de la seule évasion fiscale. Il en résulte un déplacement de la charge des grandes entreprises et des personnes riches vers la population.

Cette débâcle de l’Etat social, selon Olivier De Schutter, s’est intensifiée avec la crise financière antérieure. Depuis 2009, les Etats membres n’ont cessé de couper leurs investissements dans la santé, l’éducation et la protection sociale, constate-t-il.

Et l’avenir ne s’annonce pas plus radieux. Ainsi, le projet de nouvelle stratégie de croissance pour l’UE («Pacte vert»), présenté par la nouvelle Commission européenne en décembre 2019, oublie la lutte contre la pauvreté. «C’est sa pièce manquante», regrette-t-il amèrement.

Sergio Ferrari, Le Courrier, 9 février 2021

Traduction: Hans-Peter Renk

https://news.un.org/fr/story/2021/01/1088032
https://lecourrier.ch/2021/02/09/leurope-sans-reponse-devant-la-pauvrete/

Laisser un commentaire