Lien entre l’aide d’urgence et la coopération au développement ancré dans le durable

En 2016, le premier sommet mondial de l’humanitaire à Istanbul avait vu de nombreuses commissions travailler sur des approches innovantes en ce qui concerne la solidarité internationale. L’un des principaux enjeux : une aide plus efficace débattue dans le « grand bargain » : harmonisation des propositions des bailleurs de fonds et des exigences en matière de reporting, augmentation de l’efficience en réduisant les frais généraux et en promouvant des évaluations collectives.

Au-delà de ces aspects, l’ancrage local a été l’un des points majeurs. De nombreux débats ont permis de s’accorder sur le fait que les ONG locales devaient être plus impliquées dans les interventions d’urgence. Quelques 20% du financement international ont été promis par de nombreux bailleurs de fonds. L’éducation et la prise en compte des personnes handicapées font aussi leur entrée en force comme thématiques prioritaires dans le cadre humanitaire. Enfin la Gestion des Risques de Désastres confirme sa pertinence comme moyen d’augmenter la résilience des populations, d’éviter des catastrophes ou tout du moins d’en amoindrir les impacts négatifs. Avec un ratio de 1 pour 10, l’argent investi permet d’être bien plus efficient et donc d’économiser en cas de réponses à des catastrophes. Il s’agit donc de renforcer l’analyse des risques, la prévention, la transmission des savoirs qui sauvent, les plans de contingence et de combiner cette approche à des interventions pertinentes et coordonnées entre autres avec des acteurs nationaux.

Enfin, les organisations locales ont été à l’honneur dans les discussions. Sur place, adaptée à leur contexte, elles ont jusqu’à présent trop souvent été délaissées. Toutefois quelques efforts ont été déployés à l’instar de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et la Ligue arabe. Le Sommet d’Istanbul a aussi abouti au Regional Organisations Humanitarian Action Network (ROHAN), une tentative de mise en réseau qui a pour objectif de formaliser le rôle des organisations régionales dans l’architecture de l’urgence.

Si le cloisonnement décrié entre intervention d’urgence et coopération au développement a fait l’objet de nouveaux accords de travail, sur le principe du « New Way of Working », dans la réalité, il semble toujours que bien des acteurs de l’humanitaire semblent encore tâtonner sur la bonne manière de converger. Les Objectifs du Développement Durable opèrent toutefois comme des catalyseurs entre les deux pôles de la solidarité internationale. En effet, un grand défi réside dans la capacité de faire collaborer des acteurs aux approches différentes et somme toute complémentaires. Les urgentistes se distancient volontairement d’interventions qui puissent être récupérées d’un point de vue socio-politique, préférant pallier à l’urgence tout en prônant le principe de neutralité, tandis que les acteurs du développement s’attachent à la durabilité des changements positifs auxquels ils contribuent, tout en revendiquant une approche beaucoup en lien avec les acteurs locaux à la base d’initiatives de la société civile. Au vu de ces deux tendances, une nouvelle méthodologie permettant la convergence entre ces différents acteurs se doit donc d’envisager un continuum entre l’urgence et le développement sans perdre de vue encore l’implication des populations locales afin d’augmenter leur influence sur les interventions qui les concernent.

S’il sera difficile de changer le mode de fonctionner des Nations Unies ou des ONGs en peu de temps, certains pays ont déjà entamé des amorces de convergences à l’image de la Suisse pour la Colombie ou encore Haïti. En effet, les programmes de la confédération helvétiques intègrent la notion de continuum dans le temps et de ce fait implique tous les pôles de la solidarité internationale de l’urgence à la situation de crise. Toutefois, les flux migratoires, le passage de l’ouragan Matthew en Haïti fin 2016 et la famine sur l’Afrique de l’Est début 2017 rappellent que cette approche intégrée n’est pas encore appliquée à bon escient et consiste encore et toujours un défi la faute à un manque de coordination entre acteurs et de bonne volonté des puristes de tout bord. Le décloisonnement entre urgence et développement dans le cadre des objectifs du développement durable n’a jamais été aussi évident et nécessaire.

Olivier Grobet

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