Urbanistes sans frontières par Michel Jaques, suivi de Une méthode d’urbanisme intégrée et durable par Nicole Surchat Vial
Les récentes catastrophes qui se sont manifestées à la surface de notre planète, comme le Tsunami dans le Sud-Est asiatique ou l’ouragan Katrina aux Etats-Unis, nous ont mis en face d’évidences que nous n’aurions jamais soupçonnées il y a seulement vingt ans:
Certaines zones judicieusement localisées sur notre planète comportent des risques sismiques qu’on a un peu oubliés. Ils ne sont pas si éloignés puisque le Valais et la région baloise peuvent en ressentir les effets.La corrélation avérée entre notre mode de vie et la dégradation climatique.
Les effets des séismes et des modifications climatiques sont souvent inattendues et de plus en plus turbulentes. Par exemple, le réchauffement atmosphérique ne produit pas que des étés plus chauds mais toute sorte d’effets secondaires et inverses que les scientifiques n’ont pas fini d’identifier.
Les dégâts causés sont d’autant plus conséquents qu’ils s’attaquent à des infrastructures sophistiquées.
Le passage de la catastrophe met parfois les élus et les citoyens en face de leur incurie.
Comme dans toute situation à risque, les traits de caractères des humains montrent leur vrai visage.
Dès lors, on ne s’étonnera pas que de nouvelles orientations se fassent jour dans l’humanitaire et que la déjà longue liste des organismes non gouvernementaux soit complétée par une institution ayant pour but de subvenir aux besoins des populations sinistrées. Beaucoup de tâches sont attendues: habitat transitoire, reconstruction sur place ou ailleurs, par exemple, avec toutes les conséquences qui peuvent s’en suivre au plan des infrastructures. Le besoin est d’autant plus important que l’on se trouve dans une situation d’extrême urgence. C’est ainsi qu’est en train d’être mis en place « Urbanistes sans frontière » (USF) sur le modèle de « Médecins sans frontière » ou de « Reporters sans frontière ».
L’outil premier d’USF est, comme pour le médecin sans frontière, une trousse urbanitaire qui contient l’ensemble des outils de l’urbaniste, ses méthodes, ses plans et ses scénarios. En plus de cet assortiment standard des métiers de l’aménagement de territoire et de l’urbanisme, la trousse contient des outils propres à accomplir des actions étrangères à nos latitudes et prenant en compte les usages et les coutumes d’autres communautés.
Les schémas et les objectifs tirés de la documentation d’USF nous permettent d’entrevoir la manière d’aborder les questions urbanise dans des milieux particulièrement soumis à l’urgence.
Michel Jaques
UNE METHODE D’URBANISME INTEGREE ET DURABLE
L’association « urbanistes sans frontières » créée à Genève début 2005 est active dans les domaines de la recherche (1), de la formation (2) et de l’action sur le terrain (3). Elle entend constituer un corpus de savoirs et des échanges sur les thèmes de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire notamment dans sur les questions qui concernent les pays du Sud et plus particulièrement sur la reconstruction urbaine.
Comme événement d’annonce et de lancement de notre activité nous avons organisé à l’occasion de la journée mondiale 2005 de l’habitat de l’ONU, un séminaire atelier ayant pour thème « la trousse urbanitaire ». L’objectif était de débattre de la pertinence et du réel besoin de l’urbanisme dans des situations à caractère humanitaire, dont celles de l’urgence post catastrophe.
Que peut apporter l’urbanisme aux situations d’urgence? Immédiatement après une catastrophe, après avoir organisé, la survie des populations, comment envisager la phase successive de reconstruction urbaine et territoriale sans hypothéquer l’avenir par des décisions prises dans l’urgence ? Les catastrophes augmentent et génèrent des situations de reconstructions de plus en plus complexes. Il convient de les gérer avec des méthodes mieux adaptées. Les catastrophes peuvent donner l’occasion d’œuvrer en faveur du développement durable. Il s’agit d’intégrer les efforts de réhabilitation aux stratégies de développement à long terme.
Pour ce faire, nous avons proposé une méthode d’intervention, sorte de check list, outil d’intégration des différentes problématiques en présence mais aussi des différents acteurs concernés. Nous avons débattu de cette méthode avec les professionnels impliqués sur le terrain, dans l’objectif de la faire évoluer jusqu’à ce qu’elle puisse devenir un instrument opérationnel permettant l’intégration de l’urbanisme dans les situations humanitaires : l’urbanitaire.
La méthode repose sur la définition progressive d’un projet des établissements humains à construire, à aménager et reconstruire, formalisé, in fine, dans un master plan et dans un rapport fixant les objectifs d’intérêts publics ainsi que les règles de gouvernance s’y rapportant.
Le projet spatial et fonctionnel, comporte l’articulation de l’urbanisation, des transports, de l’environnement et du paysage. Il est élaboré sur la base de la connaissance du territoire : il s’agit d’identifier les potentialités et les contraintes du territoire. On collecte les données de base, la lecture s’en fait par strates, environnement et paysage, urbanisation, accessibilité et transports. On identifie les potentiels actuels et futurs, évalués sur la base des statistiques démographiques si elles existent, et également par enquêtes pour les domaines de l’habitat, des emplois et des équipements.
Parallèlement les attentes de la population sont intégrées au processus au travers de participations déclinées en phase d’information, de concertation, de co-production. Les objectifs d’intérêts publics et des décisions du ressort des autorités ainsi que les règles de gouvernance s’y rapportant constituent le 3ème pilier de la démarche.
Le projet se concrétise progressivement sous forme de plusieurs scénarios faisant varier les données de l’urbanisation, de l’environnement et des transports. L’évaluation des scénarios se fait au travers d’une méthode de pondération et d’évaluation sur la base des objectifs fixés et de leur concrétisation au travers d’indicateurs. (l’étoile de durabilité), mesure de l’empreinte écologique du projet.
Le débat reste ouvert sur ce que peut apporter l’urbanisme lorsqu’elle se centre sur ce qu’il y d’essentiel dans des situations ou l’intégration peut faire figure de maître mot.
Nicole Surchat Vial
Dr. en urbansime
nicole.surchat@urbansf.org