Nicaragua après les élections du 6 novembre 2011

 Féru de statistiques électorales, je suis heureux, je peux en toute tranquillité enregistrer  les résultats les plus détaillés et procéder à des comparaisons avec les élections passées et ventiler la victoire sandiniste, selon les meilleurs pourcentages de gain sandiniste, par département, par municipios et par centres de votation.
 
Dans un pays comme le Nicaragua, ce n’est pas une mince affaire que d’avoir, à peine quatre jours après la votation, quasi le 100% des résultats accessibles à tous par Internet. Cela signifie une capacité institutionnelle non négligeable et surtout un effort immense des fonctionnaires électoraux et des fiscales des partis  qui jours et nuits sont sur la brèche pour amener les bulletins électoraux des zones les plus reculées du pays, parfois à cheval ou sous la protection de l’armée ; pour compter  et valider  les suffrages  au  niveau municipal, puis au niveau départemental, puis au niveau national.
 
Je raconte tout cela pour attester que la situation est calme à Matagalpa, et en général au Nicaragua.
Le peuple qui a voté à 62% pour Daniel Ortega et le FSLN qui aura facilement la majorité au parlement,  s’est accordé lundi un jour pour fêter la victoire, dans  l’allégresse ;  les caravanes de vélos, motos, voitures, camions bariolés ont parcouru pendant des heures tous les quartiers des villes aux sons des chansons  del Frente créées pour la campagne électorale par le meilleur groupe de jeunes nicas. Bien sûr la joie était immense, mais largement escomptée pour deux raisons. D’abord les sondages. Tous les sondages, depuis des mois, même ceux commandés par les partis d’opposition ou les grands quotidiens, donnaient le FSLN gagnant au-delà de 50 %.  Ensuite l’adversaire n’était pas à la hauteur, comme dit mon ami Orlando on a gagné le match de foot par 6 à 0 mais on a joué contre une mauvaise équipe.
 
 Déjà  le mardi tout le monde a repris  le travail avec sérieux, les étudiants ont regagné leurs écoles ou universités pour les derniers jours de cours, l’année scolaire se terminant début décembre et les examens de fin d’année approchent ;  à Matagalpa  la saison de la récolte  du café vient de commencer et les habitants des quartiers pauvres,  sans travail régulier, partent rejoindre les haciendas de café pour engranger leurs revenus de l’année.
 
Tout cela tranche d’avec  l’image de scandale électoral que cherche à tout prix à imposer les partis d’opposition mauvais perdants, spécialement le PLI-MRS , les grands quotidiens du pays La Prensa et le Nuevo Diario,  les canaux de télévision viscéralement opposé au gouvernement sandiniste et certains organismes  d’observation électoral, dont une délégation de l’Union européenne,  qui  publient des rapports haineux ou ambigus sur le processus électoral du 6 novembre.  Pour accréditer leur thèse d’un pays troublé par une « fraude électorale de grande dimension »,  ils appellent à la mobilisation dans la rue, refusant le résultat et exigeant de nouvelles élections !  Mais à part quelques centaines d’activistes du PLI qui sont sortis dans les rues de Managua, le peuple  ne les suit pas, ne peut pas croire à cette thèse absurde lui qui a voté en grande majorité pour le président Ortega. Preuve d’une grande maturité et d’esprit civique, il n’a pas  non plus usé  de réactions énergiques, qui auraient  pourtant pu être légitimes, face  aux violences  amorcées par le camp perdant qui ont éclaté dans trois ou quatre zones rurales  du pays, dont Siuna et Cusmapa,  et qui se sont soldées par quatre morts et une trentaine de blessés civils et  une dizaines de policiers grièvement blessés. Ces violences isolées se sont produites lorsque des activistes du PLI ont cherché à brûler des urnes ou tendu des embuscades aux véhicules chargés de  transporter les boletas électorales. 
 
Cette maturité et ce sens civique j’avais pu les voir lors de la journée électorale de dimanche à Matagalpa.  Au centre de votation de Pancasan, mon quartier, comme dans d’autres centres de la ville,  des petits groupes liés au PLI semble-t-il   ont tenté d’intimider les votants  en lançant des pierres  sur les centres électoraux. Mais rapidement le quartier organisé s’est regroupé pour défendre les installations électorales, mais sans chercher  à profiter de son avantage pour pourchasser les perturbateurs.
 
Quant aux nombreuses irrégularités qui auraient entaché le vote, j’ai pu être témoin dans le centre de Pancasan que tout se déroulait tranquillement, et ceci pendant les nombreuses heures, de 7h du matin à 6h le soir, que dure le scrutin.  Le directeur du centre, sandiniste,  a même été rappelé à l’ordre par les activistes du fsln lorsqu’il a proposé de fermer les urnes une demi-heure avant la fin puisque plus personne ne venait voter depuis un bon moment. Un sens civique familial, partagé d’ailleurs aussi par une majorité de votants opposants : j’ai pu savourer les images de pandillero ou de fils de la bourgeoisie locale au bras de leur grand-mère invalide  les amenant avec douceur et pas à pas pour exercer leur droit et devoir électoral.
Je n’ai pas été le seul à témoigner d’un processus électoral calme et normal. Les 20 (vingt) mille étudiants issus de l’observatoire électoral des Universités nationales, ceux mobilisés par les organisations sociales de Via Campesina, ceux  issus des milieux de l’Eglise catholique ou des évangélistes, ceux dépêchés par les pays latino américains ont vécu la même atmosphère et ont rendu publique leurs rapports qui certes ont relevé des imperfections à corriger mais qui ont tous validé si non encensé le vote populaire.
 
Que cherchent alors les partis  mauvais perdants, certains organismes  de  « la société civile » qui vivent  de l’observation électorale, les délégués de l’Union européenne ? 
 
 La partie est jouée.   Le pays est calmement au travail. Le gouvernement a déjà relancé mercredi ses programmes sociaux.  De nombreux pays ont félicité Daniel Ortega pour sa victoire et pour sa modération.  En effet contrairement à ce que j’espérais, il n’y a pas eu non plus, comme au cours de la campagne électorale,  une immense  manifestation nationale célébrant la victoire, mais un acto symbolique  le 8 novembre, jour anniversaire de la mort au combat de Carlos Fonseca, fondateur du FSLN où le président élu a annoncé qu’il poursuivrait simplement  la route des réformes sociales en cherchant le consensus national  et qu’il approfondirait les relations avec l’Alba pour un développement plus juste et durable.  Une main tendue à l’opposition qui lui sert de leçon.
 
 
Dans un an il y aura de nouvelles élection municipales, il y a fort à parier que l’un des premiers objectifs de la nouvelle assemblée législative sera de réformer  un processus  électoral  trop compliqué,  améliorer le processus de  distribution  des cartes d’identité,  instituer une meilleure autonomie  des autorités électorales. Et ceci pas seulement pour couper l’herbe sous les pieds de l’opposition, mais parce que le peuple sera fier d’un processus électoral  irréprochable qui ne salira pas sa victoire.   Reste à voir  si nous aurons  la possibilité de voir sur Internet les résultats détaillés au niveau des 12’960 juntas receptoras de votos.  Il faut reconnaître qu’il s’agit d’un exercice périlleux, une précision qui demande en retour aux autres acteurs d’être honnêtes et transparents. Pas évident.
 
Depuis Matagalpa, Gerald Fioretta.
 
 

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