Nouvelle déclaration de la FGC sur « migration et développement »

« Migration et développement « , Déclaration de la FGC

La Fédération genevoise de coopération (FGC), organisation faîtière regroupant une cinquantaine d’associations de développement, mène depuis janvier 2008 une réflexion sur le thème « migration et développement ». Ce thème englobe à la fois les politiques de coopération au développement et de migration de la Suisse. Dans le cadre de cette réflexion et en discutant avec ses partenaires du Sud, la FGC s’est trouvée confrontée à un dilemme préoccupant: comment reconnaître l’enrichissement que la migration apporte tant sur le plan financier que culturel, que ce soit dans notre société ou dans les pays d’origine, sans ignorer combien la migration est pour certain-e-s un épisode dramatique ? La réflexion de la FGC s’est ensuite située dans un contexte migratoire, qui en Suisse, défie le développement du fait de la mise en application des récentes lois sur l’asile et des étrangers (LAsi et LEtr). Ces nouvelles lois durcissent en effet la procédure d’asile, alimentent la fuite des cerveaux en provenance des pays en développement et ne reconnaissent finalement pas le besoin en main d’oeuvre peu qualifiée qu’a la Suisse. Pour la FGC, la migration est un phénomène naturel qui a toujours existé et qui ne peut aller qu’en s’accroissant dans un monde interconnecté, inégalitaire et exposé au réchauffement climatique. C’est un phénomène qui demande qu’une action cohérente soit mise en oeuvre par ceux qui définissent les politiques de développement et de migration tant en Suisse que dans les pays d’origine, ceci afin que l’expérience de toute personne vivant une migration, travailleur migrant ou personne réfugiée, puisse être accompagnée au nom du développement.
 
La Fédération genevoise de coopération, constate que

1) des voix en Suisse demandent que la politique de coopération au développement soit mise au service de la politique de migration, à savoir que des projets de coopération soient développés dans les pays de provenance des migrants afin de limiter l’immigration en Suisse ;

2) la migration découle aussi de l’échec de certaines politiques de développement prônant une dérégulation des marchés sans mesure de protection possible des emplois locaux ;

3) des accords migratoires entre la Suisse et certains pays de provenance des migrants existent et des « partenariats migratoires » sont également à l’étude ;

4) l’attention se focalise beaucoup sur la migration Sud-Nord alors que la migration Sud-Sud des travailleurs implique tout autant de personnes. De plus, 80% des personnes réfugiées sont actuellement hébergées dans les pays en développement ;

5) les transferts de fonds des migrants, même s’ils sont d’origine privée et ne peuvent en aucun cas se substituer à l’aide publique au développement,représentent une ressource complémentaire permettant de stimuler la consommation locale et, selon les contextes, le développement local également ;

6) de nombreuses personnes migrantes (avec ou sans statut légal) vivent à Genève dans des conditions précaires et sans perspectives réelles d’avenir et souhaiteraient organiser un projet leur permettant de rentrer dans leur pays de façon digne ;

7) la fuite des cerveaux, encouragée par la politique migratoire suisse, a des effets néfastes sur le développement des pays d’origine;

8) de nombreux migrants participent ici, depuis Genève, au développement de leur région d’origine, et la collaboration entre associations de développement et associations de migrants est constructive ;
 
 

La FGC demande aux autorités suisses:

1) que la politique de coopération au développement ne soit pas mise au service de la politique de migration. Les pays de provenance des migrants vers la Suisse ne sont pas majoritairement les pays les moins avancés. En effet, la majorité des flux migratoires provient des pays en transition et cibler l’aide au développement vers ces mêmes pays est contraire aux objectifs du millénaire.

2) de prendre en considération au niveau fédéral les effets néfastes que peuvent avoir les politiques économiques et commerciales des pays industrialisés sur les pays du Sud et d’assurer en conséquence une plus grande cohérence des politiques publiques de la Suisse envers les pays en voie de développement.

3) que si des partenariats migratoires entre pays de provenance et de destination sont conclus, ceux-ci soient réellement transparents et le résultat d’un débat ouvert avec les différentes parties concernées.

4) de prendre en compte les réalités migratoires des pays en développement lorsque les autorités suisses exigent de ceux-ci des efforts considérables de gestions des migrations vers la Suisse.

5) que les agences de coopération suisses encouragent les transferts de fonds pour le développement en proposant par exemple un renchérissement des fonds envoyés, à l’image du programme tres por uno existant entre le Mexique et les Etats-Unis (pour chaque franc envoyé par une association de migrant pour un projet de développement, la Suisse doublerait la mise).

6) que les responsables de la politique migratoire et de développement se donnent les moyens de mettre en oeuvre de réelles politiques d’aide au retour.

7) de faciliter et promouvoir les retours temporaires de migrants qui souhaitent mettre leurs compétences au profit du développement de leur pays d’origine, sans toutefois perdre leur droit de poursuivre leur vie et leur intégration en Suisse.

8) dans le cadre des politiques de coopération au développement, de se donner les moyens de mieux connaître le travail réalisé par les associations de migrants et d’être à l’écoute également de leurs besoins éventuels.
 

La FGC s’engage pour sa part à:
 

1) oeuvrer pour une politique de coopération au développement véritablement indépendante qui ne soit pas liée aux seuls intérêts de la Suisse et qui soit pensée et mise en oeuvre conjointement avec les partenaires au Sud.
 

2) dénoncer la négociation et l’application des accords commerciaux qui se font au détriment des pays en voie de développement

3) suivre le contenu des négociations d’accords migratoires et faire des propositions, le cas échéant, en faveur du développement.

4) sensibiliser ses membres et le public afin que la vision du phénomène migratoire ne se limite pas uniquement à un flux de personnes voyageant du Sud vers le Nord.

5) informer sur les possibilités alternatives de transferts de fonds à la disposition des migrants établis à Genève et favoriser le développement de canaux novateurs etefficaces

6) coopérer avec différentes structures associatives de migrants en vue d’accompagner des projets novateurs d’aide au retour.

7) coopérer avec des organismes répertoriant les compétences des migrants établis en Suisse (par ex: l’EPFL ou l’association « Regards africains ») et ce pour le développement de leur région d’origine. 

8) collaborer davantage avec les associations de migrants en leur ouvrant notamment les formations liées aux questions de développement que la FGC organise.
 
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Cette déclaration a été adoptée par l’Assemblée générale de la FGC le 13 janvier 2009. Elle a été rédigée conjointement par diverses personnes issues du réseau de la Fédération en étroite collaboration avec diverses associations de migrants actives à Genève.

 

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