« De nombreuses tâches restent incomplètement réalisées dans diverses sphères très sensibles », souligne au débat de l’entretien avec E-CHANGER, Pepo Hofstetter, responsable de la communication pour Alliance Sud. Il est donc indispensable « de donner une nouvelle impulsion à la réalisation ».
Les objectifs du millénaire
Bien que le bilan pour cette première décennie des « Objectifs de développement du Millénaire » – qui cherche à réduire de moitié la misère dans le monde jusqu’en 2015 – soit mitigé, les Nations Unies (ONU) pensent que cet objectif est pourtant réaliste et réalisable.
Un point de vue exprimé par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans le rapport « Maintenir les engagements », élaboré pour préparer le sommet qui se tiendra du 20 au 22 septembre 2010 à New York. Néanmoins, d’après l’analyse de l’ONU, toutes les nations – les plus industrialisées comme les moins développées – devront faire des efforts énormes.
«La Suisse n’est pas une exception : si elle veut réaliser ses engagements, la tâche sera grande », explique Pepo Hofstetter. Le porte-parole d’Alliance Sud commence son bilan en soulignant deux aspects positifs de cette dernière décennie : « Plus que les autres pays, la Suisse investit dans le développement rural et contribue ainsi à la lutte contre la faim. Sa coopération au développement pragmatique, proche des autorités locales et de la société civile, a remporté des succès significatifs, notamment en ce qui concerne le secteur de l’eau (objectif no 6) ».
Néanmoins, les défis futurs sont significatifs et les temps politiques pour les mettre en œuvres sont relativement courts, ajoute-t-il.
Défis helvétiques
Les trois aspects essentiels que la Confédération suisse doit améliorer se situent sur le terrain de l’aide au développement ; en donnant la priorité à la lutte contre la pauvreté ; et en assurant une meilleure cohérence de sa politique globale.
En ce qui concerne l’aide au développement, « la Suisse l’a augmenté de manière minime » : la croissance de 1,5 à 2,5 milliards de francs depuis l’an 2000 reflète une vérité partielle. Cette augmentation inclut des mesures de désendettement, ainsi que les coûts liés aux demandeurs d’asile en Suisse (ceux-ci n’y étaient pas inclus en 2000). En 2009, 22 % du montant de la coopération au développement a été affecté aux réfugiés et au désendettement.
« Sans ces deux éléments, le pourcentage de la coopération se monterait actuellement à 0,36 % du revenu national brut (RNB) et non à 0,47 % (chiffre des autorités fédérales) », explique Hofstetter.
D’autre part, insiste le porte-parole d’Alliance Sud, « la Suisse n’octroie qu’un quart de ce budget aux pays les plus pauvres. Elle augmente sensiblement sa coopération avec les ‘pays émergeants’, en particulier la Chine et le Brésil ». Le secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) se retire donc des pays les plus pauvres pour se concentrer sur les pays au développement plus avancés.
Le 17 juin, par une nette majorité le Conseil des Etats a réitéré sa demande au Conseil fédéral de présenter un message pour augmenter l’aide au développement à 0.5% du revenu national brut d’ici 2015.
« Plus de cohérence globale »
Un aspect clé de la critique formulée par les ONG suisses concerne le manque de cohérence dans la politique globale de coopération menée par le gouvernement.
Pour Alliance Sud, sur les plans multilatéral et bilatéral, la Suisse défend toujours « ses intérêts économiques, sans tenir compte de ceux des pays en développement ». Quelques exemples concrets à l’appui de cette critique.
La Suisse « entrave l’accès aux médicaments par ses brevets et restreint l’utilisation des semences pour les petits paysans».
En même temps, « elle exige la libéralisation des échanges des produits industriels, en ignorant l’importance des tarifs douaniers pour les pays en développement ».
Les progrès de la Suisse en matière de politique fiscale internationale ne bénéficient pas aux pays en développement, qui continuent à perdre des milliards de revenus en raison de l’évasion et de la fraude fiscale.
Sans oublier un autre exemple frappant : l’actuelle politique suisse en matière d’immigration, qui ferme ses frontières aux personnes du Sud.
Trois recommandations
Si la Suisse veut contribuer de manière active au dernier effort pour réaliser les ODM, elle se trouve devant des défis concernent trois sphères principales : la nécessité d’augmenter rapidement la coopération au développement pour atteindre le 0,5 % du revenu national brut, en priorisant les pays les plus pauvres et, dans ces pays, les secteurs les plus défavorisés de la population – plus particulièrement les femmes et les indigènes.
L’effort pour augmenter la cohérence de la politique du développement. En particulier, améliorer la coopération avec les pays du Sud en matière fiscale ; renforcer la lutte contre la fraude fiscale, pratiquée par les grandes entreprises et les riches individus. Enfin, concluent les ONG helvétiques, il est fondamental de mettre les droits humains au centre de la coopération au développement, de la politique suisse dans les organisations multilatérales et dans les négociations bilatérales et multilatérales.
*Sergio Ferrari, service de presse E-CHANGER