« On ne peut pas comprendre ce qu’est la coopération au développement sans se rendre sur place et rencontrer les acteurs locaux »

Q : Quelles sont vos motivations à participer à ce genre de voyages ? Qu’est-ce qui vous séduit particulièrement dans le déplacement au Brésil ?
 
Anne-Catherine Menétrey-Savary : Je ne connais pas du tout la région de Salvador de Bahia, et je me réjouis beaucoup de la découvrir. Mais ce qui m’attire davantage, c’est de prendre connaissance du travail des partenaires d’E-CHANGER. Ces rencontres se feront en compagnie des collaboratrices et des collaborateurs, ainsi que de personnes proches d’E-CHANGER, que j’apprécie énormément.
 
Q : Quelles sont vos attentes lors de ces voyages ?
 
Anne-Catherine Menétrey-Savary : Ces voyages représentent une occasion formidable de connaître des organisations actives dans le pays, des représentants de la société civile, mais aussi des autorités politiques, que l’on ne rencontrerait jamais si l’on visitait ces pays en touriste. De plus, ces rencontres ont souvent lieu dans des régions décentrées ou des villages inconnus des touristes, et l’accueil qui nous est réservé est toujours extrêmement chaleureux, authentique, parfois touchant. Les échanges sont d’une grande qualité. Je crois qu’on ne peut pas comprendre ce qu’est la coopération au développement sans se rendre sur place et rencontrer les acteurs locaux. Les parlementaires qui débattent des crédits pour l’aide au développement n’ont aucune idée de ce qui se passe réellement dans ces pays s’ils n’ont jamais eu ce genre de contacts. En outre, E-CHANGER n’a pas de projets propres, mais ses volontaires se fondent dans le tissu social du pays d’accueil. Nous ne sommes donc pas perçus comme des « bienfaiteurs » à qui il faut dire merci et dont on attend des financements, mais comme des partenaires. Jusqu’ici, j’ai toujours été très intéressée et impressionnée par ce que j’ai vu et entendu, ce qui n’empêche pas les débats, les réflexions, voire des remises en question. Mes attentes ont toujours été comblées, et ces expériences alimentent encore mes réflexions et mes engagements dans les relations Nord-Sud. J’ai peut-être été un peu moins satisfaite lors des journées passées au Forum social mondial à Porto Alegre et à Dakar, où les débats sont un peu plus chaotiques. Je préfère les rencontres plus ciblées.
 
Lors des précédentes délégations, quels ont été les moments les plus forts ? Existe-t-il des rencontres ou des anecdotes qui vous ont particulièrement marquée ?
 
Anne-Catherine Menétrey-Savary : Il y a beaucoup de moments forts et de souvenirs marquants. L’accueil des enfants dans les villages africains, le rire des femmes, les témoignages des paysans victimes de l’accaparement des terres lors du Forum Social Mondial de Dakar (février 2011), la fierté des villageois qui ont réussi à construire un système d’irrigation et la cérémonie des feuilles de coca sur la grande place de Cochabamba en Bolivie (avril 2008). Je relève deux éléments marquants parmi beaucoup d’autres : dans un village à une centaine de kilomètres de Dakar, un ancien raconte qu’il a connu Léopold Sédar Senghor (premier président du Sénégal, en 1960), originaire de son village. Du coup, je lui raconte que j’ai des souvenirs très présents de la décolonisation, de notre admiration de l’époque pour Senghor, et que nous nous étions réjouis de leur indépendance. Mais plus tard notre accompagnateur sénégalais me dit tout le mal qu’il pense de ce premier président, si peu sénégalais, si français, et qui a finalement si peu fait pour son pays. Je mesure alors le chemin parcouru de la décolonisation au néocolonialisme, et je comprends la formidable attente de liberté et de démocratie des Africains. Autre moment étonnant : celui où notre délégation a été faite citoyenne d’honneur d’une petite commune bolivienne de l’Altiplano, avec une réception en grande pompe dans une salle ornée de tentures traditionnelles boliviennes, en présence d’une assemblée « indigéniste » et d’un syndicaliste très critique à l’égard d’Evo Morales !
 
Yoan Veya
Collaboration de presse E-CHANGER
 
 

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