Jean-Philippe Jutzi, porte-parole du DFAE (Département fédéral des affaires étrangères), commente et explique la nouvelle situation de la direction suisse en matière d’humanitaire et de coopération. L’arrivée de Martin Dahinden à sa direction laissait présager que le coopération multilatérale allait être privilégiée. Après quelques mois de restructuration, les perspectives de la coopération bilatérale sont placées sous le signe de la complémentarité.
1. Vous êtes attaché à la communication à propos de la Coopération bilatérale au développement et de la Coopération multilatérale. Pouvez-vous expliquer quelles sont les différences majeures entre ces deux genres de coopération ?
Le terme de « coopération bilatérale » désigne la coopération entre deux pays (la Suisse et un Etat partenaire, en l’occurrence) ; celui de « coopération multilatérale » désigne la coopération entre plusieurs pays dans le cadre d’institutions multilatérales.
La coopération bilatérale a pour interlocuteurs des autorités et des organisations de la société civile du pays partenaire. Elle repose sur une orientation et sur des objectifs fixés dans un accord-cadre avec le pays partenaire.
La coopération multilatérale, elle, s’acquitte de tâches exigeant des efforts au niveau supranational. Elle relève de la compétence d’organisations internationales, telles que le CICR, des agences onusiennes, la Banque mondiale ou encore des institutions régionales de financement. La coopération multilatérale regroupe les ressources de plusieurs agences donatrices pour les affecter au traitement de problèmes planétaires – tels que le bouleversement climatique, l’appauvrissement de la biodiversité ou la propagation d’épidémies. Or l’impact de ces phénomènes varie selon les pays, dont ils excèdent cependant toujours les capacités de réaction. La gestion de ces problèmes passe donc par le recours à des mécanismes internationaux.
D’où la complémentarité de ces deux formes de coopération.
2. Depuis l’été 2008, Martin Dahinden occupe le poste de directeur de la DDC (Direction suisse du développement et de la coopération). Quels sont, selon vous, les principaux changements intervenus à ce jour et ceux à venir au sein de la DDC ?
Principaux changements :
– Concentration thématique et orientation cohérente des activités de la DDC dans les pays du Sud selon les principes de la stratégie de développement uniformisée au sein de la Confédération. Sont fixés trois axes stratégiques : Contribution à la réduction de la pauvreté dans les pays prioritaires ; contribution à la promotion de la sécurité humaine dans un certain nombre de pays et de régions définis ; contribution à l’instauration d’une forme de mondialisation apte à promouvoir le développement.
– Renforcement du lien entre aide bilatérale et aide multilatérale. Meilleure intégration, dans les unités opérationnelles, du savoir spécialisé (dissolution de l’ancien domaine Ressources thématiques).
– Concentration sur trois problèmes planétaires (bouleversement climatique, sécurité alimentaire, migrations).
– Diminution (de 10 à 7) du nombre de membres de la Direction.
– Renforcement de la présence de la Suisse dans les pays partenaires et augmentation de l’efficacité de la coopération. Renforcement des services extérieurs de la DDC au cours de la deuxième phase de la réorganisation (novembre 2008 – mars 2009). Elargissement des compétences décisionnelles des Bureaux de coopération et augmentation des effectifs sur place.
3. Quel a été le rôle de Mme Calmy-Rey dans les décisions de restructuration de la DDC ?
La conseillère fédérale Calmy-Rey a initié la restructuration de la DDC et en a fixé les grandes lignes. Ont été chargés des opérations détaillées et de la mise en œuvre le nouveau directeur de la DDC, Martin Dahinden, ainsi que la task-force instituée à cet effet. En qualité de ministre des affaires étrangères, Mme Calmy-Rey s’engage pleinement et personnellement dans l’accompagnement de ce processus.
4. Walter Fust, directeur sortant, ne cachait pas un intérêt marqué pour la coopération bilatérale. Qu’en est-il de Martin Dahinden?
La coopération bilatérale revêt, pour Martin Dahinden également, une importance considérable :
– Elle permet à la Suisse de mettre à profit son savoir spécifique en la matière et de codiriger les programmes de façon ciblée.
– Elle évolue avec les efforts menés par les agences de développement pour orienter leurs programmes vers les priorités des pays concernés et les coordonner avec les autres bailleurs de fonds.
– Elle permet en outre à la Suisse de consolider ses relations avec les autorités et la population des pays partenaires.
5. Les communiqués de la DDC laissent transparaître que cette nouvelle restructuration cherche à optimiser les résultats, les effets et les impacts de la coopération. Comment pensez-vous que la coopération bilatérale puisse, par le transfert de personnel, mesurer son impact tout en sachant qu’elle inscrit son apport en termes d’échanges humains et d’évolution réciproque dans un apprentissage mutuel ?
Le renforcement des services externes et le transfert de spécialistes de la Centrale vers le terrain visent à promouvoir le dialogue direct avec les autorités et les partenaires locaux pour atteindre de bons résultats. L’efficacité des moyens utilisés doit davantage se manifester à tous les niveaux (micro, meso et macro). L’obligation de rendre des comptes exige des efforts accrus pour pouvoir documenter systématiquement les effets obtenus. L’efficacité du soutien fourni dépend, on le sait, de facteurs tant internes qu’externes pour un pays donné. La coopération internationale représente l’un de ces facteurs, mais n’est pas nécessairement le plus important.
6. Auriez-vous une remarque particulière concernant la nouvelle mouture de la DDC ? Et/ou sur la coopération en règle générale ?
La coopération entre partenaires différents les uns des autres est un processus de longue haleine, qui exige patience et détermination et n’est pas à l’abri de contrecoups. Les résultats ne sont pas le fruit d’actions individuelles spectaculaires, mais celui d’un travail tenace, guidé par une stratégie, et capable de mettre en réseau différents niveaux politiques.
L’évocation même de la réduction de la pauvreté soulève systématiquement la question suivante : à qui cette tâche incombe-t-elle ? Réponse : aux experts, aux bailleurs de fonds et aux entreprises, donc à une aide extérieure. Dans cette perspective, la lutte contre la pauvreté est mise en œuvre à l’aide de programme de traitement et d’investissements. Autre réponse, plus proche de la coopération suisse au développement, celle-ci : la pauvreté doit être combattue par les personnes directement touchées – ce qui exige que nous les aidions à élargir leur marge de manœuvre et à renforcer leurs droits. La solution réside donc dans les programmes d’autonomisation, dont le but est de conférer les pouvoirs à ceux qui en feront l’usage le plus pertinent.
La réorganisation crée les conditions nécessaires au resserrement des liens entre coopération bilatérale et coopération multilatérale et à l’obtention du plus grand impact possible à l’aide des moyens mis en œuvre.
Réponses recueillies par Olivier Grobet