Après Mumbai (Inde), le Forum social mondial (FSM) revient à Porto Alegre. La ville brésilienne qui l’a vu naître et où se sont tenues ses trois premières éditions l’accueille du 26 et au 31 janvier 2005, aux mêmes dates que le Forum économique de Davos (Suisse), comme c’est la coutume.
Le mouvement altermondialiste, plus mûr, plus solide qu’en 2001 quand il s’est réuni pour la première fois, est cependant confronté à des défis majeurs, tant dans la recherche d’alternatives que dans sa dynamique interne.
CONSULTATION PLANÉTAIRE
Fait sans précédent dans l’histoire du Forum, des organisations nombreuses et très diverses (1 863 ONG, associations, réseaux, mouvements populaires, campagnes mondiales) ont participé entre mai et août à une large consultation sur INTERNET « pour identifier les luttes, les questions, les problèmes, les propositions et les enjeux que les participants considèrent comme importants et veulent voir aborder au cours des rencontres de 2005 », comme l‘ont expliqué les organisateurs.
Cette initiative a permis au Conseil international – la principale instance de coordination – et surtout aux commissions chargées des contenus et de la méthodologie de synthétiser tous les apports et de proposer des pistes concernant les thèmes qui seront débattus. C’est ainsi qu’ont été définis onze « espaces thématiques » qui commencent à dessiner le visage du cinquième Forum et « approfondissent son caractère populaire et participatif » », comme le précise le Bulletin du FSM publié début septembre.
Parmi ces espaces thématiques, on trouve « Luttes sociales et alternatives démocratiques », « Paix et démilitarisation », « Communication alternative », « Droits humains et dignité », « Pensée autonome, réappropriation des savoirs et technologies ». Il y en a d’autres : « Ethique, cosmovisions et spiritualités », « Identité et diversité », « Economies souveraines… contre le capitalisme néo-libéral », « Nouvel ordre démocratique internationale », « Arts et création… dans la culture de résistance », etc.
La consultation par Internet est une nouvelle méthodologie mise en oeuvre pour répondre à une triple (auto)critique formulée par divers secteurs qui sont partie prenante de ce vaste processus en marche.
Tout d’abord, elle vise à empêcher le FSM de tomber dans un verticalisme où les instances de coordination remplaceraient le mouvement lui-même. Ensuite, elle veut éviter le piège d’un FSM réduit à un grand spectacle médiatique centré sur des conférences géantes de « notables ». Enfin, elle cherche à parvenir à une relation fonctionnelle plus harmonieuse entre le Forum en tant que structure et les mouvements sociaux qui en sont les piliers irremplaçables.
Cette nouvelle modalité constitue en soi un saut qualitatif. Loin d’être uniquement formelle, elle interroge le FSM en tant qu’espace horizontal de réflexion, d’échanges et de coordination concrète. Elle requiert le renforcement des acteurs pour assurer « une plus grande présence populaire » (y compris des secteurs les plus opprimés de la population, comme à Mumbai) et faciliter « l’extension et l’enracinement du processus que représente le FSM tant au Brésil que dans les pays voisins », comme le soulignent les organisateurs.
UN MONDE DIFFÉRENT TISSÉ DE RÉSEAUX
Tout indique que, dans le 5e FSM, les réseaux planétaires et leurs thématiques propres actuelles joueront un rôle décisif. Les organisateurs expriment deux conditions non-négociables : le respect de la diversité et l’esprit d’ « inclusion », c’est-à-dire tout, moins tout sectarisme réductionniste.
Le compte à rebours a commencé. Dans quelques semaines, la convocation altermondialiste la plus large à l’échelle planétaire arrivera à son point final. Fin novembre, plus de 3000 organisations (en provenance de 111 pays) avaient déjà proposé plus de 2000 activités (ateliers, assemblées plénières, séminaires, conférences, etc.), sans compter 200 événements culturels. « Droits humains et dignité » fut l’espace thématique le plus sollicité (environ 500 activités), suivi en deuxième place par « Luttes sociales… » ( environ 300 activités), ce qui peut déjà indiquer la tendance prédominante des thèmes centraux.
D’autre part, ces 11 piliers thématiques seront reliés par 4 axes transversaux : émancipation sociale et dimension politique des luttes ; la confrontation avec le capitalisme patriarcal ; la lutte contre le racisme ; la thématique spécifique de genre.
Tout cela, avec 2 aspects novateurs. A Porto Alegre 2005, tout sera totalement auto-géré : en claire, toutes les activités sont proposées et organisées par les mouvements et entités inscrits au Forum social mondial. Et le travail des réseaux durant la réunion de Porto Alegre débouchera sur des « appels à l’action », documents sectoriels où seront définis des consensus opérationnels et des agendas communs.
Cette véritable redéfinition du FSM, à peine quatre ans après sa création, facilite la coordination entre les différents mouvements travaillant sur les mêmes thèmes. Elle manifeste la volonté de préserver l’identité du FSM définie dans sa Charte: le Forum doit être « un large espace d’échanges et de réflexions ».
Le défi est lancé, à la société civil planétaire de le relever.
Sergio Ferrari
Traduction Michelle Faure
Collaboration E-CHANGER
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Les Suisses à Porto Alegre 2005
C’est le 21 janvier 2005 que des représentants d’ONG et de mouvements sociaux, 9 parlementaires et des journalistes suisses se rendront à Porto Alegre. Plus de 50 personnes, au total, participent à cette délégation à laquelle participeront aussi 3 hauts fonctionnaires de COSUDE (DDC, Direction de la coopération au développement. Ils auront donc quatre jours avant l’ouverture du Forum pour rencontrer des personnalités brésiliennes et des partenaires locaux et pour visiter divers projets et volontaires sur place.
La délégation helvétique, organisée par E-CHANGER (membre de la plate-forme UNITÉ), en collaboration avec la Communauté de travail des ONG et avec l’appui du syndicat Comedia des travailleurs de la presse, reprend ainsi la démarche adoptée lors des précédentes éditions : nouer des contacts avant de participer au FSM afin de recueillir des informations et d’établir des échanges, dans un pays très particulier et confronté à des défis importants.
En effet, le Brésil – 8 millions de km², presque 180 millions d’habitants – devient politiquement et économiquement un pays clé dans le concert des nations. Les ONG progressistes et surtout les mouvements sociaux y jouent un rôle déterminant dans la défense d’un modèle de développement durable et fondé sur la justice. De plus, il est mené depuis deux ans par un gouvernement de gauche présidé par « Lula », dont l’action est contestée par certains. Cette situation est à l’origine d’une réflexion-clé de tout le FSM : la relation entre les mouvements sociaux, les partis politiques, le pouvoir et l’Etat
(Sergio Ferrari)
FRAGMENTS DE PAROLES
Un passage à Porto Alegre pour Lula, avant
le voyage à Davos
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Frei Betto de nouveau dans la plaine >>
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Porto Alegre 2005: Un forum social sous le signe
de l’autosuggestion >>
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