Projet de Paripe : Obtenir un programme d’habitation ne veut peut-être pas dire gagner une maison ! La classe populaire doit continuer à se battre pour que ses droits soient respectés.
Depuis février 2009, le chantier de Paripe est au ralenti, les ressources financières ne sont pas libérées dans les délais, le chantier prend du retard. En septembre 2009, la Caixa (banque publique) part en grève pour presque deux mois. Depuis la banque ne libère plus aucun financement. Actuellement, il reste le 46% des travaux à faire. Les ouvriers sont à l’arrêt, l’União est dans l’impossibilité de les payer, les risques d’invasions des maisons sont élevés.
L’équipe de gestion et fiscale du projet ont durant ces derniers mois mené une rude bataille administrative pour tenter de dénouer la situation. 53 nouvelles personnes prennent la place des mutirantes qui se sont désistés (moins de 50 heures en 1 an et demi de travaux). Les moindres documents qu’exige la Caixa sont donnés, toutes les évaluations des étapes du chantier et les rapports financiers sont approuvés. Le problème semble se jouer à un autre niveau. Devant cette impasse, l’União reprend sa posture de mouvement social.
Après les mobilisations des années 2006 et 2007 pour récupérer le terrain et faire démarrer les travaux, en 2009 et 2010 les familles du projet de Paripe réenchaînent leurs revendications cette fois-ci auprès de la Caixa Economica Federal pour pouvoir finir le chantier et enfin avoir un logement digne. Avril 2010, la Caixa propose de refaire signer les contrat de chacun (236 familles), elle continue à tarder pour imprimer les contrats, après la signature des familles, il faudra encore enregistrer ces contrats pour les valider auprès du « cartório » service publique. Ce n’est qu’après tous cela, que la banque libèrera le financement. Autant dire qu’on est loin d’en avoir fini…
La construction de la communauté
Les activités sociales menées principalement en 2009
Le rôle de l’équipe social durant cette période consistait essentiellement à renforcer la mobilisation et encourager les familles à ne pas baisser les bras face aux obstacles rencontrés et rester acteur dans cette aventure.
Même si l’œuvre est arrêté, la vie du mutirão continue! Un défi difficile mais qui vaut le coût !
La radio communautaire:
Fin 2008, le Centre de Coopération Suédois, partenaire de l’União Bahia jusqu’en fin 2009, a subventionné une radio communautaire pour le projet de Paripe pensée et mise en place par Everaldo, coordinateur de la communication à l’União et Olivier
Dès janvier 2009, une équipe de programmation, constituée d’une dizaine de mutirão s’installe dans les locaux. La radio diffuse de la musique, des messages particuliers, les nouvelles, des informations pratiques pour l’organisation de la future communauté. Elle transmet aussi divers messages de sensibilisation, comme les conditions de travail, la question de genre et l’environnement.
Durant les heures de mutirão, comme le chantier tourne au ralenti, les familles profitent pour construire des hauts parleurs, une quinzaine sont installées sur tout le terrain. Cela permet dans un premier temps d’écouter la radio tout en travaillant sur l’œuvre, plus tard, les habitants en profiteront également.
Les activités de sensibilisation à l’environnement:
Toutes les fins de semaines du premier semestre de l’année 2009, les mutirantes ainsi que certains enfants de la future communauté préparent leur jardin communautaire avec l’appui de Sueli pédagogue en Permaculture et future habitante du quartier. Elle profite de ces moments pour partager son savoir et apporter des pratiques concrètes de jardinage en accord avec la nature : Pour protéger le jardin, une grande barrière a été montée ; elle permet d’éviter le passage des chevaux en semi liberté. Un compost est alimenté avec les détritus organiques de la cuisine, pour renforcer et nourrir la terre du potager. Après avoir fauché, labouré, semé et arrosé : maïs, fruits de la passion, papaye, ocras, tomate, courge, maxixe, haricot etc. ont pu être dégustés. Sur le terrain, à côté du jardin, la nature offre d’elles même, des papayes, et les fruits du palmier (dendê avec quoi nous faisons l’huile de palme, principal aliment de base dans la cuisine bahianaise).
Une graine… un arbre… un fruit:
Tout comme le jardin communautaire, cette action vise à donner un maximum d’autonomie (sécurité alimentaire) à ces familles de bas revenu. Cette fois-ci les familles sont invitées à apporter les graines des fruits de leur propre consommation. Les graines sont plantées dans un lieu protégé. L’idée est que lorsque l’œuvre sera finie, les familles pourront planter ces arbustes dans tout le quartier, histoire de garder une touche de vert et de se servir de fruits à volonté. Pour le moment nous avons déjà recueilli des graines de : pinha, ramboutan, sapouti, acerole, cherimole, avocat, mangue et Pau Brasilis.
La création de l’espace des enfants:
Afin que les mamans puissent donner leurs heures de mutirão (70% des bénéficiaires sont des femmes, la plupart d’entre elles sont mères célibataires), nous avons profité des premières maisons construites, pour y installer un espace spécial pour les enfants.
Partant de rien, une commission des enfants se met en place pour trouver les moyens de récolter des fonds et organiser la mise en place du lieu. Une lettre réalisée par un groupe de mamans, présentant le projet de la crèche sera distribuée un peu partout. Grâce à cette initiative, la communauté reçoit une donation de la part d’une école privée de Salvador en vêtements, livres et jouets qui va permettre l’installation de la crèche. Certaines familles apportent aussi des jouets.
Avec les livres reçus, une petite bibliothèque d’une centaine d’unité voit le jour. Les livres sont répertoriés par les soins de Rosana, mutirante du projet
Plusieurs bazars ont permis de vendre les vêtements à des prix abordables pour les familles du projet et les habitants voisins. Avec l’argent récolté, les familles ont pu acheter du matériel de bricolage pour les enfants et des outils pour le jardin communautaire.
Dès mai 2009, la crèche tourne. Une quinzaine d’enfants fréquentent l’espace et profitent pour se familiariser avec leurs futurs voisins. Un tournus entre les mères s’organise et les femmes plus âgées, ne pouvant pas travailler dans l’œuvre, donnent aussi un coup de main.
Les activités de sensibilisation à la question de genre:
Le mois de mars, est chaque année dédié à la femme, l’occasion de se réunir pour débattre sur ses conditions, distribuer de l’information de sensibilisation sur les problèmes de santé, violence, conditions de travail et retracer l’histoire de la lutte pour le genre féminin. Ces nombreuses rencontres nous ont spécialement aidé à renforcer l’auto estime, valoriser et encourager les mutirantes de Paripe, qui passent une période difficile lié notamment à l’avancement de la construction du quartier.
Exemples d’activités réalisées : Lors de l’atelier « Femmes et Photographie », beaucoup des participantes ont pu exprimer leur révolte par rapport à l’image de la femme « objet de désir sexuel » véhiculé par les publicitaires dans la société. Elles revendiquent une image plus réaliste: une compagne de lutte qui assume au jour le jour ses tâches pour la société, elles aimeraient plutôt être représentées comme personne victorieuses et digne.
Les femmes de l’União se sont également retrouvées le 8 mars au lagon du Dique do Tororo, afin de revendiquer le droit à l’habitat digne et passer un moment ensemble pour tout simplement écouter un concert en plein air. Beaucoup de femmes du projet de Paripe ont profité de l’événement pour sortir de leur quotidien et rencontrer d’autres femmes qui vivent des conditions difficiles, similaire à la leur.
Les nuits de cinéma au centre communautaire:
La première nuit de cinéma du 29 août 2009 a attiré plus de 50 personnes avec une grande participation des enfants de l’occupation voisine (Filho do Quilombo). Ce fut un moment de rencontre entre les deux communautés. Petit rappel des faits: l’occupation voisine a envahi le terrain en 2006, exigeant une part des logements du projet de logements. Il a fallu presque deux ans pour trouver un accord, c’est par ailleurs pour cette raison que la construction du quartier a démarré qu’en 2008 (pour plus de détail, se référer aux bulletins précédents). Malgré la solution trouvée, il reste une certaine amertume et une tendance de la part des futurs habitants du projet à vouloir se « protéger » du voisinage, ils craignent, à juste titre de perdre leur espace. De ce fait, ces types de rencontres festives sont primordiaux, ils peuvent aider à construire un nouveau départ. L’idée est d’encourager à « ouvrir les frontières » et inviter les familles du projet à se montrer un peu plus solidaire et donner la possibilité aux deux communautés de mieux se connaître pour se renforcer mutuellement dans le respect. Partager les infrastructures comme la crèche, le terrain de foot, le centre communautaire ou encore la radio peut également éviter une forme de rivalité entre elles. L’occupation Filho do Quilombo est habité par plus de 15’000 personnes qui vivent dans des conditions extrêmement précaires.
La vie du projet en 2010
Depuis février 2010, une quinzaine de familles se sont installées dans les immeubles du chantier pour éviter une seconde invasion du terrain, les enfants profitent de la crèche.
Tous les samedis, les assemblées continuent avec environ 80 participants, quant à l’équipe de gestion, elle continue à ce battre avec les démarches administratives.
En juillet, 30 personnes du projet devraient recevoir une formation en construction et en alimentation (350 heures chacune). Elles sont donnée par l’IFBA (Comparable à une école polytechnique Suisse) et peut permettre à notre publique de plus facilement trouver un emploi et aussi être engagé dans les chantiers de l’União.
Dès que le chantier reprend, il sera plus facile de mobiliser les familles pour poursuivre les activités sociales. Aujourd’hui, la préoccupation principale est de finir la construction du quartier, tout le monde attend avec impatience le démarrage des travaux pour enfin mettre un point final à cette aventure.
Plus d’infos
sur le Groupe de Soutien Pourquoi pas ToiT?
Claire Rinaldi