Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 127 Genève, le 22 juin 2019

« AYA Info » est en ligne sur deux sites Internet : Humanitaire.wset MCI

 Conformément à ce qui a été annoncé dans le bulletin No 123, cette édition est la reprise des notes publiées dans le blog que la « Tribune de Genève » nous a invités à tenir dans son édition électronique. Ces notes sont souvent illustrées ou renvoient à des vidéos publiées sur Youtube.

Photo ci-desus ©Feconat : Un moniteur de la région du bassin du rio Tigre documentant les impacts de l’industrie pétrolière.

Note du 29 avril 2019 :

Brasilia : Campement Terre Libre 2019

C’est la quinzième fois que les Peuples Indigènes brésiliens se donnent rendez-vous dans la capitale brésilienne pour affirmer leur existence et défendre leurs droits acquis, maintenant mis en danger par le Gouvernement. Pendant trois jours, les 24, 25 et 26 avril, ils étaient entre trois et quatre mille, de plus de 300 Peuples originaires de toutes les régions du pays à avoir répondu à l’appel de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB les invitant à participer à cet « Acampamento Terra Livre – ATL » (« Campement Terre Libre » en français). Les femmes indigènes ont saisi l’occasion de ce rassemblement pour tenir une « Plénière nationale ». Et, signe des temps, une autre plénière a réuni les « Jeunes et les communicateurs indigènes ». Trois jours d’un programme chargé.

L’APIB a organisé plusieurs délégations qui ont rencontré des membres des pouvoirs judiciaire et législatif. Une première veillée a eu lieu le 24 avril devant le Tribunal Suprême Fédéral – STF qui est appelé à se prononcer sur la démarcation de la Terre Indigène (TI) du peuple Xoklengdans l’État du Santa Catarina. Du jugement que rendrale STF dépend la démarcation des Terres Indigènes. Des rencontres ont été organisées avec les Présidents de la Chambre des Députés et du Sénat qui se sont déclarés favorables au retour de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI au Ministère de la Justice (1).

Le titre du document finalde l’ATL 2019, adopté le 26 avril, résume le sens du rassemblement : « Nous résistons depuis 519 ans (2) et nous continuerons de résister ». Les quatre premiers paragraphes dénoncent la politique du Gouvernement. La deuxième partie du texte précise treize revendications portant sur: le processus de démarcation des TI; le droit des peuples isolés à se maintenir dans cette condition; le maintien du sous-système de santé indigène; la mise en œuvre effective d’une éducation scolaire indigène différenciée; le développement de la Politique nationale de gestion territoriale et environnementale pour garantir la souveraineté alimentaire; la réactivation du Conseil National de Politique Indigéniste et des autres instances de participation indigène (3) ; la fin de la violence, de la criminalisation et de la discrimination contre les peuples et leaders indigènes ; le classement de toutes les initiatives législatives anti-indigènes; l’application des traités internationaux signés par le Brésil ; la mise en œuvre des recommandationsde la Rapporteure Spéciale de l’ONU sur les droits des peuples autochtones (4) , ainsi que les recommandations de l’ONU à l’occasion de l’Examen Périodique Universel – EPU (5) ; au STF il est demandé de ne permettre, ni légitimer une réinterprétation rétrograde et restrictive du droit originaire des peuples indigènes sur leurs terres traditionnelles.

Et de conclure : « Nous continuerons à donner notre contribution à la construction d’une société réellement démocratique, plurielle, juste et solidaire, pour un État pluriculturel et multiethnique de fait et de droit, pour un environnement équilibré pour nous et toute la société brésilienne, pour le bien-Vivre de nos générations actuelles et futures, de la Mère Nature et de l’Humanité. Nous résisterons, coûte que coûte ! »

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(1) Voir sur ce blog la note du 12 janvier 2019.

(2) En 1500, le Portugais Pedro Álvares Cabral commence la colonisation du Brésil.

(3) Le récent Décret No 9.759du 11avril 2019 a supprimé de nombreuses instances de dialogue et de représentation des ONG dans les différentes entités publiques.

(4) Voir sur ce blog, la note du 23 septembre 2016.

(5) Voir sur ce blog, la note du 7 mai 2017.

Note du 13 mai 2019 :

En Amazonie péruvienne : les nouvelles technologies au service des droits des indigènes

Au Pérou, comme dans d’autres parties de l’Amazonie, l’exploitation des ressources minières (pétrole, or, nickel et autres) exerce une forte pression sur les territoires occupés par les peuples indigènes. Une exploitation souvent réalisée au mépris de leurs droits et de leur environnement. Une véritable mise en danger de leur existence. Plusieurs de ces peuples ont décidé de résister.

Ainsi, dans la région de Loreto, la situation a été particulièrement grave en 2013. Le gouvernement a dû déclarer l’état d’urgence* en raison de la pollution des eaux et des sols causée, notamment, par les fuites ou ruptures d’oléoducs. En mars 2015, suite à la pression qu’elles ont exercées sur le gouvernement, les organisations indigènes ont obtenu un accord avec celui-ci pour préserver leur cadre de vie.

Ce résultat trouve son origine dans des programmes de « Surveillance écologique » mis en place depuis 2006 par les organisations indigènes. Une action qui s’exerce au moyen des nouvelles technologies de l’information : smartphones et leurs applications digitales (GPS, vidéo, photo, base de données, etc.). Des jeunes « moniteurs » indigènes, désignés par leurs communautés, sont formés et équipés avant de se rendre sur le terrain pour documenter les incidents. Leur travail permet ensuite aux organisations de constituer des dossiers solidement étayés au moyen desquels elles pourront alerter les autorités et demander la mise en œuvre de réparations.

Le Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI(une ONG genevoise) vient de mettre en ligne, sur son site Internet, un documentd’une trentaine de pages consacré aux « Enjeux et partage de d’expériences avec des Fédérations indigènes d’Amazonie péruvienne ». Ce rapport, en français et téléchargeable librement, présente le contexte dans lequel se situe cette action (souvent des zones isolées et difficiles d’accès), son fonctionnement et son utilisation pour la défense des droits légaux des peuples indigènes. Le maintien de cette vigilance est toujours nécessaire. Les projets portés par le MCI se poursuivent, tant avec la FECONATqu’avec FECOHRSA.

L’auteur du document est Aurélien Stoll. Un horticulteur diplômé, aussi ingénieur en gestion de la nature de la Haute Écoledu paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève / Lullier. En 2007 – 2010, il a été « Coordinateur de projet » pour l’ONG Shinai à Iquitos (Pérou). Aurélien est l’un des principaux responsables du MCI depuis 2011. Depuis cette année-là, à travers le MCI et les deux fédération indigènes, il assure l’accompagnement technique de ces deux projets qui reçoivent un soutien financier de « Nouvelle Planète » et de la Fédération Genevoise de Coopération – FGC.

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*La situation de cette partie de l’Amazonie a déjà été évoquée sur ce blog : Voir les notes du 20 janvieret 15 juin 2012, du 10 mai 2013et du 24 avril 2015.

Note du 25 mai 2019 :

Raoni en campagne en Europe

« Après ma mort, j’aimerais que les Indiens vivent tranquilles dans la forêt, qu’ils puissent chasser, pêcher et aussi danser au village. C’est cela la vie des Kayapó. » C’est par ce vœu, que le vieux leader indigène brésilien conclue son testament. Un souhait qu’il exprime dans l’ouvrage – Mon dernier voyage– qui vient d’être édité chez Arthaud.* En tournée en Europe depuis le 13 mai, il est à la recherche d’appuis politiques et financiers. Il est accueilli sur les plateaux de télévision et par les hommes politiques. Le 16 mai à Paris, il a été reçu au Palais de l’Élyséepar le Président Macron. Dans le passé il avait rencontré les présidents Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Le 17 mai, à Bruxelles, il a participé à une « Marche pour le Climat ». Il était à Genève le 22 mai où il a rencontré les autorités de la Ville de Genève. Dans une librairie de la place, il a dédicacé le livre qu’il a signé avec J.P. Dutilleux. Le soir il était au « 19h30 » de la Télévision Suisse Romande. Il est prévu qu’il se rende à Rome pour rencontrer le pape François.

Comme cela a déjà été le cas au début des années 2000, Raoni est à la recherche de fonds pour sécuriser la réserve du Xingu et protéger les peuples indigènes qui sont les gardiens de l’Amazonie. Voir la Terre Indigène Kapôt Nhinoreêtre démarquée lui tient particulièrement à cœur, c’est là qu’il a vécu. Il veut aussi attirer l’attention de l’opinion publique et des leaders européens sur la déforestation qui a repris de l’ampleur ces derniers mois et sur la nouvelle politique des autorités brésiliennes hostile aux indigènes.

Le dernier passage de Raoni à Genève date de décembre 2012. Il était venu plaider la cause des indigènes du Brésil au Conseil des droits de l’homme. Il s’était déclaré fatigué. Depuis, la situation des peuples indigènes ne s’est pas améliorée, mais il est heureux de constater que la relève est assurée. Pour ne prendre qu’un exemple, celui de Joênia Wapichanaqui est la première femme indigène de l’histoire du Brésil à être élue à la Chambre des Députés. Elle aussi, souhaite que les Indiens vivent tranquilles dans la forêt.

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*Mon dernier voyage / Raoni – Jean-Pierre Dutilleux/ Ed. Arthaud / Mai 2019/ ISBN : 978-2-0813-9243-4  / Cet ouvrage n’est pas sans rappeler – certains chapitres ont le même titre – celui préfacé parJacques Chirac « Mémoire d’un chef indien » / Raoni – Jean-Pierre Dutilleux/ Editions du Rocher /Avril 2010/ ISBN : 978-2-268-06885-5

Note du 18 juin 2019 :

La FUNAI aura un nouveau président

Son deuxième mandat à la présidence de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI, n’aura pas duré longtemps. Le 16 janvier dernier*, pour succéder à Wallace Moreira Bastos, le général de réserve Franklimberg Ribeiro de Freitas avait été nommé pour la seconde fois à la tête de la FUNAI. Une charge qu’il avait déjà occupée entre mai 2017 et avril 2018. Ce 12 juin, les médias ont annoncé son exonération. L’arrêté du Ministre-chef de la Maison civile de la Présidence de la République, Onyx Lorenzoni mettant un terme à ce deuxième mandat été publié au Journal Officielde l’Union le 14 juin.

Selon des propos rapportés par la presse, Luiz Antônio Nabhan Garcia, Secrétaire spécial des Sujets Fonciers au Ministère de l’agriculture, dit que Franklimberg a été démis de ses fonctions en raison de son incompétence. Selon Deutsche Welles, le partant est d’avisque le Président Jair Bolsonao est mal conseillé sur les questions indigènes. De plus, il indique que la FUNAI est constamment attaquée par des intérêts de tiers [opposés aux autochtones], qu’elle doit agir avec un budget limité et une pénurie de personnel. L’intérim a été confiéà Fernando Maurício Duarte Melo, un Général de réserve déjà conseiller pour les projets spéciaux au sein de la Fondation.

En 52 ans d’existence, l’institution est en passe d’avoir un 42eprésident.Ce turnover important illustre la difficulté de protéger les peuples autochtones dans un État où de nombreuse forces économiques et politiques leur sont hostiles. Et depuis le début janvier, la situation politique est particulièrement agitée.

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*Voir sur ce blog, les notes des 30 janvier 201912 janvier 2019, 15 juin 2018, 2 juinet 13 octobre 2017

Rappel : L’activation des liens hypertextes (en marron) renvoie à une partie des sources utilisées pour la rédaction de cette note. Ces sources, permettent d’en « savoir plus ».

L’ensemble des brèves est consultable à cette adresse : http://bcomoli.blog.tdg.ch

AYA– 13, Rue des Bossons –  CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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