Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 84 – Genève, le 27 juin 2013

Un indien Terena tué lors d\’une intervention policière / Marta Azevedo quitte la présidence de la Funai / Les Munduruku expulsent des enquêteurs de leur territoire / Le ministre de la justice voudrait changer le processus de démarcation des Terres indigènes.

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Un indien Terena tué lors d\’une intervention policière
Au matin du 30 mai, un indien Terena, Oziel Gabriel, a été mortellement atteint par un tir de la Police Fédérale – PF qui intervenait pour faire cesser l\’occupation, par les Terena, de la fazenda Buriti située sur la Terre Indigène Buriti. Il s\’agit d\’un territoire indigène de 172 km2, reconnu en 2010 comme traditionnellement occupé par une partie du Peuple Terena (environ 2\’500 personnes). Elle est située dans la municipalité de Sidrolândia, dans l\’État du Mato Grosso do Sul – MS. Une controverse juridique avait permis l\’intervention de la police malgré un recours de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI. Selon le Ministère Public Fédéral – MPF, le manque de volonté politique de la part du gouvernement est à l\’origine des conflits de la terre dans cette partie du pays. Il s\’agit de régler un problème né à la fin de la Guerre du Paraguay (1864 – 1870), quand les autorités brésiliennes ont incité des colons à s\’installer dans la région. Elles leur ont donné des titres de propriété sur la Terre des Terena. Depuis, elles n\’ont jamais réglé le problème. Le MPF reproche également aux forces de l\’ordre d\’avoir fait un excès de zèle et de ne pas l\’avoir averti avant l\’intervention. La FUNAI a exprimé le même reproche. Cette mort violente a suscité une vague d\’indignation. Comme cela avait été annoncé par les parlementaires du lobby de l\’agrobusiness, le 14 juin, la Confédération de l\’Agriculture et de l\’élevage – CNA a organisé diverses manifestations pour protester « contre l\’invasion de terres productives pratiquées par des groupes d\’indigènes« . La sénatrice et présidente de la CNA, Katia Abreu, était présente à celle qui a eu lieu à Nova Alvorada do Sul, dans le Mato Grosso do Sul. Elle a attaqué le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI et la FUNAI qui, selon elle, inciteraient les indigènes à pratiquer ces invasions. Le 5 juin, José Eduardo Cardozo, le Ministre de la justice s\’est rendu à Campo Grande où il a rencontré les leaders Terena et les responsables des forces de police. Il a rappelé le rôle central de la FUNAI dans les processus de démarcation des Terres Indigènes. Le 6 juin, une délégation de leaders Terena était à Brasilia pour une nouvelle rencontre avec le ministre de la Justice et le Secrétaire Général de la présidence de la république, Gilberto Carvalho. Les autorités fédérales ont proposé la création d\’un Forum pour régler pacifiquement les conflits entre indigènes et fazendeiros. Le 20 juin, lors de la première réunion de ce Forum, le gouvernement a fait connaître son intention d\’acheter les terres aux propriétaires détenteurs de titres de propriété valides, ce qui permettra à ceux-là d\’évacuer la Terre des Terena. Ces derniers ont annoncé qu\’ils ne cesseraient pas leur occupation. La Commission de l\’agriculture, élevage, approvisionnement et développement rural de la Chambre des députés – le lobby de l\’agrobusiness – ne relâche pas sa pression sur le gouvernement, le 12 juin, elle a approuvé la convocation du ministre Gilberto Carvalho, pour qu\’il « donne des éclaircissements sur le processus de démarcation des Terres indigènes« . L\’audition devrait avoir lieu dans les 30 jours qui suivent la convocation. Aura-t-il fallu la mort d\’Oziel Gabriel – un mort de plus et de trop – pour voir enfin résolu un problème trop longtemps négligé ?
Marta Azevedo quitte la présidence de la Funai
Le 7 juin, un communiqué laconique de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI a annoncé la démission de Marta Maria do Amaral Azevedo, la présidente de l\’organe depuis avril 2012. « Elle a pris cette décision en raison de la nécessité de réaliser un traitement médical qui est incompatible avec la charge de présidente« . L\’intérim est assuré par Maria Augusta Boulitreau Assirati, jusque-là à la Direction de la Promotion du Développement Soutenable – DPDS de la Fondation. L\’arrêté qui officialise la démission, publié le 10 juin au Journal Officiel de l\’Union, est signé par la Ministre Cheffe de la Maison civile de la présidence de la république Gleisi Hoffmann*. Marta était en poste depuis avril 2012. Elle a été la première femme nommée à la tête de la Fondation créée en 1967. Elle avait succédé à Márcio Meira qui, lui, est resté en poste pendant cinq ans, une durée qui a largement dépassé la durée moyenne de longévité des présidences : en 46 ans, la FUNAI a connu 33 présidents ! Marta avait réuni par trois fois, en juin, août et décembre 2012, la Commission Nationale de Politique Indigéniste – CNPI qui avait cessé de fonctionner en juin 2011. Il était prévu d\’autres rencontres en 2013, mais, à ce jour la FUNAI n\’a publié aucun compte-rendu de réunion récente de la Commission. C\’est pourtant l\’organe de dialogue du gouvernement avec les représentants indigènes de tout le pays. Cette démission a lieu dans un contexte particulièrement difficile pour les peuples indigènes du Brésil.
* Le même arrêté annonce également le départ de Paulo de Tarso Texeira, Directeur exécutif du Département de la Police Fédérale au Ministère de la Justice.
Voir AYA No 71 (avril 2012) et No 70 (mars 2012)
Les Munduruku expulsent des enquêteurs de leur territoire
Le 22 juin, des chercheurs « étrangers » ont été expulsés de la Terre Indigène des indiens Munduruku*. Ils l\’ont été par les Munduruku eux-mêmes. Ces techniciens étaient là pour collecter des échantillons de faune et de flore dans le cadre d\’une étude environnementale préalable à la construction d\’usines électriques sur le rio Tapajós. Constructions auxquelles les Munduruku sont hostiles en raison de l\’impact qu\’elles auront sur leur territoire. Des représentants de la présidence de la république sont venus négocier la libération de trois biologistes; ce qu\’ils ont obtenu après avoir annoncé la suspension de ces études. Au mois de mai dernier, des Munduruku, avec des représentants d\’autres peuples, avaient occupé le chantier de Belo Monte**. Ils ont accepté de quitter les lieux pour aller à Brasilia rencontrer le Secrétaire Général de la Présidence de la république Gilberto Carvalho. Mais le dialogue a tourné court. Pendant leur présence à Brasilia, ils ont occupé le siège de la FUNAI pendant trois jours. Ils ont manifesté devant le Ministère des Mines et de l\’Énergie avant de retourner à Jacareacanga d\’où ils sont originaires. Plus récemment, ce 24 juin, une centaine de Mundukuru a manifesté devant la mairie de cette commune pour protester contre les conseillers municipaux favorables au projet du gouvernement de construire des usines hydroélectriques sur le rio Tapajós.
* La Terre Indigène Munduruku a une superficie de 23\’818 km2. Elle compte un peu plus de 6\’500 habitants. Elle est située sur les deux communes d\’Itaítuba et Jacareacanga dans l\’État du Pará. En novembre 2012, un Munduruku avait trouvé la mort lors d\’une intervention de la police dans le village Teles Pires dans la Terre Indigène de Kayabi (Voir AYA No 77)
**Voir AYA No 83
Le ministre de la justice voudrait changer le processus de démarcation des Terres indigènes
Selon une information diffusée le 14 juin dernier dans la Folha de São Paulo, le ministre de la justice, José Eduardo Cardozo serait sur le point de publier un arrêté modifiant le processus de démarcation des Terres Indigènes dans lequel la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI. Selon le ministre, la Fondation « ne va pas perdre son rôle de protagoniste« . Au début du mois de mai, Gleisi Hoffmann, la Ministre Cheffe de la Maison Civile de la présidence de la République avait déjà évoqué la participation d\’autres organes gouvernementaux dans le processus de démarcation (voir AYA No 83). Fin avril déjà, le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI s\’est inquiété de cette possible modification. Il rappelle que le décret 1775 de 1996 avait été pris pour permettre aux entités et personnes opposées à la démarcation d\’une Terre indigène de pouvoir faire valoir leurs droits éventuels. Le CIMI craint que les changements annoncés par différentes entités gouvernementales et les demandes du lobby de l\’agrobusiness ne remettent en cause les droits constitutionnels des peuples indigènes.
Bernard Comoli
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PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
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AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
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