Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 99 – Genève, le 21 janvier 2015

Une nouvelle opération contre l\’orpaillage illégal en Terre Yanomami / Le trafic de bois illégal d\’Amazonie et la Suisse / PEC 215 : la \ »Bancada ruralista\ » perd une bataille.

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Une nouvelle opération contre l\’orpaillage illégal en Terre Yanomami
Elle a pour nom « Korekorema II » la récente opération contre l\’orpaillage illégal en Terre Indigène Yanomami conduite par la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI et la police militaire. Elle a été menée fin novembre – début décembre dans les régions du rio Auaris, sur la municipalité de Amajari, dans le nord ouest de l\’État de Roraima (la phase précédente de l\’opération avait été réalisée en févier 2014)*. Ce sont 260 garimpeiros qui ont été retirés de l\’aire indigène, dont une centaine ont été présentées à la police fédérale. Ce sont 38 radeaux et autres équipements qui ont été détruits.
Au cours de l\’opération, le 29 novembre, un sergent a été blessé par balle. Le lendemain, il a été transporté par avion à l\’hôpital de Boa Vista où il a reçu des soins. Son état est jugé sans gravité.
Une controverse est née à propos du monument érigé sur le Place du Centre Civique de Boa Vista. Il s\’agit d\’une statue représentant un garimpeiro au travail. Le 9 décembre, João Catalano, le coordinateur général du « Front de protection Yanomami et Ye\’kuana de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI, a critiqué cette statue qui est l\’un des symboles de l\’Etat de Roraima : « Nous ne pouvons pas accepter qu\’un symbole qui fait l\’apologie d\’un crime représente un peuple. Le garimpeiro est l\’auteur d\’infractions à plusieurs lois, principalement environnementales… Des centaines de garimpeiros criminels usurpent l\’or du peuple brésilien, détruisent l\’environnement, polluent les rivières et coupent la forêt, ce qui met en danger la vie de tous ». Le 11 décembre, l\’Assemblée législative de l\’État de Roraima a adopté une motion dénonçant la FUNAI et le Coordinateur pour les déclarations faites à la presse concernant le monument : « Les actes de l\’Institution et du représentant cité, sont un affront à la mémoire, à l\’histoire et à l\’identité du peuple de Roraima ». En réponse, le coordinateur a précisé sa pensée. Il affirme n\’avoir pas parlé au nom de la Funai, mais en tant qu\’historien et indigéniste. Pour lui, sa proposition de démolition de la statue, qui ne fait de mal à personne, relève du champ idéologique. Il maintient sa position à l\’égard de l\’orpaillage illégal : « Je sais le mal que fait l\’orpaillage à cette terre. Il est nécessaire de débattre de la dégradation environnementale et le manque de respect à l\’égard des peuples indigènes. Nous devons penser en termes d\’alternatives économiques et non défendre l\’orpaillage illégal et ses criminels. »
Le 30 décembre, la presse a fait état de l\’inquiétude de la FUNAI au sujet de la communauté Moxihatetea, un groupe isolé de la TI Yanomami. Pour la seconde fois en un mois, lors d\’un survol, elle n\’a observé aucun signe de vie dans le village. Pour João Catalano, il y a la possibilité que les indiens se soient enfuis, mais il se peut également qu\’ils aient été décimés par l\’action des garimpeiros. Une expédition sur le terrain est envisagée pour en savoir davantage.
Les informations concernant le commerce de l\’or brésilien pour 2012 ne sont guères différentes des chiffres de 2011: le Brésil reste le treizième producteur d\’or. La production estimée pour 2012 est de l\’ordre de 70 tonnes, dont 12 % sont issues des « garimpos », de sites d\’orpaillage. La Suisse est le deuxième pays importateur d\’or brésilien après la Grande-Bretagne. De janvier à novembre 2014, la Suisse a importé 22\’382 kg d\’or du Brésil pour un montant de 683\’670\’426 CHF. La part de l\’orpaillage illégal dans ce commerce reste inconnue faute d\’un véritable contrôle de la production. La mise en place d\’un système de traçabilité des produits est également nécessaire.
* Voir AYA Info No 91 du 20 mars 2014.
Le trafic de bois illégal d\’Amazonie et la Suisse
Le 21 décembre dernier, la chaîne romande de la Radio Télévision Suisse – RTS, dans « Mise au Point », l\’une de ses émissions d\’actualité, a publié un reportage – « La loi de la jungle » – sur le commerce illégal de bois entre le Brésil et la Suisse. Cette séquence, de près de 13 minutes, a été réalisée en collaboration avec Greenpeace – Brésil. Le reportage commence à Manaus, au siège de l\’ONG, se poursuit dans l\’État du Pará, en forêt même, et à Santarém la ville–port d\’où le bois, notamment l\’Ipé*, est exporté. La partie dangereuse de l\’action des militants est certainement quand ils placent des balises sur les camions qui transportent le bois des zones illégales d\’abatage vers les scieries. Ils travaillent avec les agents du Secrétariat de l\’État pour l\’Environnement – SEMA de l\’État du Pará que l\’on voit équipés de gilets pare-balles. L\’identification de l\’origine du bois étant difficile après le découpage des troncs en planches ou en feuilles, les agents doivent intervenir lors du transport des grumes. Ils le font par des contrôles routiers. Mais le SEMA manque de moyens, il ne dispose que d\’un inspecteur pour 500 km2 de forêt. Il intervient essentiellement pendant la journée. Il admet qu\’il est impossible de faire respecter la loi. Le sachant, les trafiquants effectuent leurs déplacements la nuit. Ainsi les ¾ du bois illégal passent entre les mailles du filet. Sur le port de Santarém, un transporteur explique comment tout le bois quittant le port est « légal ».
Cependant, l\’enquête conduite par Greenpeace permet de connaître les pays importateurs de bois brésilien et les firmes qui achètent ces produits. La Suisse est présente parmi ceux-ci. L\’entreprise Gétaz–Miauton, de Saint-Légier dans le canton de Vaud, est citée comme importatrice. Les animateurs de l\’émission sont allés interviewer un responsable de la firme pour lui demander sa réaction face aux documents fournis par Greenpeace. Il a présenté le certificat – un « bon de sortie » – remis par les douanes helvétiques attestant que toutes les pièces prouvant une importation égale avaient été fournies. Gétaz-Miauton reconnaît qu\’il lui est impossible de connaître de quelle forêt provient le bois, sa vérification s\’arrête à la scierie. L\’entreprise s\’engage à être plus vigilante à l\’avenir.
Les animateurs ont également questionné une responsable de l\’Office Fédéral de l\’Environnement – OFEV à Berne : la Suisse, n\’a pas de réglementation – comme dans l\’Union Européenne – interdisant l\’importation de bois illégal. Depuis 2010, une déclaration de l\’espèce et de l\’origine du bois est cependant obligatoire pour tous les bois et les produits du bois, en tant qu\’information aux consommateurs. L\’Office souhaite voir l\’interdiction du bois illégal être traitée dans le cadre de la révision de la loi sur la Protection de l\’Environnement – LPE. Révision qui est un contre-projet indirect à l\’initiative populaire lancée par les Verts « Pour une économie durable fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte) » déposée en septembre 2012. En février 2014, le Conseil fédéral a adressé un message aux Chambres fédérales recommandant le rejet de l\’initiative, mais en proposant une révision de la LPE qui donnerait une base légale pour la lutte contre ce commerce. Le débat parlementaire a commencé au Conseil des États fin novembre qui a adopté la loi fédérale. Il devrait se poursuivre au Conseil National dans les mois qui viennent.
En novembre 2014, Greenpeace a organisé une opération coup de poing en mer du Nord pour dénoncer l\’arrivage de bois « suspect » en provenance de l\’Amazonie brésilienne en Europe. À la suite de cette opération l\’ONG a annoncé que diverses entreprises européennes ont suspendu leurs achats d\’Ipé auprès de Rainbow Trading, cette entreprise de Santarém plusieurs fois sanctionnée pour avoir commercialisé du bois extrait sans autorisation.
Ce trafic illégal de bois amazonien a déjà été dénoncé par Survival International**, notamment pour la sauvegarde du peuple Awá-Guajá de l\’État du Maranhão dont la Terre a été dévastée par des « madereiros » (exploitants forestiers). Dans le film « Indiens d\’Amazonie, le dernier combat » Survival a montré comment ce bois, coupé illégalement, est commercialisé en France.
La bataille contre la déforestation n\’est pas encore gagnée.
* L\’Ipé, parfois appelé « Ebène verte » est un bois dur, particulièrement recherché pour la construction de terrasses et escaliers extérieurs, bardages, mobilier de jardin, mais aussi pour divers aménagements intérieurs comme les parquets.
** Voir AYA Info No 90
PEC 215 : la « Bancada ruralista » perd une bataille
Prévue pour être adoptée le 17 décembre, la Proposition d\’Amendement Constitutionnel (PEC 215/00)* soutenue par la « Bancada ruralista », le lobby de l\’agrobusiness de la Chambre des députés brésilienne n\’a pas pu être votée. Ce texte visait notamment, à transférer, du pouvoir exécutif au pouvoir législatif, la décision finale relative à la démarcation des terres indigènes. La dernière version de proposition du député Osmar Serraglio réduisait encore les possibilités de faire reconnaître une terre comme étant d\’occupation indigène, condition essentielle pour sa démarcation. Les organisations indigènes étaient opposées à ce transfert, convaincues que le Congrès serait hostile à toute nouvelle démarcation. En fait, le 17 décembre, c\’est parce que la Commission spéciale chargée d\’examiner la PEC n\’a pas pu approuver le rapport du député Osmar Serraglio, qu\’à son tour, la Chambre des députés n\’a pas pu se prononcer. Le règlement interne de la Chambre prévoit qu\’un texte n\’ayant pas été adopté avant la fin de la législature (ce qui est le cas), doit être classé. Et la Commission spéciale dissoute.
Des organisations indigènes et indigénistes se sont mobilisées avant et pendant la réunion de la Commission chargée d\’examiner le projet. Il y a eu des manifestations dans diverses régions du pays. À Brasilia même, des Indiens ont manifesté au siège de la Confédération Nationale de l\’Agriculture et de l\’élevage – CNA et à la Chambre des députés où il y a eu des bousculades. La police a arrêté plusieurs Indiens qui ont été assez vite libérés. Le 19 décembre, l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a publié une note pour remercier tous les alliés de la cause indigène, au Brésil et dans le monde, qui se sont solidarisés pour la défense des droits indigènes gravement menacés à la fin de cette année 2014.
Si la « Bancada ruralista » a perdu une bataille, l\’avenir n\’est pas sans nuages pour les droits indigènes. Les dernières élections ont renforcé le lobby anti-indigène au Congrès. La « Bancada ruralista » compte désormais 257 représentants parmi les 513 membres de la Chambre des députés. Il est vraisemblable qu\’en 2015 – la rentrée parlementaire aura lieu le 1er février – cette proposition d\’amendement constitutionnel soit reprise sous une forme ou sous une autre.
La récente nomination de Katia Abreu, jusque-là Présidente de la Confédération Nationale de l\’Agriculture et de l\’élevage – CNA, au poste de Ministre de l\’agriculture va certainement « donner des ailes » à ceux qui aspirent à réduire les droits, acquis par le mouvement indigène, inscrits dans la Constitution de 1988.
L\’interview, donnée par la nouvelle ministre à la « Folha de São Paulo » le 5 janvier, a suscité des réactions. Elle y affirme que « Le Brésil a besoin d\’une réforme agraire ponctuelle déjà que le latifundium n\’existe plus dans le pays. Les conflits fonciers arrivent avec les indigènes parce qu\’ils sortent de la forêt pour aller dans les aires de production. » En réponse, le Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre – MST a repris un article de Tatiana Farah montrant qu\’entre 2003 et 2010, la concentration de la propriété de la terre a augmenté. De son côté, l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a diffusé une note dénonçant « le discours néocolonial, autoritaire et ethnocentrique de Katia Abreu qui tente de justifier l\’inversion des droits, l\’invasion, la spoliation des terres indigènes. » Et l\’APIB de demander à la Présidente de la République comment elle va honorer le contenu de son « Discours à la nation » prononcé le 1er janvier au Palais présidentiel au terme duquel elle affirme : « Aucun droit en moins, aucun pas en arrière, seulement plus de droits… C\’est là mon engagement sacré avant vous. C\’est le serment que je fais ici. »
Pour mémoire : de janvier 2011 à décembre 2014, Dilma Rousseff a battu un record, elle n\’a homologué que 11 Terres indigènes. Depuis 1985, c\’est le plus petit nombre de Terres Indigènes homologuées au cours d\’un mandat présidentiel.
* Voir AYA Info No 86 (28 septembre 2013) et No 87 (30 octobre 2013), No 89 (30 décembre 2013), No 93 (30 mai 2014),
Bernard Comoli
Meilleurs vœux
Les membres d\’AYA souhaitent à tous ses amis et lecteurs de ce bulletin une bonne et heureuse année 2015. Nous souhaitons à tous ceux qui luttent pour les droits des peuples indigènes, et les droits humains en général, d\’avoir quelques succès, de garder courage et optimisme. En 2015, la lutte contre les changements climatiques sera à l\’ordre du jour. L\’exemple des peuples autochtones qui ont su protéger leur cadre de vie devrait inspirer les « décideurs » et nous tous qui avons trop de comportements dangereux pour l\’avenir de notre mère planète.
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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