RDC – MSF en Ituri : « Deux années après, les gens de Gety se souvenaient encore de mon prénom. »

Pierluigi Testa est infirmier, chargé dans l’unité urgence de MSF du recrutement, en particulier, des paramédicaux. Aller sur le terrain au début d’une urgence fait aussi partie de ses attributions. Il revient de Gety, une ville de l’Ituri qu’il avait déjà bien connue lors d’une précédente intervention en 2006 autour de laquelle se trouvent actuellement de nombreuses personnes déplacées. « Dans de telles situations, il est important d’avoir une très bonne connaissance de la population. C’est avant tout cette proximité qui nous protège et nous permet de développer notre action. »
 
 « Je viens de passer trois semaines en Ituri comme responsable du projet que nous avons ouvert à Gety, une ville située au sud de Bunia. J’avais déjà travaillé là en 2006. A cette époque, des évènements violents avaient secoué l’Ituri et des communautés s’étaient entre-déchirées.
 
Cette fois-ci, nous avions appris que de nombreuses personnes avaient quitté leurs villes et villages des environs de Gety à la suite des affrontements d’octobre dernier entre l’armée régulière et des miliciens et se trouvaient en besoin d’assistance. Nous avons donc tout de suite décidé d’y retourner afin d’évaluer la situation dans les anciens sites de personnes déplacées –il faut rappeler qu’à cette époque c’étaient plus de 50 000 personnes qui s’étaient regroupées dans trois à quatre camps des environs de la ville. A mon arrivée à Gety, beaucoup de gens m’ont reconnu. Ils m’appelaient même par mon prénom. Un peu comme si je revenais chez moi…
 
Là, dans les sites de Tchekele et Aveba, les personnes autrefois déplacées étaient désormais installées depuis plus de deux années et ils avaient pu continuer à recevoir une assistance, au moins jusqu’au déclenchement de cette nouvelle crise. Ils n’avaient pas dans l’immédiat de besoins pressants. Par contre, il nous était alors impossible d’accéder aux populations qui avaient fui leurs villages tout récemment. Ils étaient isolés dans des lieux où, pour des raisons de sécurité, il ne nous était pas possible d’aller sans prendre les garanties nécessaires. La seule possibilité de pouvoir envisager, petit à petit, d’atteindre ces personnes était donc de s’installer à Gety, d’y assurer les soins et de commencer à faire les évaluations nécessaires dans les alentours, en tache d’huile, en établissant les contacts indispensables avec la population.
 
Ce sont souvent les rumeurs qui paralysent l’action
 
Ainsi, la première semaine, nous avons mis en place le projet à Gety et fait les premières évaluations sur  des axes que nous ne connaissions pas, vers le sud de la ville en direction de Boga. Les choses se passaient sans encombre jusqu’à ce que des rumeurs d’attaques ne viennent limiter les actions que nous avions commencées pour des personnes déplacées, isolées dans de petites poches situées vers Areba et Bukiringi. Ces rumeurs se sont rapidement révélées non fondées sur le terrain mais elles eurent comme effet, pendant un certain temps, de paralyser notre intervention dirigée vers les personnes déplacées.
 
Dans de telles situations où le principe de sécurité prévaut, on peut être parfois induit en erreur par des analyses faites au niveau des Nations Unies ou d’autres acteurs institutionnels. Ces acteurs, dans le cas présent, étaient à Bunia, coupés de la réalité du terrain mais faisant état de troubles, et pesaient lourdement sur les décisions d’intervention.
 
Malgré tout, au début de notre troisième semaine de présence, nous avons pu recommencer à nous déployer en réalisant des cliniques mobiles. L’un des risques rapidement identifiés pour ces populations qui avaient peur de se rendre dans leurs champs à cause des militaires, était la montée des problèmes nutritionnels chez les jeunes enfants. A mon départ, nous avions pris en charge plus de 80 enfants malnutris dont près du quart, sévèrement malnutris. Pour hospitaliser ces enfants, MSF a réhabilité un abri précédemment construit par Medair, une autre organisation travaillant dans le développement. De plus, comme l’hôpital de Gety n’était alors pas en état de pouvoir assurer, pour d’autres types d’hospitalisation, des soins de qualité suffisante, nous avons, en accord avec le médecin chef de zone, créé une unité d’urgence. Celle-ci permet de prendre en charge, avec du personnel médical MSF, la plupart des personnes nécessitant une hospitalisation.
 
Encore une fois, cette mission m’a montré l’importance de maintenir un bon niveau de connaissance sur ce qui se passe vraiment sur le terrain en restant très proche des populations. C’est cette proximité qui garantit à la fois une bonne définition des besoins et une appréciation au plus juste de la pertinence de nos interventions, surtout lorsqu’il est question de la sécurité de nos équipes. »
 

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