Être là, assister à l’ultime plénière du sommet des peuples en ce matin du 22 juin 2012, jour de clôture du sommet et sentir une déception palpable qui annonce un durcissement des positions et une radicalisation des mouvements sociaux.
Le sommet des peuples a d’ores et déjà rejeté la déclaration finale du sommet officiel et les ONG contestent haut et fort la troisème phrase de l’introduction du texte qui prétend que ce dernier a étè èlaboré « avec la participation pleine et active de la socièté civile ». En effet, ce petit insert est parfaitement inacceptable!
Le résultat minimaliste obtenu par les Chefs d’Etat n’est que l’expression de compromis ayant trop souvent franchi la limite de la compromission, notamment concernant les énergies vertes pour lesquelles l’accord « fait la part belle au secteur privé, pour lequel aucune réglementation contraignante pour respecter l’environnement et les droits humains n’est prévue », pour reprendre les terme d’Isolda Agazzi, représentente d’AllianceSud dans la délégation suisse officielle.
Les revendications des ONG et des mouvements sociaux n’ apparaissent pas dans le texte et, pire, certains aspects liés à la lutte contre la pauvreté qui étaient inscrits dans les objectifs du millénaires risquent fort de se dissoudre dans un concept plus flou et moins contraignant « d’objectifs du développement durable ».
Pendant ces quelques jours à Rio, deux mondes se sont côtoyés en espérant travailler ensemble sur « le futur que nous voulons » (slogan de la manifestation), mais pendant que la société civile faisait sien ce cri d’espoir en revendiquant un changement de paradigme et en appelant les États, à prendre de réels engagements pour asumer leurs responsabilités envers l’humanité, ces derniers ont réservé à cette aspiration populaire un mépris poli. Le pragmatisme a une fois de plus étouffé la volonté de changement… Une fois de trop, ai-je envie de dire, car le Brésil en tant que pays du Sud « émergeant » et Rio en particuliers, 20 ans après le 1er – et historique – Sommet de la Terre aurait été le lieu idéal pour faire preuve d’ un réel courage politique.
Ainsi, nous sommes nombreuses et nombreux, ce matin à nous réveiller avec une frustration qu’il faudra transformer en résistance renouvellée… La seule certitude est que c’est bien nous » le peuple » qui marchons dans le sens de l’Histoire avec un grand H : pendant que les grands de ce monde jouent à défendre leurs intérêts particuliers sans être capables de s’élever au-dessus de leurs tristes marchandages. Visiblement l’esprit de Rio était sur l’Aterro de Flamengo et ne soufflait pas assez fort pour atteindre les couloirs froids du Riocentro!
Patricia Dubois
Membre du Comité d’E-CHANGER
22 de juin 2012
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Sommet des peuples – Impressions et tête en vrac!
Espoir, joie, fatigue, peur, attentes, excitation, incompréhension, questions, réponses, hésitations, certitudes, doutes, ma tête va exploser !
Devant mon ordinateur, de retour à São Paulo, je ne sais par où commencer le récit de mon expérience au Sommet des Peuples ! 6 jours de conférences, débats, plénières, assemblées, mobilisations, manifestations, rencontres, émotions. Ce fut très intense ! Très impressionnant aussi ; voir autant de gens réunis pour défendre l’avenir de notre Terre, de la Pacha Mama. Par contre, on a vite remarqué le manque de représentants asiatiques, européens et africains. Forcément, il est moins facile de venir au Brésil depuis le Zimbabwe que depuis Brasilia, du coup, je me suis demandée si le processus n’aurait pas été plus complet s’il avait été organisé un Sommet des Peuples dans chaque région du monde, puis un autre général pour joindre les conclusions de chacun, enfin bref…
Lorsqu’on arrive à l’Aterro do Flamengo, à Rio, au bord de l’océan, déjà, on trouve ça sublime et ensuite on est submergé par les options ; on ne sait où donner de la tête, où aller, à quelle conférence assister, pourquoi ?! Il y avait des centaines d’activités autogérées, organisées par les ONGs, institutions, réseaux et mouvements sociaux présents pendant le Sommet. 48 pages de programmation. Puis, il y avait les cinq plénières thématiques : Droits pour la Justice Sociale et Environnementale – Défense des Biens Communs et contre la Marchandisation de la Vie – Souveraineté Alimentaire – Energie et Industries d’Extraction – Travail. Elles étaient destinées à préparer les trois Assemblées des Peuples : Causes Structurelles et Fausses Solutions – Nos Solutions – Agenda de Luttes et Campagnes.
J’aimerais m’arrêter sur deux moments qui pour moi ont été très forts en émotion : la mobilisation de mercredi 20 juin au centre de Rio et l’assemblée des peuples nommée Nos Solutions, le jeudi 21 juin.
Lorsque nous sommes arrivés à la manifestation, je suis restée bouche bée ; je n’avais jamais vu autant de gens dans la rue revendiquer et défendre leurs droits : 80’000 personnes ! Quoi qu’en disent certains quotidiens brésiliens qui ont compté 20’000 manifestants. Encore une fois, on n’a pu se rendre compte du pouvoir des grands manitous de la communication qui se font un plaisir de désinformer sur et dénigrer les actions de la société civile. Bref, c’était vraiment émouvant. Les diverses délégations des mouvements sociaux hurlaient leurs slogans à tue-tête et parfois tout le monde se mettait à unisson, le point levé, criant : O povo unido jamais será vencido ! Le peuple uni ne sera jamais vaincu !
Puis, l’assemblée des peuples, jeudi après-midi : présentation de Nos Solutions, les nôtres, celles qui existent mais que nos chers gouvernements n’osent pas voir. Deux représentants par plénière thématique ont déclamé les idées, concepts, droits des peuples et devoirs de tous qui pourraient (je vais être présomptueuse mais tant pis) sauver notre planète. Alors bien sûr, sur le moment, on est plein d’espoir, on se dit : « mais c’est évident ! ». Mais ensuite, on pense : « et en pratique ? ».
Du coup, de retour à mon bureau, je suis pleine d’espoir mais aussi pleine de doutes et d’interrogations. Comment va-t-on accomplir tout cela ? Comment va-t-on convaincre les gouvernements d’écouter leurs peuples et de jouer le véritable jeu de la démocratie ? Comment va-t-on expliquer à ceux qui ne sont pas d’accord avec nous qu’ils ont tort ?
Les engagements pris par les Etats lors de la conférence Rio + 20 sont insuffisants, même Madame Leuthard, entre autres, l’a admis. Ce qui est certain, c’est que l’on accompli rien tout seul et qu’il va falloir encore travailler beaucoup, afin de rassembler tout le monde autour de la même table. « C’est dans le collectif que le rêve devient réalité ».
Angélique Duruz, cooper-actrice E-CHANGER en Brésil
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Un premier bilan du Sommet des Peuples aux yeux de la Marche Mondiale des Femmes
En plénière l’avant-dernier jour du Sommet des Peuples, la Marche Mondiale des Femmes (MMF) a réuni leur délégation brésilienne et quelques déléguées internationales (de Mozambique, du Pérou et des Philippines), pour un échange d’expériences et stratégies de luttes. Elles ont commencé par se rappeler des raisons pour lesquelles la MMF a décidé d’investir dans ce processus politique.
Pour Graça Samo de Mozambique, membre du Comité International de MMF pour l’Afrique, la lutte de la MMF n’est pas individuel; nous avons besoin de s’allier avec des autres mouvements sociaux pour renforcer nos voix et réflexions collectives par rapport aux questions structurelles. Les défis sont très grands et , pour les confronter, il faut que nous construisions nos positions politiques et nos chemin ensemble.
Sarah Luiza Moreira, jeune lider de la MMF dans l’état du Ceará au nord- est du Brésil, souligne l’importance de montrer que le débat ‘eco’ ne devrait pas se réduire à l’environnement (l’eau, l’Amazonie, etc); le personnes – femmes et hommes – font aussi partie de l’environnement dans lequel nous vivons, et souffrent des forts impacts liés à la destruction et exploration du même. « Nous avons besoin de penser la ‘durabilité’ (« sustainability », en anglais) a partir de tous les regardes », elle ajoute.
Un premier bilan très positive
A l’occasion de la plénière, les participantes ont aussi profité pour faire un premier bilan de l’ensemble du Sommet, dont très positive aux yeux de toutes.
Pour Sarah, c’est six jours ont permis des moments très importants d’articulation et renforcement de la MMF au niveaux national et des états ( en lien avec le mouvement au niveau international). A partir des manifestations massives et actions directes dans les rues de La ville de Rio de Janeiro – les moments « plus forts », selon Sarah – la MMF à réussi à attraire l’attention de la société par rapport à les fausses solutions proposé par les promoteurs de l’économie verte, et de nos alternatives, telles comme l’économie féministe et solidaire, la souveraineté alimentaire et énergétique, et la division du travail domestique et de soin (« care work » en anglais).
En conclusion, Graça a partagé un des défis des mouvements pour l’avenir proche: la nécessité de continuer la construction d’espaces inter-sectoriel de construction, d’alliances, et de convergence, pour nous permettre de confronter les crises (économique, environnemental, énergétique, etc.) du contexte actuel. « Nous avons besoin de renforcer notre vision structurel pour transformer le système ».
Celia Alldridge, Coordinaton E-CHANGER/Brésil
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Vila Autódromo, une communauté menacée d’expulsion, à quelques kilomètres de Rio+20
Mouvements urbains et pour un habitat digne, mouvements de femmes, mouvement des sans-terre, mouvements indigènes… des dizaines de milliers de militants engagés au Sommet des Peuples se sont rassemblés à l’aube du mercredi 20 juin pour une manifestation de soutien aux habitants de la favela de Villa Autódromo, menacés d’expulsion.
Un symbole des injustices sociales et environnementales
Alors que des dirigeants et diplomates du monde entier discutent âprement un accord déjà jugé régressif, Villa Autódromo, située à quelques kilomètres du centre de conférence, est un exemple, parmi tant d’autres, des injustices sociales et environnementales.
Fondée dès les années 80, cette communauté d’environ 4000 personnes, se bat depuis plus de 20 ans contre des tentatives d’expulsion. La pression des spéculateurs immobiliers est encore renforcée cette année par un projet de construction d’infrastructure pour accueillir les jeux olympiques de 2016.
Parmi les nombreux arguments pour justifier une expulsion contraire à la législation brésilienne, celui du non respect des normes environnementales sonne comme une alerte des dérives de l’utilisation de l’écologie pour stigmatiser les populations les plus démunies.
Une manifestation sous haute surveillance
Après avoir défilé dans la favela, les militants, entrainés par les mouvements indigènes, se sont dirigés vers le centre de conférence. La marche a été arrêtée par un barrage policier armé impressionnant. Nous avons également pu voir les véhicules blindés de la brigade de choc de Rio et des snipeurs sur le toit d’un immeuble.
Après avoir négociés un rendez-vous avec les autorités, les manifestants sont repartis dans le calme au centre-ville, escortés par les forces de l’ordre. Pendant ce temps, au centre de conférence, les négociations de la déclaration de Rio+20 suivaient leur cours.
Tania Zinoviev et Adrian Zeller, Cooper-acteurs E-CHANGER en Brésil