Premier volet d’une interview triptyque, Sergio Bulcão, coordinateur de projets à Salvador, présente l’UNIÃO de Moradia Popular Bahia. Il retrace, ici, l’histoire du mouvement, ses valeurs et le contexte actuel de l’urbanisation à Salvador de Bahia. Pour l’UNIÃO, le droit à un logement digne ne s’arrête pas à quatre murs et un toit.
Comment l’UMP Bahia s’est constituée ? Depuis quand ? Avec qui ?
Il y a huit ans, certaines personnes se sont réunies pour construire l’actuel UNIÃO de Moradia Popular de Bahia. L’objectif était d’essayer d’organiser les différentes communautés d’habitants de Salvador en créant un mouvement social fort pouvant appuyer les revendications des quartiers afin d’améliorer les conditions de vie des personnes habitant dans des quartiers populaires. Nous sommes donc rentrés en contact avec l’entité nationale de l’UNIÃO (N.d.l.r. : UNIÃO Nacional de Moradia Popular), puis nous avons organisé plusieurs séminaires de formation et de capacitation. Aujourd’hui l’UMP Bahia fait partie de la réalité de la cité. Nous travaillons sur différents projets de quartier qui sont viables.
Toutes les personnes qui étaient présentes à la naissance de ce mouvement font toujours partie de la coordination. Il y a Marli, Bitonho, Raimundo, Mirra, Jorge et moi. Pour la majorité, toutes ces personnes appuyaient déjà les revendications de leur propre quartier. Cette union de plusieurs leaders a créé la direction de l’UMP BA.
Quelles sont les valeurs et les revendications de l’UMP BA ?
La dignité humaine et plus spécifiquement l’habitat digne pour toutes les personnes indépendamment de leur religion, culture ou couleur de peau. Nous sommes très attachés à promouvoir le droit à un habitat digne qui aujourd’hui fait partie de la constitution brésilienne. Malheureusement, jusqu’à présent, cette loi n’est pas appliquée. Nous tentons de rendre accessible ce droit à tous, mêmes aux personnes qui n’ont pas de revenu.
Nous promouvons un habitat digne, non pas n’importe quel type de logement car il existe des projets gouvernementaux où les maisons sont inadéquates. Il nous faut prendre en considération la taille de la famille…un ensemble de données essentiel pour développer un cadre de vie conforme aux droits des bénéficiaires de ces projets.
« A Salvador, sur 750 000 habitations,
250 000 sont insalubres. »
L’habitat digne ne se résume pas à quatre murs et un toit. Il s’agit d’un concept incluant le droit à la santé, à la scolarisation, aux transports…jusqu’à l’emploi. Toute l’infrastructure doit être pensée selon ses différents droits. Travailler la question de l’habitat sans prendre en considération la citoyenneté de l’individu pour qu’ils puissent maintenir sa maison et sa famille signifie développer un projet qui n’est pas réaliste et réalisable. Le droit à l’emploi par exemple est important pour que les personnes puissent donner une continuité à leur vie.
Les revendications de l’UNIÃO s’appuient sur le fait qu’ils existent des millions de personnes au Brésil qui restent en marge de ces droits. Rien qu’à Salvador de Bahia, nous avons besoin de 100 000 nouveaux logements, selon des enquêtes urbanistiques, afin de résoudre la problématique des sans-toit. De plus, à Salvador, sur 750 000 habitations, 250 000 sont insalubres.
L’UNIÃO travaille aussi beaucoup au niveau de la participation populaire afin de faire en sorte que chacun soit entendu et qu’ils connaissent leur droit. Marli, par exemple, fait partie du conseil national de la cité où se discute toute la politique du Brésil, y compris la politique urbaine. Elle représente donc l’UNIÃO au ministère de la cité où se réunissent les différents conseillers et les différents mouvements sociaux. En tant que conseillère, elle prend part aux décisions relevant du plan directeur de la ville, du budget, etc. Nous avons également une action forte au niveau de la préparation de ces lois, ainsi que de leur application au niveau des municipalités.
Notre revendication principale consiste à ce que les mouvements sociaux soient entendus et qu’il rentre dans un processus de citoyenneté et de participation populaire.
Comment s’organise l’UMP BA ?
L’UMP BA est formée par une coordination de 17 membres qui se réunit toutes les deux semaines. On y discute le programme de la lutte, ses lignes de conduites, nos projets et leurs développements. La manière dont nous nous organisons se fait collégialement ; on promeut une démocratie intégrale où tout le monde bénéficie du même droit de parler, d’écouter, de placer ces propositions indépendamment de ses charges. En dehors de la coordination, nous écoutons les autres mouvements développant des projets qui s’articulent avec l’UNIÃO. Bref, nous tentons de nous organiser de la manière la plus démocratique possible.
« Il s’agit de générer un dialogue entre le pouvoir public,
les mouvements sociaux et la société civile
afin d’optimiser les outils de travail que nous utilisons »
Combien d’associations sont affiliées à l’UNIÃO ?
C’est une chose qui n’est pas encore résolue au sein de l’UNIÃO ; nous n’avons pas encore défini les critères précis d’admission des différentes associations, ni de quelle forme nous les recevons et les admettons. Une adhésion pour nous n’est pas un acte formel. C’est acte politique, tant d’un point de vue de l’identité, de la relation avec le mouvement, que dans le sens de partager des valeurs communes, voire la même vision de l’habitat populaire.
On peut toutefois considérer que sur Salvador, il existe quelques dix associations partenaires de l’UNIÃO. En dehors de cela, quelques mouvements de sans-toit alimentent un dialogue profond sur la question de la l’habitat et des formes de luttes. Les synergies créées permettent de travailler avec les mêmes outils afin de permettre aux bénéficiaires du programme de résoudre leurs problèmes dans les plus brefs délais.
En somme, il s’agit de générer un dialogue entre le pouvoir public, les mouvements sociaux et la société civile afin d’optimiser les outils de travail que nous utilisons.
Les entités locales cherchent aussi à se mettre en relation avec d’autres mouvements d’Amérique latine. Récemment, en 2006, nous avons rendu visite aux différents projets de la FUCVAM (N.d.l.r. : Federación Uruguaya de Cooperativas de Viviendas por Ayuda Mutua, Fédération Uruguayenne de Coopératives des Logements construits grâce à l’Aide Mutuelle) qui nous sert d’exemple dans le cadre de l’élaboration de nos projets. En effet, ils jouissent déjà de beaucoup d’expérience dans le cadre de la construction grâce à l’aide mutuelle. Au-delà de l’UNIÃO nationale (qui comportent 17 régions au Brésil), l’UMP Bahia est affiliée au centre de coopération suédois. Ce projet comporte donc un aspect national, certes, mais dont le siège réside à Bahia et qui se focalise sur l’organisation de l’UNIÃO dans la région du Nordeste. Au Nordeste, les régions partenaires sont le Maranhão et l’Alagoas. Notre but est de renforcer la région du Nordeste qui est la plus pauvre du Brésil. Cette zone vit de graves problèmes, principalement par rapport à l’habitat. Avec ce partenariat, l’UNIÃO peut agir avec efficience dans la région en obtenant un soutien direct finançant l’organisation.
Propos recueillis par Claire Rinaldi et Olivier Grobet
Fragments de parole
Sergio Bulcão : « Nous promouvons un habitat digne »
Sergio Bulcão : « Les sans-toit sont des personnes qui ne sont pas propriétaires de leur propre maison et qui vivent avec un salaire à bas revenu »
Sergio Bulcão : » L’UNIÃO a la responsabilité de faire valoir la voix des différents mouvements de l’état de Bahia au niveau municipal, étatique et fédéral «
Une réflexion sur « Sergio Bulcão : « Nous promouvons un habitat digne » »