Somalie – Découvrez le témoignage d’un équipier de Medair, lui-même ancien réfugié, qui aide aujourd’hui les familles venues chercher refuge au Somaliland.
L’une des pires catastrophes humanitaires au monde continue de déchirer la Somalie et le Somaliland. Les conflits à répétition qui ravagent la Somalie et la sécheresse chronique que connaît la région ont plongé plus de trois millions de personnes dans un état de grand dénuement nécessitant une aide d’urgence et de survie.
État où les élections se déroulent selon un processus démocratique et transparent, le Somaliland fait figure de territoire relativement stable au sein d’une région habituellement en proie aux conflits armés. Nombre de ses habitants frappés par la sécheresse, auxquels s’ajoutent des dizaines de milliers de personnes ayant fui les violences du Centre-Sud de la Somalie livrent chaque jour un seul et même combat : trouver de quoi nourrir leurs familles. Medair est la seule ONG internationale présente à Burao, l’une des principales villes du Somaliland, où elle apporte une aide nutritionnelle aux enfants de moins de cinq ans qui sont les plus exposés aux dangers de la malnutrition.
Âgé de 30 ans, Abdullahi Abdi Ahmed travaille pour Medair en tant que responsable de programme alimentaire à Burao. Dans le témoignage qui suit, Abdullahi nous fait découvrir le quotidien d’une population accablée par des années de conflits et surtout comment Medair sauve de nombreuses vies dans cette région.
Un jeune réfugié
Je n’avais que huit ans lorsque la guerre civile a éclaté en 1988. Ma famille a fui le pays pour rejoindre des camps de réfugiés en Éthiopie où nous sommes restés trois années, pendant lesquelles je ne suis pas allé à l’école et je n’ai reçu aucune aide… J’ai mené la vie d’un jeune réfugié.
Ce n’est que de retour au Somaliland que je suis entré à l’école. J’ai enfin pu reprendre une vie normale. Je suis allé à l’école primaire, puis à l’école secondaire et à l’université.
Cela fait maintenant un an et demi que je vis à Burao. Vous savez, lorsqu’une guerre éclate, les gens sont déstabilisés et changent de comportement. Ils deviennent très méfiants de peur d’être exploités, même si vous leur venez en aide et leur consacrez votre temps. Après la guerre, beaucoup de personnes disaient : « Cet homme n’est pas de notre clan, ce jeune homme vient d’une autre tribu et ne peut donc pas représenter les intérêts de notre clan. »
La plus grosse difficulté que je rencontre dans mon travail à Burao tient à mon appartenance à une autre tribu. Les gens me perçoivent différemment du fait de mes origines. Lorsque je suis arrivé à Burao, on me demandait toujours pourquoi j’étais venu travailler ici. Tout ça parce que je venais d’une autre région, d’une autre tribu.
Pourtant, je suis arrivé ici en me disant : « Ce pays est le mien. Peu importe ma tribu d’origine. » Depuis tout petit, j’ai toujours voulu travailler au sein d’une organisation humanitaire. Je sais les épreuves que traversent les gens ici. Si nous ne venons pas en aide aux familles qui nous entourent, les problèmes persisteront et notre nation ne s’en sortira jamais.
Une fois que les gens se rendent compte que mes intentions sont sincères et sans ambiguïté, ils apprennent à me connaître et sont prêts à m’aider. Ils comprennent peu à peu que je n’ai pas d’a priori et que les différences tribales m’importent peu.
Des enfants meurent
On a parfois le sentiment que la population se remet doucement des conflits et commence à se reconstruire. Mais les sécheresses de ces trois dernières années ont terriblement affaibli les habitants de la région.
Auparavant, les enfants de Burao étaient sévèrement malnutris. Un grand nombre d’entre eux mourait chaque jour. Aujourd’hui, grâce au soutien de Medair, beaucoup moins d’enfants souffrent de malnutrition sévère. L’action sur le terrain et le suivi quotidien des enfants sous-alimentés ont permis à la plupart des habitants de Burao de se rétablir.
À l’heure actuelle, les bénéficiaires du programme alimentaire sont issus en majorité de régions isolées. Ils arrivent en ville pour visiter de la famille ou encore pour recevoir des soins. La plupart des habitants de la ville savent que Medair vient en aide aux enfants extrêmement faibles et amaigris. Lorsqu’ils accueillent des membres de leur famille venus de loin, ils leur conseillent de conduire leur enfant au centre de soins de Medair, où il sera nourri et soigné.
Nous transférons ensuite ces enfants au centre de stabilisation où ils sont traités et pris en charge pendant une à deux semaines. Une fois qu’ils ont repris des forces, ils retournent au centre de Medair et bénéficient du programme alimentaire jusqu’à ce qu’ils soient complètement rétablis.
Des réfugiés en détresse
Burao accueille de nombreux réfugiés fuyant les violences qui sévissent en Somalie. Au cours de leur voyage, ces personnes doivent surmonter d’innombrables difficultés. Certaines d’entre elles me confient qu’elles ont été dépouillées pendant leur voyage, d’autres me révèlent qu’elles ont été violées ou encore qu’elles ont connu toutes sortes d’ennuis, car elles n’avaient plus d’argent. Les réfugiés parcourent de très longues distances à pied pour se rendre à Burao. Ils arrivent ici épuisés, à bout de nerfs et il n’est pas rare qu’ils fondent en larmes lorsqu’ils me racontent leur voyage jusqu’à Burao.
Lorsque quelqu’un est contraint de quitter le village où il a grandi pour se rendre dans une région où il n’a aucune famille, où les autorités en place ne lui accordent aucun droit, et où il ne possède absolument rien, il se sent aussi vulnérable qu’un enfant qui vient de naître.
Si de surcroît il n’y a personne pour lui prêter secours, que peut-il faire ? Vers qui peut-il se tourner pour trouver de l’aide ? Aujourd’hui, Medair s’occupe très bien de ces personnes, mais sans ce soutien, la majorité des réfugiés se retrouverait dans une situation de grande précarité. Notre travail au Somaliland est très important, car nous offrons une assistance à des milliers de réfugiés qui en ont cruellement besoin.
En côtoyant les familles de réfugiés qui vivent ici depuis un certain temps, je constate qu’il n’y a plus guère d’enfants souffrant de malnutrition sévère. La plupart des enfants qui étaient sévèrement malnutris à leur arrivée dans le camp présentent aujourd’hui une malnutrition modérée ou sont complètement rétablis. Parfois, nous nous rendons sur place pour ausculter tous les enfants présents dans le camp et, à moins qu’il ne s’agisse de nouveaux arrivants, nous ne décelons plus de cas de malnutrition. Grâce au travail de Medair sur le terrain, la majorité des enfants se sont complètement remis.
L’espoir d’une vie meilleure
Je sais que les enfants qui sont admis au programme alimentaire vont s’en sortir, surtout s’ils bénéficient de nos campagnes d’éducation sanitaire ainsi que des rations alimentaires que nous distribuons.
Les personnes qui vivent ici nourrissent toutes au fond d’elles l’espoir qu’un jour viendra où il fera bon vivre dans leur pays. Je sais que les autorités en place tentent de trouver des solutions à nos problèmes, mais il reste encore beaucoup à faire.
La plupart des réfugiés espèrent pouvoir s’adapter à leur nouvelle vie ici et trouver un moyen de sortir de la pauvreté. Certains parviennent même à quitter le camp pour aller s’installer en ville. Ceux qui ont une profession essayent de trouver un emploi pour s’intégrer au tissu social local. Lorsque les pluies reviendront, les personnes qui ont quitté leur village en raison de la sécheresse y retourneront très probablement. Quant à ceux qui ont trouvé ici un refuge contre la guerre et les conflits, je pense qu’ils resteront encore un bon moment.
Burao : avant et après
Les habitants de Burao sont très fiers du programme que nous menons ici. Avant l’arrivée de Medair, la situation était très difficile. De nombreux enfants étaient en état de malnutrition sévère et les réfugiés venus d’autres régions ne recevaient aucune aide, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ces réfugiés ont besoin de latrines, d’eau potable et de beaucoup d’autres choses encore.
Parallèlement à son programme alimentaire, Medair propose des services d’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Avant l’arrivée de Medair, très peu d’enfants étaient vaccinés. Aujourd’hui, nous en vaccinons un grand nombre et espérons ainsi que nos enfants seront désormais à l’abri de la polio ou d’autres maladies infectieuses.
Voilà pourquoi Medair doit poursuivre son action au Somaliland. Elle est venue en aide à un grand nombre de personnes vulnérables. Sans cette aide, de nombreux enfants seraient morts de malnutrition. Les adultes, quant à eux, auraient été victimes du choléra et de la dysenterie s’ils n’avaient pas eu accès notamment à l’eau potable et à des latrines propres.
Avant de travailler ici, j’occupais un emploi dans une entreprise. Mais j’ai toujours ressenti le désir de venir en aide aux habitants de mon pays, chose que je ne pouvais faire dans le cadre de mon emploi. Aujourd’hui, je me sens utile. Je ne travaille plus uniquement pour moi-même, mais pour ceux qui sont dans le besoin.
En 2009, le programme thérapeutique ambulatoire de Medair a permis de prendre en charge 2331 enfants sévèrement malnutris, soit bien plus que les 225 enfants initialement prévus ! Notre programme alimentaire complémentaire a permis parallèlement de prendre en charge plus de 5000 enfants.
Medair a mis en place dans la région un programme complet qui a déjà porté ses fruits. Cependant, il reste encore fort à faire pour étendre notre action à un plus grand nombre de personnes vulnérables, en leur offrant un soutien nutritionnel, des services de santé, ainsi qu’un accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène.
Merci de faire un don aujourd’hui pour soutenir ce programme d’urgence en faveur des personnes les plus vulnérables.
Le travail de Medair au Somaliland est financé par les dons privés, Tearfund (Nouvelle-Zélande), la Direction du développement et de la coopération (Suisse), l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial.
Medair est présente en Somalie et au Somaliland depuis 2008. Intervenant à la fois à Burao au Somaliland et à Cadale en Somalie par l’intermédiaire d’un partenaire local, elle offre un soutien nutritionnel, des services de santé et un meilleur accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène aux personnes durement affectées par la sécheresse et les conflits. Le Somaliland a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Somalie en 1991, mais ce jeune État n’est officiellement reconnu par aucun gouvernement.
Cet article a été rédigé grâce aux informations recueillies par le personnel Medair (sur le terrain et au siège). Le contenu de cet article n’engage que Medair et ne doit en aucun cas être considéré comme le reflet de l’opinion officielle d’une quelconque autre organisation.
www.medair.org