A l’occasion du sommet de l’Union africaine (UA), à Addis-Abéba (Ethiopie), les 29 et 30 janvier 2007, Reporters sans frontières appelle le nouveau secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon, à protester officiellement auprès des autorités érythréennes contre les incarcérations arbitraires de journalistes et l’absence totale de liberté d’expression dans le pays depuis 2001.
« Puisque Ban Ki-moon a annoncé qu’il faisait de la défense des droits de l’homme et de l’Afrique l’une de ses priorités, nous l’appelons à ne pas rester insensible face à l’enfer quotidien que vivent la plupart des journalistes érythréens. A la veille du sommet de l’Union africaine à Addis-Abéba, il serait incompréhensible que Ban Ki-moon ne proteste pas publiquement contre le comportement intolérable du président Issaias Afeworki et de son gouvernement vis-à-vis de la presse », a déclaré l’organisation.
Selon les informations obtenues par Reporters sans frontières, au moins trois journalistes des médias publics sont actuellement détenus à Asmara, venant s’ajouter aux treize professionnels des médias maintenus au secret depuis septembre 2001, et dont au moins trois pourraient avoir trouvé la mort en 2005 et 2006 dans le centre de détention d’Eiraeiro (Nord-Est).
Temesghen Abay, journaliste du service en tigrinya de la station publique Radio Dimtsi Hafash, Getachew Asfaha, du service en amharique de la chaîne publique Eri-TV, et Asmerom Berhe, du service en tigrinya de Eri-TV, sont actuellement détenus au commissariat de police n°5 de la capitale. Si Temesghen Abay avait été concerné par la vague d’arrestations qui a commencé le 12 novembre 2006 au sein des médias d’Etat, Getachew Asfaha a pour sa part été interpellé début décembre et Asmeron Berhe dans la semaine du 18 au 22 décembre, sans que l’on connaisse exactement le motif de ces mesures. Paulos Netabay, rédacteur en chef du quotidien gouvernemental Haddas Eritrea, a également été arrêté fin novembre 2006. Les informations recueillies par Reporters sans frontières sur sa situation actuelle sont contradictoires. Le 1er janvier 2007, il a conduit une interview du président Issaias Afeworki sur Eri-TV, mais il n’est pas certain qu’il ne soit pas conduit en détention après avoir été forcé de se rendre sur son lieu de travail.
Tous les autres « prisonniers de novembre » ont été relâchés sous caution. Senait Tesfay, animatrice du service en tigrinya de Eri-TV, Paulos Kidane, du service en amharique de Eri-TV et de Radio Dimtsi Hafash, Daniel Mussie, du service en oromo de Radio Dimtsi Hafash, Yemane Haile, de l’agence gouvernementale Eritrean News Agency (ENA), Fathia Khaled, animatrice du service en arabe de Eri-TV, et Amir Ibrahim, journaliste du service en arabe de Eri-TV, ont ainsi été libérés après quelques semaines de détention. Ils ont d’abord été incarcérés à « Agip », un centre de détention de la police, situé face à la présidence. Transférés ensuite dans la prison souterraine du commissariat de police n°5, ils ont été battus jusqu’à ce qu’ils livrent les mots de passe de leurs comptes de courrier électronique. Depuis, ils sont suivis et leurs téléphones placés sur écoutes. Ils ont été contraints de retourner à leur travail. Interdiction formelle leur est faite de quitter la ville d’Asmara.
L’un d’eux, Ahmed « Bahja » Idriss, du service en arabe de Eri-TV, avait été relâché mais a de nouveau été arrêté fin décembre à la frontière avec le Soudan, alors qu’il cherchait à quitter le pays. D’abord transféré vers un lieu de détention inconnu, Reporters sans frontières craignait pour son intégrité physique, étant donné le traitement brutal réservé par les autorités érythréennes à ceux qui tentent de fuir le pays. Ahmed « Bahja » Idriss aurait depuis été remis en liberté, sans que l’on puisse confirmer cette information avec certitude.
Selon plusieurs sources interrogées par Reporters sans frontières, tous pourraient avoir été arrêtés suite à la défection récente de plusieurs journalistes célèbres des médias publics, qui a singulièrement irrité le gouvernement. Les autorités les aurait arrêtés parce qu’ils étaient suspectés d’être restés en contact avec les fugitifs ou de chercher à fuir eux-mêmes.