Analyse du contexte actuel
En République Démocratique du Congo, de nombreuses filles rêvent de pratiquer le sport, que ce soit le football, le basket, l’athlétisme ou d’autres disciplines. Mais trop souvent, elles se heurtent à des stéréotypes profondément enracinés :
• “Le sport, c’est pour les garçons.” Dans certaines écoles, les terrains sont réservés quasi exclusivement aux garçons, tandis que les filles sont orientées vers des activités considérées comme « plus féminines » comme la danse ou la couture.
• “Une fille sportive est moins féminine.” Des adolescentes racontent être moquées ou découragées par leurs propres familles parce qu’elles transpirent, portent des shorts ou reviennent tard des entraînements.
• “Une fille qui court ou joue au foot perd sa dignité.” Dans plusieurs communautés, une fille qui s’engage dans un sport de compétition est perçue comme « rebelle » et jugée inapte à devenir une « bonne épouse ».
• Certaines jeunes sportives abandonnent après avoir subi des insultes publiques, ou même des interdictions imposées par leurs parents, sous prétexte que le sport « déshonore la famille ».
• Les rares filles qui persistent doivent souvent affronter le manque de vestiaires adaptés, le harcèlement sur les terrains, ou encore l’absence de soutien institutionnel pour les encourager à aller plus loin.
En République Démocratique du Congo, seulement 32 % des filles pratiquent régulièrement un sport, contre une majorité de garçons. Cette disparité met en lumière le poids des stéréotypes et des obstacles sociaux qui freinent l’accès des filles aux activités sportives.
Parallèlement, le taux d’abandon scolaire chez les filles atteint 18 %, souvent lié aux mariages précoces, à la grossesse ou au manque de soutien familial. Le sport peut jouer un rôle concret pour prévenir ce risque :
• En offrant un espace structuré et sécurisé, les filles sont moins exposées à des situations de vulnérabilité.
• En favorisant la discipline, la persévérance et le leadership, le sport contribue à la motivation scolaire et à la confiance en soi.
• En renforçant les relations sociales positives, il permet aux filles de se constituer un réseau d’amies et de mentors qui les soutiennent dans leur parcours éducatif.
Ainsi, le sport n’est pas seulement un droit et un loisir : il devient un outil d’émancipation et de protection, capable de réduire le décrochage scolaire et de lutter contre les inégalités de genre.
Le sport comme levier d’égalité et de dignité
Le sport n’est pas qu’un jeu ou un divertissement. Il représente :
• Un espace d’expression où les filles peuvent prouver leur force, leur discipline et leur esprit d’équipe.
• Un outil d’éducation qui favorise la confiance en soi, la persévérance et le leadership.
• Un vecteur de protection en offrant un cadre collectif qui éloigne les jeunes filles des violences et des mariages précoces.
• Un droit fondamental inscrit dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les principes d’égalité de genre.
Encourager les filles à faire du sport, c’est contribuer à bâtir une société plus inclusive et équitable.
Les stéréotypes à déconstruire
Dans beaucoup de familles et de communautés, le sport des filles est perçu comme une transgression sociale. Certaines abandonnent leurs rêves sous la pression notamment ( la peur d’être jugées comme “rebelles” ou “garçons manqués, le manque d’infrastructures sûres pour pratiquer, absence de modèles féminins visibles dans le sport congolais. Ces barrières ne sont pas seulement sociales, elles sont aussi culturelles et structurelles. Mais elles peuvent être renversées.
Un appel collectif
Changer les mentalités nécessite des programmes éducatifs qui valorisent la place des filles dans le sport, des initiatives communautaires qui associent parents, écoles et leaders locaux, des campagnes médiatiques montrant des filles et femmes sportives comme des modèles positifs et des partenariats entre ONG, clubs sportifs et institutions pour créer des espaces sécurisés et inclusifs.
Témoignages illustratif
Ces préjugés, au-delà d’être des paroles blessantes, deviennent de véritables obstacles structurels qui limitent les libertés et opportunités des filles. Et pourtant, le sport est un droit, un espace d’expression et un puissant outil d’émancipation.
En terme de témoignage illustratif , prenons l’exemple de Grâce, 15 ans, élève dans une école secondaire de Goma. Passionnée de football, elle rêvait de rejoindre l’équipe masculine de son quartier. Mais rapidement, elle a été confrontée aux moqueries : “Tu perds ton temps, le foot c’est pour les garçons.”
Sa famille a fini par lui interdire de jouer, estimant que cela ternissait son image. Comme beaucoup d’autres filles, Grâce a dû renoncer à son rêve, faute d’un cadre bienveillant et de soutien.
Les stéréotypes liés au sport frappent encore plus durement les filles déplacées, victimes de conflits, issues de familles pauvres, adolescentes mères ou mariées précocement, ainsi que celles vivant dans des zones rurales où le sport féminin reste quasi inexistant. »
Obstacles persistants
L’histoire de Grâce n’est pas isolée. Elle reflète une réalité où :
• Les filles n’ont pas d’espaces sûrs pour pratiquer.
• Elles subissent pressions sociales et familiales.
• Les modèles féminins dans le sport congolais restent très peu visibles.
• Les infrastructures adaptées (vestiaires, équipements) font défaut.
Ces barrières privent les filles non seulement d’une passion, mais aussi d’un droit fondamental à l’éducation et à l’épanouissement par le sport.
Normes internationales et droits des filles à pratiquer le sport
Rappeler que le sport n’est pas seulement une activité récréative, mais un droit fondamental, notamment la convention relative aux droits de l’enfant (art. 31 → droit au repos, aux loisirs et aux activités récréatives), l’engagements de la RDC en matière d’égalité de genre ainsi que la charte africaine de la jeunesse. Nous faisons aussi allusions à d’autres instruments juridiques internationaux tels que :
1. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, 1979), a son article 10(c). La CEDAW oblige les États parties à éliminer les discriminations dans l’éducation et la formation, y compris l’accès aux activités sportives et récréatives. Les filles doivent avoir les mêmes opportunités que les garçons pour pratiquer des activités physiques et sportives à tous les niveaux (scolaire, communautaire et professionnel).
2. Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 1948), à son article 26 (droit à l’éducation) et Article 1 (égalité de droits), qui stipule que tous les individus, filles et garçons, ont droit à l’éducation, qui inclut la possibilité de participer à des activités culturelles, sportives et récréatives. Cette déclaration garantit un droit fondamental à l’accès au sport sans discrimination basée sur le sexe.
3. Résolutions du Comité international olympique (CIO), qui fait référence à la charte olympique et résolutions sur l’égalité hommes-femmes, visant la promotion de la participation égale des femmes et des filles au sport, ainsi que la lutte contre les discriminations dans toutes les disciplines sportives, à tous les niveaux.
4. Déclaration et Programme d’action de Beijing (1995) – Conférence mondiale sur les femmes ( Section K, paragraphes 112-118) qui vise à encourager les gouvernements à favoriser l’accès des femmes et filles au sport et à éliminer les barrières à leur participation, y compris la discrimination et les stéréotypes de genre.
5. Charte internationale du sport et de l’éducation physique (UNESCO, 1978), avec un objectif de promouvoir le sport et l’éducation physique comme vecteurs de paix et d’égalité. Cet instrument juridique est applicable au sport féminin et insiste sur la nécessité de supprimer les obstacles sociaux et culturels qui limitent la participation des filles.
6. Convention relative aux droits de l’enfant (CDE, 1989), à son article 29 et 31. L’article 29 stipule que , l’éducation doit viser le plein développement de l’enfant, y compris physique et l’article 31, stipule que l’enfant a droit au jeu, aux loisirs et à la participation à des activités culturelles et sportives. Les États doivent créer un environnement qui favorise l’accès égal au sport pour les filles et les garçons. Ces instruments forment un cadre juridique et politique international pour : Garantir l’égalité d’accès au sport pour les filles, supprimer les discriminations liées au genre et encourager les États à développer des infrastructures et des programmes sportifs inclusifs.
5. Pistes de solutions
Pour renverser la tendance, il est recommandé de :
1. Éduquer et sensibiliser les familles et communautés afin de briser les stéréotypes de genre.
2. Créer des clubs et espaces sécurisés où les filles peuvent pratiquer sans peur.
3. Mettre en avant des modèles féminins congolais et africains dans les médias.
4. Associer l’école et le sport, afin que le sport soit reconnu comme complément à l’éducation.
5. Travailler en partenariat avec les ONG locales pour développer des programmes sportifs inclusifs dans les écoles et dans la communauté.
L’engagement de SAPI et son partenaire local CADERCO
Consciente de ces défis, SAPI , en partenariat avec l’association locale CADERCO RDC, développe des initiatives qui associent sport, protection et éducation :
• Organisation d’ateliers communautaires pour déconstruire les stéréotypes de genre liés au sport avec des actions pilotes dans le territoire de kalehe
• Mise en place de clubs sportifs inclusifs où filles et garçons jouent ensemble pour promouvoir l’égalité.
• Intégration de séances de sensibilisation sur les droits des filles avant et après les matchs.
• Développement de programmes de soutien psychosocial pour les jeunes filles victimes de discrimination ou de violence liée au sport.
• Plaidoyer auprès des écoles et autorités locales pour inclure davantage les filles dans les compétitions et les infrastructures sportives.
Conclusion
Permettre aux filles de pratiquer le sport en RDC, ce n’est pas seulement leur offrir un loisir : c’est leur donner confiance, protection et égalité. En brisant les stéréotypes et en créant des espaces sécurisés, nous contribuons à leur émancipation et à leur réussite scolaire. Avec le soutien de SAPI et de CADERCO, chaque fille peut rêver, courir et marquer ses propres buts dans la vie.
Nous aimerions lire vos avis sur nos 3 questions suivantes :
➡️ Selon vous, le sport peut-il devenir un véritable levier d’émancipation pour les filles en RDC ?
➡️ Quels autres moyens devrions-nous mettre en place pour briser les stéréotypes qui enferment les filles ?
➡️ Comment encourager davantage les familles à soutenir leurs filles sportives ?