Raimundo Pereira Da Silva est né à Nazaré da Farinha dans l’intérieur des terres de la Bahia. Après le décès de son père, il est arrivé à 8 ans à Salvador avec son frère où il s’est installé à Uruguay, un quartier populaire situé dans la zone la plus défavorisée de la capitale bahianaise. Au Alto do Bonfim, il a pu achever ses études obligatoires. Il a commencé à travailler dans le social à 14 ans avec les « irmão doce ». Son premier emploi rémunéré– il l’a obtenu dans la construction civile. Il a ensuite travaillé dans les tissus pour continuer à gagner sa vie. En parallèle, il a toujours voulu continuer à prendre en compte les besoins de ses proches. « Je pense que Dieu donne un don à tout le monde. Personnellement, j’ai toujours voulu aider les autres », affirme-t-il volontiers. Etant pris la journée par ses activités lucratives, il s’investissait dans le bénévolat le soir.
A cette époque, il s’est rendu compte que les favelas sur pilotis au bord de la Baie de tous les Saints constituaient la région qui avait le plus besoin d’une aide circonstancielle. Leur groupe a fondé dès lors une association « satélite ». Ils se sont efforcés de trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie des personnes vivant dans ces petites baraques en bois sur pilotis. Pendant 12 ans, ils ont réussi à construire les premières maisons en dur, notamment grâce à l’appui de Roberto Santos alors au gouvernement. Puis, lorsque beaucoup de personnes se sont intéressées à l’association et étaient prêtes à s’engager, Sr. Raimundo a remis sa fonction de Président et s’est investi dans l’association « Primeiro de maio » bénéficiant à une autre communauté.
Il a dès lors lutté ardemment pour l’urbanisation de la rue Manuel Vargas Ervedo où il vivait avec sa famille. Avec ce projet a surgi l’opportunité de s’inscrire dans un autre projet d’ensemble de quartier à Lobato. Il y a donc déménagé. Une fois sur place, il s’est rendu compte qu’il n’existait aucune infrastructure sociale. La moitié des maisons n’avait pas encore de toit. Le quartier n’était pas urbanisé. Avec les habitants, ils ont créé une nouvelle association pour construire une école, un centre de santé, une crèche, etc. En 1972, il s’est donc engagé une fois de plus dans cette lutte malgré de nombreux engagements avec d’autres entités.
Beaucoup d’aberrations ont eu lieu, notamment des ensembles de maisons ont été construites et laissées inhabitées pendant des années. Quand les habitants d’Uruguay se sont rendus à Johanes Leste dû au remaniement de l’aménagement du territoire, il y a donc eu des répercussions au niveau de la santé. Beaucoup de nouveaux arrivés ont soufferts de vers dans les pieds véhiculés par des bêtes qui ont profité des ces espaces vides pendant des années. L’association a répertorié tous ces problèmes et pris les photos des pieds des usagers du quartier afin de les envoyer au BNH de Rio de Janeiro, un programme de développement communautaire. Ils ont financé l’assainissement de la zone à travers de la MESA dans laquelle Sr. Raimundo était impliqué depuis de nombreuses années. Un élan est né de cette initiative – chacun a commencé à améliorer sa maison et ce qui l’entoure.
Un nouveau problème a surgi ensuite : la taxe des maisons. Chacun devait payer 30 à 40 cruzeiros, ce qui était hors budget de la plupart de ces familles. Ils ont obtenu du gouvernement de Antônio Carlos Magalhães qu’il prenne en charge 80% du loyer à payer.
Puis sous le gouvernement de João Batista, étant donné qu’il avait offert un ensemble de maisons, conjunto Johanes Centro Este, ils ont obtenu que les habitants ne paient plus rien. A noter, le gouvernement dépensait plus en courrier et bulletin de versements qu’il ne percevait de loyer. De plus, le fait que les familles étaient issus de maisons précaires sur pilotis a clairement démontré qu’elles n’avaient pas les moyens de payer un quelconque loyer.
Une fois les maisons assurées, l’association de quartier s’est préoccupée de renforcer les infrastructures de scolarisation. Si l’école primaire était assurée, il n’en était rien du secondaire, il fallait donc poursuivre cette lutte. Une fois l’école secondaire obtenue, la communauté a uni ces forces pour acquérir un poste de santé ainsi qu’un supermarché du gouvernement avec des prix abordables pour les habitants de ce quartier.
A l’époque du préfet Fernando José, après un gros problème d’inondation lié à la pluie beaucoup de personnes dans Salvador ont perdu leur maison. De ce fait, toute l’ancienne zone insalubre du quartier a été envahie par une population sans toit. Le quartier se retrouvait donc avec des personnes vivant à nouveau dans des situations très précaires. Les difficultés liées à l’habitation ont recommencé. De nouvelles personnes sans-abri se sont construits de nouvelles baraques sur pilotis, notamment à Lobato, alors qu’ils avaient réussi à éradiquer ce phénomène.
70% des personnes du quartier étaient des familles monoparentales, pour la plupart des femmes. Elles ont demandé à Sr Raimundo de regarder comment s’était possible de trouver des personnes pour s’occuper de leurs enfants pendant qu’elles travaillaient. De ce fait, l’association de quartier a formé une crèche.
En 1998, à travers l’association Santa Lucia, Sr. Raimundo a connu l’UNIÃO por Moradia Popular. Le noyau de base qui s’était formé les a intéressé et ils ont décidé de participer aux débuts de ce mouvement qui souhaitait aider les personnes démunies qui n’avaient nulle part où loger.
Depuis ce nouvel engagement, il a commencé à voyager, à visiter d’autres villes et d’autres personnes impliquées dans la problématique de l’habitation. A force de rencontrer des personnalités, Sr. Raimundo et sa communauté ont bénéficié de l’aide d’universitaires qui les ont aiguillé auprès d’une ONG espagnole, Casa da agua de côco, qui visitait Salvador et des projets afin de financer leur action. De ce fait, un partenariat s’est mis en place en prenant en compte deux priorités dans le quartier : un poste de santé et une crèche adéquate. Trois mois après, la crèche et le poste de santé étaient inaugurés. De 30 enfants, l’association de quartier est passée à plus de 200. Cela leur a permis de lutter contre le travail infantile et de sensibiliser la population à ce genre de phénomènes sociaux.
En parallèle, sa communauté s’est jointe aux revendications de l’UMP-BA afin d’améliorer les conditions de vie de plus indigents, principalement en ce qui concerne le logement. « Nous participons dès lors des manifestations, congrès, séminaires et rendez-vous en tout genre pour fortifier le mouvement », se rappelle-t-il.
Sr. Raimundo a été élu coordinateur financier de l’UNIÃO et de ce fait a participé à la volonté commune de ce mouvement de proposer une alternative pour construire de nouveaux logements grâce au programme du Crédit Solidaire et à l’autogestion des communautés de base. Au début, il y avait 4 projets : Estrada Velha, Paripe, Lauro de Freitas e Feira de Santana. Deux étaient prioritaires : Eva et Paripe. Aujourd’hui, seul Paripe a débuté.
En règle générale, son association travaille avec différentes entités pour tisser de nouveaux liens et faire avancer le débat public. Sr. Raimundo attache une importance particulière à la formation professionnelle et croit fermement que l’avenir dans ce domaine réside dans les coopératives. En bas de sa crèche, un atelier de beauté forme de jeunes femmes à devenir esthéticienne, manicure ou encore coiffeuse. En effet, selon ses dires, le manque de travail et d’opportunité pour les jeunes crée un contexte favorable aux drogues et à la délinquance. Les associations sont là pour remédier aux lacunes du gouvernement qui ne comble pas ces besoins essentiels. « Aujourd’hui, il devrait aider les infrastructures sur place, leur donner un appui, du matériel et des moyens financiers », réclame-t-il.
De l’autre côté, Sr. Raimundo est triste de constater que la majeure partie des jeunes préfère se saouler plutôt que de contribuer à ce que leurs vies et celles des autres soient meilleures. Ils ne font que passer le temps avec des activités futiles. Quant à lui, malgré être à l’âge de la retraite, Sr. Raimundo espère aider encore bien plus de personnes.
Propos recueillis par Claire Rinaldi et Olivier Grobet