Urbanitaire: les enjeux de la ville

Heurs et malheurs d’une jeune association « Urbanistes sans frontières »

 
Urbanistes sans frontières » a germé dans l’esprit que quelques professionnels et universitaires, attentifs à l’évolution de la discipline urbanisme, ou plutôt à la nécessité d’une adéquation entre un besoin émergent et une pratique a constituer.
 

Un échange avec des acteurs de l’humanitaire, notamment engagés dans les programmes des Nations Unies d’aide aux victimes de catastrophes, les ont conforté dans l’urgence de penser à des outils, à des moyens urbanistiques spécifiques, liés aux crises humanitaires. La première pensée s’est attachée à l’accompagnement de l’organisation des secours post catastrophes.
 

Penser urbanisme dans des situations de ce type peut paraître futile, il n’en est rien : il s’est avéré important, même si pas indispensable à court terme, d’intégrer la planification, notamment pour les camps de réfugiés qui restent souvent le seul abri pour de longues années. Il ne s’agit pas de comprendre l’ajout de la dimension urbanisme comme un adoucissement du système du « cardo et du decumanus » de ces implantations souvent de type militaire, mais comme l’opportunité d’intégrer quelques éléments spatiaux fondamentaux permettant aux populations de continuer à vivre, avec la possibilité d’assurer un minimum d’intimité familiale, d’échanges sociaux, etc.

Ces réflexions ont bien entendu fait leur chemin et quelques mois plus tard l’acte fondateur était accompli, inscription d’ « urbanistes sans frontières » en tant qu’association à but non lucratif, recrutement de membres, précisions des actions et surtout définition et création d’un terme désignant cette nouvelle discipline « l’urbanitaire ».
 
 

Il s’avérait nécessaire à ce stade de préciser le champ d’action et de réflexion de l’association. En effet, du point de départ d’accompagnement de l’organisation des camps (domaine aujourd’hui superbement piloté par l’organisation Shelter Center), il est devenu évident que pour toutes les situations de résolution de crise après catastrophes, l’urbanisme n’était pas une discipline reconnue comme telle dans les actions de l’humanitaire. Les ingénieurs, les architectes, les géologues, les hydrologues, etc., tous, dans leurs domaines, oeuvrent immédiatement après la catastrophe et dans le laps de temps défini par l’Organisation des Nations Unies à environ six mois, soit dans la période entre la mise en place des secours et le début de la reconstruction. Urbanistes sans frontières souhaite donc apporter sa contribution dans cet espace, une passerelle entre les temps du secours et ceux de la reconstruction. C’est en effet à ce moment que des décisions souvent prises dans l’urgence orientent le développement futur, qui lui bénéficie par contre de tout l’encadrement nécessaire aussi du point de vue urbanistique. Usf a donc mis au point une méthode d’intervention urbanistique et de gouvernance pour les cas de post catastrophes, les premiers gestes d’organisation garantissant le mieux possible le futur.

Les premiers pas de l’association se sont faits dans l’enthousiasme, de nombreux contacts ont été pris avec des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des organisations caritatives, un séminaire a été mis sur pied à l’occasion de la journée mondiale de l’habitat 2005, avec succès.
 

 
Mais le monde de l’humanitaires et de la reconstruction est un monde complexe et très vaste, avec des acteurs innombrables, des réseaux, des relations, des accroches, des donateurs, des opérateurs, des penseurs, des travailleurs, parfois difficiles à identifier au niveau de la répartition des tâches, devoirs et compétences.

Une année de rencontre et malgré tout de progression n’a pour l’instant pas permis à « urbanistes sans frontières » d’obtenir un financement lui permettant de vérifier sur le terrain les thèse de l’association, en cela elle ne diffère pas du destin des nouvelles associations. Il faut évidemment quelques mois, voire années afin de les consolider. Mais ceci est aussi une condition pour qu’ « urbanistes sans frontières » devienne un interlocuteur fiable. Les idées et les thèses d’usf sont en effet toujours reçues avec un intérêt sincère, les interlocuteurs reconnaissant les manques dans ce domaine, mais la présentation de cas concrets devrait bien évidemment permettre de les convaincre. Il est parfois difficile de faire comprendre le rôle de l’urbaniste aux cotés d’architectes et d’ingénieurs, sa production finale restant immatérielle (conseils, master plan,…etc.).
 
 
 Aujourd’hui usf a décidé de préciser sa niche écologique. Les institutions académiques sont fort bien outillées dans les domaines de la recherche et de l’enseignement et sur le point de créer, par exemple à l’EPFL, des pôles de recherches et de formation dans le domaine de l’ingénierie de crises, dotés de ressources importantes. usf souhaite donc se positionner en tant qu’association de professionnels de l’urbanisme, désireuse de contribuer à l’aide post catastrophes, à cette ingénierie de résolution des crises. Elle ira en tant qu’observateur sur le terrain afin de mettre au point son action, elle répondra à des appels d’offres, elle offrira ses services à des organismes engagés dans le secours et la reconstruction.

 
usf compte 58 membres, elle a tenu sa première assemblée générale en juin 2006, elle compte pour l’année à venir constituer les bases d’une expérience, qui pourra être transmises et négociée en tant que compétence complémentaire à celles déjà bien ancrées dans l’action post catastrophes.
 

 

Pascale Roulet, architecte-urbaniste, « urbanistes sans frontières »,
Genève, le 4 juillet 2006
 www.urbansf.org
 

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