«Vale international laisse des désastres au Brésil»

Pour mieux comprendre l’arrière-plan de cette affaire Gauchebdo a interviewé  Beat Tuto Wehrle, secrétaire général depuis du 2007 de l’ONG E-CHANGER basée à Fribourg et qui a vécu, auparavant,  22 ans au Brésil comme assesseur des mouvements sociaux, en particulier du Mouvement sans Terres.
Les cadeaux fiscaux obtenus par Vale International dans le canton de Vaud vous étonnent-ils ?
Beat Tuto Wehrle : Non,  d’ailleurs l’installation de cette multinationale à St-Prex en Suisse, a été une manière d’échapper  au fisc brésilien alors que son siège était encore à Rio de Janeiro. Vale a perdu, en terme fiscal, de nombreuses batailles juridiques au Brésil  et a laissé une ardoise d’environ 15 milliards de dollars à l’Etat du Brésil. C’est dire que les cadeaux fiscaux obtenus dans le canton de Vaud ne sont que la pointe de l’iceberg de la stratégie de cette entreprise.
 
Des « déserts verts »
 
Cette même multinationale n’a-t-elle pas reçu cette année le prix du « Public Eye Awards » décerné en marge du Forum de Davos par  les ONG « la Déclaration de Berne » et Greenpeace entre autre à la pire entreprise du monde ?
 
C’est exact, et pourtant elle était en compétition avec Tepco, société gérante des centrales nucléaires de Fukushima, ou encore de Syngenta, reconnue récemment encore en France pour sa responsabilité dans l’intoxication des paysans par ses produits ou la Banque Barclays. Si Vale International a remporté ce sinistre prix c’est grâce aux témoignages des mouvements sociaux brésiliens qui connaissent bien les impacts sociaux et environnementaux désastreux de Vale. Cette entreprise n’est pas seulement la 2ème plus importante extractrice de minerais au monde mais possède aussi 1800km de voies ferrées et 2 ports à Pecém (Etat du Ceará) et Itaqui  (Etat du Maranhão). Elle possède aussi de nombreuses forêts d’eucalyptus, appelées « déserts verts » pour leurs graves atteintes à l’environnement. Elle participe aussi à la construction très controversée du barrage de Belo Monte en pleine forêt amazonienne qui  va causer des dégâts écologiques très graves et expulser plus de vingt peuples indigènes de leurs territoires ancestraux.  Vale International fait en 2011,  23 milliards de bénéfice mais détruit les terres et la forêt amazonienne !
 
Vale  International  était pourtant à l’origine une entreprise d’Etat ?
 
Oui, et c’est en 1997 que le gouvernement néolibéral de Fernando Henrique Cardoso l’a vendue pour des « cacahouètes » soit à peine 3 milliard et demi de dollars qu’il faut mettre en relation aux 9 milliards de dollars de dividendes versés aux actionnaires seulement en 2011 ! C’est dire que les brésiliens se sentent deux fois floués. Et le canton de Vaud en acceptant d’héberger le siège social de Vale International, qui de plus en l’exonérant partiellement d’impôt joue, le jeu pervers de cette société, qui maximalise les profits des actionnaires en échappant systématiquement à sa responsabilité sociale. Vale International laisse  au Brésil les trous des mines,  les désastres environnementaux, des travailleurs sans accès aux droits syndicaux, des peuples indigènes expulsés de leurs territoires… C’est pourquoi le Prix du « Public Eye Awards » était bien mérité.
 
Propos recueillis par Bernard Borel
Gauchebdo

Laisser un commentaire